Massacre de Tuzla

Le massacre de Tuzla est un bombardement opéré, le sur la ville du même nom, par l'Armée de la république serbe de Bosnie durant la guerre de Bosnie-Herzégovine. Au cours de l'attaque, soixante-et-onze civils sont tués et près de deux cents autres sont blessées, essentiellement des adolescents et jeunes adultes.

Massacre de Tuzla

Tuzla, Massacre Mémorial-Kapija

Localisation Tuzla, Bosnie-Herzégovine
Cible civils
Date 25 mai 1995
Type Assassinat de masse
Morts 71
Blessés 200
Auteurs Armée de la république serbe de Bosnie
Mémorial « Slana banja » en 2005.

Des poursuites ont été engagées dans les années et ont débouché sur une condamnation pour crime de guerre.

Déroulement

Au soir du , date de la « fête de la jeunesse » instaurée par Tito[1], l'armée serbe bombarde le centre de Tuzla en visant notamment des terrasses de cafés[2]. Les tirs proviennent d'un canon 130 mm[3] situé sur le mont Ozren[4]. Ils constituent « des représailles à la double frappe aérienne effectuée quelques heures auparavant par des avions de l'Otan sur un dépôt de munitions près de Pale, […] « capitale » des Serbes de Bosnie […] »[5] en raison de l'absence de réponse à l'ultimatum lancé la veille par la FORPRONU « exigeant un cessez-le-feu immédiat autour de la capitale bosniaque ainsi que la restitution d'armes lourdes ou leur évacuation au-delà d'un rayon de 20 kilomètres, comme le prévoit la « zone d'exclusion » instaurée en février 1994 »[6].

Les Nations Unies qualifient l'attaque menée par les serbes de « barbarie médiévale »[7]. Soixante-et-onze personnes sont tuées et près de deux cents sont blessées[2],[8],[7]. Les victimes sont des civils, âgées pour la plupart de dix-huit à vingt-cinq ans[9]. Le lendemain, de nouvelles frappes ont lieu sur la ville[5].

Poursuites judiciaires

En , Novak Đukić, un officier serbe bosniaque de la VRS au moment des faits, est arrêté à Banja Luka puis livré à la justice bosnienne[10]. Son procès débute en . Le , la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine (en)[n 1] le déclare coupable de crime de guerre considérant qu'en sa qualité de commandant militaire, il avait ordonné à ses troupes de procéder à une attaque indiscriminée sur le quartier de Kapija en violation du droit international[12]. Les juges prononcent une peine de vingt-cinq années d'emprisonnement[13],[14],[15]. En , l'appel est rejeté ; le verdict de première instance est confirmé de facto[16].

L'exécution de la peine est finalement suspendue en après que la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine (en) ait jugé qu'il y avait eu violation de l'article 7, paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. En , une division d'appel de la Cour d'Etat opère une réduction du nombre d'années d'emprisonnement en condamnant définitivement Novak Đukić à vingt ans[17]. Avant de commencer à purger sa peine, il s'enfuit en Serbie, Etat dont il a également la nationalité. Un accord de coopération est passé entre les deux pays afin que la Serbie s'acquitte de l'exécution du verdict[18]. En , Serge Brammertz, alors Procureur du TPIY, juge préoccupant que les autorités serbes n'aient toujours pas entrepris de démarches en ce sens[19].

En puis en , des expertises médicales ordonnées par les juridictions serbes concluent que Novak Đukić ne peut comparaître en raison du risque d'aggravation de son état de santé et du traitement qu'il suit[18].

Hommages

Plutôt que d'être séparées par religion, les victimes sont enterrées ensemble dans le complexe commémoratif de Slana Banja[20]. En , un musée commémoratif est ouvert ; l'ONG Balkan Investigative Reporting Network fait don à la municipalité d'archives dont celles portant sur le procès de Novak Đukić[21].

Révisionnisme

En , dans un entretien avec le tabloïd serbe Večernje Novosti, Novak Đukić soutient qu'« il mérite d'avoir son nom sur le monument de Tuzla » et impute l'attaque à une bombe cachée par « sept terroristes islamiques ». La chaîne Radio Televizija Republike Srpske, qui avait transmis ce texte, est condamnée à une amende de 6 000 euros par l'Agence de régulation des communications de Bosnie-Herzégovine[22][source secondaire souhaitée].

En , Novak Đukić assiste à un événement organisé par le ministère de la Défense serbe à Belgrade autour du livre The Gate of Tuzla – a Staged Tragedy, écrit révisionniste d'Ilija Branković. La promotion de l'ouvrage est condamnée par Dunja Mijatović, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, celle-ci considérant que le livre « falsifie les faits » de [23],[24]. Sefik Dzaferovic, membre bosniaque de la présidence de Bosnie-Herzégovine[25] et Tanja Fajon, présidente du Comité du Parlement européen pour la stabilisation et l'association de la Serbie à l'Union européenne[26] figurent également parmi les voix qui s'élèvent contre cet écrit.

Articles connexes

  • Incident de la colonne de Tuzla en 1992 (en)

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Cette juridiction, au sein de laquelle existe une section spécialisée dans les crimes de guerre, a été créée avec la coopération du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie afin que les poursuites au niveau national se développent en parallèle de celles menées sur le plan international[11].

Références

  1. « Villes martyres », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  2. Remy Ourdan, « Le massacre de Tuzla entraîne de nouveaux raids de l'OTAN Les artilleurs serbes ont ouvert le feu sur deux cafés de la ville bosniaque, faisant soixante et onze morts. Tandis que deux cents « casques bleus » étaient pris en otage à Sarajevo, les Occidentaux répliquaient par de nouvelles frappes aériennes », sur Le Monde.fr, (consulté le )
  3. « Bosnie-Herzégovine. “Nous, on ne veut plus se faire avoir par la guerre” », sur Courrier international, (consulté le )
  4. (bs) « Tuzla: Osamnaest godina od zločina na Kapiji », sur balkans.aljazeera.net, (consulté le )
  5. « Scènes d'horreur à Tuzla », sur liberation.fr, (consulté le )
  6. Marc Semo, « Bosnie: l'Otan frappe, les Serbes bombardent les zones de sécurité », sur liberation.fr, (consulté le )
  7. (en-US) Roger Cohen, « Conflict in the Balkans - The overview: after 2nd Strick from NATO, Serbs detain UN Troops », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  8. Alain Finkielkraut, « Ne pas laisser l'image des morts ensevelir les morts », sur liberation.fr,
  9. Françoise Wallemacq, « Bosnie-Herzégovine : il y a 25 ans, Sandro, 2 ans, fauché par un obus à Tuzla, avec des dizaines d'autres jeunes », sur rtbf.be,
  10. « Un ex-général serbe bosniaque inculpé pour crimes de guerre », sur RTL Info, (consulté le )
  11. « Développement des instances judiciaires nationales », sur icty.org (consulté le )
  12. (en) Mark Kersten, « Tuzla Bombing Victims Get Justice: Đukić Convicted of War Crimes », sur www.digitaljournal.com, (consulté le )
  13. (en) « Bosnian Serb jailed for massacre », sur BBC, (consulté le )
  14. AFP, « Crimes de guerre : un Serbe condamné », sur Lefigaro.fr, (consulté le )
  15. (en) « Prosecutor’s Office of Bosnia and Herzegovina v. Novak Djukic, Case No.: X-KR-07/394 »,
  16. (en) « Prosecutor’s Office of Bosnia and Herzegovina v. Novak Djukic, Case No.: X-KR-07/394 », (consulté le )
  17. (hr) « Đukić Novak », sur Sud Bosne i Hercegovine (consulté le )
  18. (en-US) Milica Stojanovic, « ‘Unwell’ Bosnian Serb General’s Trial Suspended to September 2021 », sur Balkan Insight, (consulté le )
  19. « Allocution de Serge Brammertz, Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et du Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux, devant le Conseil de sécurité de l’ONU », sur icty.org, (consulté le )
  20. (en) Tea Hadziristic, « Here we don’t live just to live: On Tuzla’s Kapija Massacre and the Politics of Selective Memory », sur balkanist.net,
  21. (en) « BIRN Bosnia Gives Archive Material to Tuzla Memorial Centre », sur birn.eu, (consulté le )
  22. (en) « The State of Serbia Continues to Crime and Hide Novak Đukić, the Murderer of the Tuzla Youth », sur yihr.rs
  23. (en) « Mijatović condemns falsifying facts of war crime at Tuzla Gate », sur fena.ba,
  24. (en) Mersiha Gadzo, « Serbia’s defence ministry slammed for promoting revisionism », sur aljazeera.com, (consulté le )
  25. (en) « Statement by Šefik Džaferović, member of the Presidency of Bosnia and Herzegovina »,
  26. (en) « MEP: No place for denial of crimes in Europe »,
  • Portail de la Bosnie-Herzégovine
  • Portail de l’histoire militaire
  • Portail de la Serbie et du peuple serbe
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.