Arménie perse

L’Arménie perse désigne l'Arménie sous la domination perse, de 428 à 646 puis de 1639 à 1828. Cette partie de l'Arménie historique est divisée en 1747 entre khanat d'Erevan, khanat de Nakhitchevan et khanat du Karabagh. Elle disparaît définitivement avec le traité de Turkmanchai, qui l'annexe à la Russie.

Ne doit pas être confondu avec Persarménie.

Histoire

Moyen Âge

Jusqu'en 428, l'Arménie est gouvernée par des rois issus de la famille des Arsacides, qui a également gouverné la Perse avant que les Sassanides ne l'y renversent en 224. Pour ceux-ci, les rois d'Arménie représentent un danger, car ils peuvent toujours se poser en prétendants légitimes au royaume de Perse. Aussi, lorsqu'ils ont définitivement pris possession de l'Arménie, ils décident d'abolir la royauté arsacide. Les cadets de la famille, par sécurité, émigrent à Byzance[1]. Pour gouverner l'Arménie, les rois sassanides nomment des gouverneurs, ou marzbans, le plus souvent choisis parmi les nobles arméniens. Ce système perdure jusqu'au VIIe siècle. À partir de 624, l'empereur Héraclius mène une guerre contre la Perse, et conquiert l'Arménie en 627. Il nomme ensuite plusieurs marzbans, et Constant II, l'un de ses successeurs, transforme en 646 le titre de marzban en prince d'Arménie, tout en conservant le droit de les nommer.

Liste des marzpans d'Arménie

Dates Marzpan Notes
428-442Veh Mihr ChapourSeigneur iranien, nommé par le roi sassanide Vahram V.
442-451Vasak, prince de SiounieNoble arménien, nommé par le roi sassanide Yazdgard II. Destitué en 451.
451-465Adhour Hordmidz (forme arménienne : Adrormizd)Seigneur iranien, nommé par le roi sassanide Yazdgard II.
465-481Adhour Gouchnasp (forme arménienne : Ardervechnasp)Seigneur iranien, nommé par le roi sassanide Péroz Ier.
481-482Sahak II BagratouniNoble arménien, élu par les nobles insurgés. Tué à la bataille d'Akesga.
482-482Chahpouhr Mihran(Occupation militaire).
482-483Vahan Ier MamikonianChef du gouvernement provisoire.
483-483Zarmihr Karen(Occupation militaire).
483-484Chahpouhr de ReyySeigneur iranien, nommé par le roi sassanide Péroz Ier.
Pour la même période, Cyrille Toumanoff propose un marzpan du nom d'Andigan[2].
484-505Vahan Ier Mamikonian (pour la seconde fois)Noble arménien, nommé par le roi sassanide Péroz Ier.
505 ou 510Vard Mamikonian ou Vard le PatriceFrère du précédent, reconnu marzpan par le roi sassanide Kavadh Ier.
Plusieurs marzpans persesSelon Samuel d'Ani : « Après le patrice Vard, frère de Vahan, des marzpans perses gouvernèrent l'Arménie pendant onze ans ... Le gouvernement d'Arménie passa ensuite à Mjej de la famille Gnouni, qui l'exerça trente ans »[3].
518-548Mejēj Ier GnouniMentionné par Cyrille Toumanoff[2], Gérard Dédéyan[4] et René Grousset[5].
548-552[2] ou 552-554[6]Gouchnasp Bahrām
552-560[2] ou 554-560[6]Tan-Châhpouhr
560-564Varazdat
564-572Souren
572Vardan III MamikonianGouvernement insurrectionnel[6].
572Mihrān MihrevandakGénéral envoyé par le roi sassanide Khosro Ier[6].
572-573Vardan III MamikonianDe nouveau (gouvernement insurrectionnel)[6].
À la place de ces trois périodes, Cyrille Toumanoff donne un unique Vardān-Goushnasp[2]. Peut-être faut-il voir une confusion avec Vardan Mamikonian.
573-574Glōn Mihrān
573-576Vardan III MamikonianSous protectorat byzantin[6].
Pour la même période, Krikor Jacob Basmadjian et Cyrille Toumanoff donnent Philippe, prince de Siounie.
576TamkhosrauSeigneur iranien, nommé par le roi sassanide Khosro Ier[2].
576-578Varaz VzourSeigneur iranien, nommé par le roi sassanide Hormizd IV[2].
579-586PahlavSeigneur iranien, nommé par le roi sassanide Hormizd IV[2].
586-590FrahâtSeigneur iranien, nommé par le roi sassanide Hormizd IV[2].
590-592Hrartin (Fravardin)Seigneur iranien, nommé par le roi sassanide Hormizd IV[2].
591-591Moušeł II MamikonianGouverneur, installé par les Byzantins.
592-605Vindātakān Ces cinq marzbans sont donnés par Cyrille Toumanoff.
Nakhvēfaghan
Merakbōūt
Yazdēn
Bōūtmah
604-611 ou 616Smbat IV Bagratouni[7] Il n'est pas mentionné comme marzban d'Arménie par Cyrille Toumanoff. Selon René Grousset, après ses victoires en Hyrcanie, Khosro II le fait marzban d'Arménie, avant 604. Grousset ajoute en note que « Sembat paraît avoir conservé ses fonctions jusqu'à sa mort en 616-617 »[8], mais il indique par ailleurs trois marzbans, l'un de 611 à 613 (Chahrayanpet), un autre en 613 (Pârsâyênpet) et un troisième de 616 à 619 (Nâmdar-Gouschnasp)[9].
611-613SchahrayeanpetMarzpan à Dvin, dans l'est de l'Arménie, tandis que Shahen Vahmanzadhaghan est pahghospan dans l'ouest de l'Arménie, tous deux nommés par Khosro II.
613-613ParschenazdatSeigneur iranien, nommé par Khosro II.
616-619Nāmdār-GouchnaspSeigneur iranien, nommé par Khosro II.
619-624Shāhraplakan (Sarablagas)Seigneur iranien, nommé par Khosro II.
624-627RotchvēhānSeigneur iranien, nommé par Khosro II.
627-628Une grande partie de l'Arménie devient province byzantine.
628-634Varaz-Tiroç II BagratouniNakharar arménien, nommé marzpan pour les provinces restées perses par le roi sassanide Kavadh II.
Devant les démêlés de la Perse avec les Arabes, Varaz-Tiroç se rapproche des Byzantins.
630-635Mejēj II GnouniNakharar arménien, nommé gouverneur par Héraclius pour l'Arménie byzantine
635-638Davith SaharouniIl tue Mejēj Gnouni, se proclame général du corps d'occupation byzantin, est ensuite reconnu par Héraclius qui le fait curopalate et ichkhan d'Arménie.
638-643Pas d'autorité centralisée, plusieurs nakharark se partagent le pouvoir.
643-645Théodoros Rechtouni
645-646Varaz-Tiroç II BagratouniÀ la chute de l'Empire sassanide, il devient prince d'Arménie.

Époque moderne

Pendant tout le XVIe et le début du XVIIe siècles, l'Arménie est le champ de bataille sur lequel s'affrontent les Ottomans et les Perses, passant tour à tour sous la domination des uns ou des autres[10]. Le traité de Qasr-i-Chirin met fin à cette situation en 1639 et accorde l'Arménie orientale à la Perse[11]. Le pays est alors fortement dépeuplé, à la suite de la décision d'Abbas Ier de Perse (exécutée en 1604-1605) de déporter des Arméniens dans la région d'Ispahan, afin d'y créer un centre de commerce à la Nouvelle-Djoulfa, mais aussi de vider la région devant les armées ottomanes et empêcher leur approvisionnement[12].

Au début du XVIIIe siècle, à la suite du déclin de la Perse séfévide et des premières incursions russes dans le Caucase, les Ottomans décident de réagir et marchent sur l'Arménie perse ; Erevan tombe ainsi le [13], mais le Karabagh et le Zanguezour résistent sous la direction de David Bek ; ce n'est que dans les années 1730 que des troupes perses réussissent à reprendre la région[14]. En 1747, à la mort de Nâdir Châh, l'Arménie perse est répartie entre trois khanats relativement autonomes, les khanats d'Erevan, de Nakhitchevan et du Karabagh.

Le début du XIXe siècle voit l'Arménie perse peu à peu tomber aux mains des Russes. La guerre russo-persane de 1804-1813, conclue par le traité de Golestan, donne lieu à la prise du khanat du Karabagh[15]. Quant à eux, les khanats d'Erevan et de Nakhitchevan tombent à l'issue de la guerre russo-persane de 1826-1828, entérinée par le traité de Turkmanchai[16]. L'Arménie perse fait alors place à l'Arménie russe[17].

Notes et références

  1. Settipani 2006, p. 106-130
  2. Toumanoff 1990, p. 506-507.
  3. Settipani 2006, p. 133, n.4.
  4. Dédéyan 2007, p. 195.
  5. (Grousset 1947, p. 237-238).
  6. Grousset 1947, p. 242-247.
  7. Christian Settipani le dit marzban d'Arménie de 599 à 607(Settipani 2006, p. 330-334).
  8. Grousset 1947, p. 264.
  9. Grousset 1947, p. 272.
  10. Dédéyan 2007, p. 389.
  11. Dédéyan 2007, p. 393.
  12. Dédéyan 2007, p. 448.
  13. Dédéyan 2007, p. 458-459.
  14. Dédéyan 2007, p. 460.
  15. Dédéyan 2007, p. 482.
  16. Dédéyan 2007, p. 483.
  17. Dédéyan 2007, p. 484.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Gérard Dédéyan (dir.), Histoire du peuple arménien, Toulouse, Éd. Privat, (1re éd. 1982), 991 p. [détail de l’édition] (ISBN 978-2-7089-6874-5)
  • Christian Settipani, Continuité des élites à Byzance durant les siècles obscurs. Les princes caucasiens et l'Empire du VIe au IXe siècle, Paris, de Boccard, , 634 p. [détail des éditions] (ISBN 978-2-7018-0226-8)
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