Lucius Artorius Castus
Lucius Artorius Castus est le nom d'un chevalier romain, dux qui quitta l'île de Bretagne avec une armée de légionnaires bretons pour marcher sur l'Armorique et y étouffer un soulèvement. Longtemps, on considéra que ces événements se produisirent vers 184 et l'on datait la carrière d'Artorius Castus des règnes de Marc Aurèle et Commode ; par conséquent, il était admis que son histoire avait inspiré au Moyen Âge le personnage légendaire d'Arthur. Il est aujourd'hui reconnu que sa carrière doit être située au cours du IIIe siècle et que l'expédition militaire se situait en fait en Arménie.
Sa carrière
Originaire de Campanie ou de Dalmatie, Artorius Castus nous est connu par deux inscriptions latines découvertes près de Split (Croatie) et qui développent sa longue et remarquable carrière militaire[1]. Il débuta comme centurion de légion en Orient, dans la Legio III Gallica en Syrie, puis dans la VI Ferrata en Syrie Palestine. Puis il fut envoyé sur le Danube (II Adiutrix en Pannonie et V Macedonica en Dacie). Il devient alors primipile de la V Macedonica, puis préfet de la legio VI Victrix en Bretagne ; sa carrière est désormais celle d'un chevalier romain.
Il est préposé à la flotte de Misène — sans doute un détachement envoyé par cette dernière. De Bretagne, avec le titre de dux, il mène des légionnaires pour écraser un soulèvement ou mener une guerre dans une région géographique dont le nom commence par ARM(...). Pendant longtemps le reste du mot, effacé sur la pierre fut restitué pour obtenir une mention de l'Armorique. Le réexamen de l'édition initiale de la pierre par Xavier Loriot a montré qu'en fait le M était ligaturé avec un E et que l'on avait donc ARME(…) : la mission d'Artorius Castus se situait donc en Arménie à l'occasion d'un conflit avec les Parthes ou les Perses. Il est ensuite nommé procurateur gouverneur de la province de Liburnie, à proximité de la Dalmatie et de l'Italie du Nord.
L'hypothèse d'un lien avec la légende arthurienne
Sur la base de la lecture erronée qui place l'action d'Artorius en Armorique, Kemp Malone propose dès 1925 d'identifier le légendaire roi Arthur avec Lucius Artorius Castus[2]. L'hypothèse, assez téméraire, remet en cause les sources traditionnelles : l' Historia Regum Britanniae (L'histoire des rois de Bretagne) de Geoffroy de Monmouth (terminée vers 1136) — qui voyait Arthur comme un roi breton mort en 542 —, l’Historia Brittonum (l'Histoire des Bretons rédigée par Nennius vers 800), ou les Annales galloises (Annales Cambriae) — pour qui Arthur remporta 12 batailles contre des Saxons —.
Toutefois, Lucius Artorius Castus n'a jamais combattu les Saxons. Ces sources ont été écrites largement après les événements. La ressemblance entre le nom de l'officier romain Artorius et le nom d'Arthur a pu aussi contribuer à la notoriété de l'hypothèse.
Dans les années 1990, Linda Ann Malcor reprend la thèse de Kemp Malone. Pour elle, la légende arthurienne provient des confins eurasiatiques et ces sources ont été en partie véhiculées en Angleterre par le peuple migrateur des Sarmates[3]. Or plusieurs de ces « Barbares » ont justement été enrôlés dans l'armée romaine et s'établirent dans le nord de l'Angleterre, à l'époque où l'on plaçait la mission de Lucius Artorius Castus en Bretagne (avant le réexamen des inscriptions par Xavier Loriot)[4]. Malcor a alors supposé qu'aidé de cavaliers Sarmates, Castus aurait remporté vers 184 plusieurs victoires contre les Calédoniens et les Pictes qui envahissaient la Grande-Bretagne et qu'il serait ainsi devenu une sorte de héros chez les Sarmates. Le scénario du film Le Roi Arthur (2004) s'inspire des travaux de Malcor.
On ne peut toutefois plus voir dans ce personnage historique l'un des fondements de la légende arthurienne. Ce rapprochement était tiré d'une part de l'assonance entre Artorius et Arthur, et d'autre part de son rôle en liaison avec la Bretagne romaine et armoricaine. La datation erronée qui plaçait son action sous Commode est aussi à l'origine de cette hypothèse. La nouvelle datation de la carrière d'Artorius Castus interdit désormais de faire un lien entre ce personnage et ces Sarmates ; la localisation de son action en Arménie fait disparaître toute mention d'une révolte en Armorique au IIe ou IIIe siècle : il n'y a pas de raison de supposer un lien particulier entre Artorius et Arthur.
Références
- Mommsen, Corpus Inscriptionum Latinarum, vol. 3, 1873, CIL III, 1919 et CIL III, 12791
- Kemp Malone, « Artorius », Modern Philology, 22, 1925, pp.367-377
- Covington Scott Littleton, Linda A. Malcor, From Scythia to Camelot, New York-Oxon, 1994 (rééd. 2000)
- L'historien Dion Cassius explique qu'en 175 l'empereur Marc Aurèle défait une tribu particulière de Sarmates, les Iazyges. À l'issue d'un traité de paix, 8000 d'entre eux se voient contraints d'intégrer la cavalerie romaine. On en envoie 5500 en Angleterre pour défendre le mur d'Hadrien. Des fouilles archéologiques, menées notamment autour de Ribchester (Lancashire), ont démontré une présence militaire sarmate au IIIe siècle
Bibliographie
- Léon Fleuriot, Les Origines de la Bretagne, Payot.
- Hans-Georg Pflaum, Carrières procuratoriennes équestres, Paris, 1960, n° 196, p. 535.
- C. Scott Littleton, Linda A. Malcor, From Scythia to Camelot, New York-Oxon, 1994 (rééd. 2000)
- Kemp Malone, « Artorius », Modern Philology, 22, 367-377
- (en) L'étude de Linda A. Malcor sur Lucius Artorius Castus et son influence sur la légende arthurienne.
- Xavier Loriot, Un mythe historiographique : l'expédition d'Artorius Castus contre les Armoricains, Bulletin de la société Nationale des Antiquaires de France, 1997.
Articles connexes
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