Les Sept Ivresses

Les Sept Ivresses est un cycle de mélodies composé par Augusta Holmès en 1882.

Les Sept Ivresses
Genre mélodie française
Musique Augusta Holmès
Texte Augusta Holmès
Dates de composition 1882

Composition

La compositrice écrit son cycle de mélodies en 1882, sur des poèmes écrits par elle-même. La dédicace est faite à « A. Talazac », qui semble être Jean-Alexandre Talazac. Le cycle a été édité aux éditions Durand, Schœnewerk et Cie. L'œuvre sera jouée en 1883 à l'Opéra populaire du Châtelet[1] par les concerts Colonne et Lamoureux[2].

Structure

Le cycle se compose de sept mélodies :

  1. L'Amour
  2. Le Vin
  3. La Gloire
  4. La Haine[3]
  5. Le Rêve
  6. Le Désir
  7. L'Or

Poèmes

Poème de l'Amour

Dans la verte forêt mouillée
Marcher à deux,
Se sentir l'âme ensoleillée,
Être amoureux !
Trembler parce qu'une main frêle
Vous a frôlé,
Ou qu'un voile fin comme une aile
S'est envolé !
Pleurer pour que l'on vous sourie
Pleurer encor !
Conserver une fleur flétrie
Comme un trésor !
Ah ! désirer celle qu'on aime
Éperdument,
Et pris de peur n'oser voir même
Son pied charmant !
Errer le soir devant sa porte,
Le cœur en feu !
Être humble, absurde, enfant, n'importe !
Se sentir dieu !
Devenir cette heureuse proie
Fut-ce un seul jour,
N'est-ce pas la suprême joie,
Amour, amour !

Poème du Vin

Vins d'Espagne et vins de Hongrie,
Vins d'Alicante et de Schiraz,
Tout au ras,
Emplissez ma coupe fleurie !
Éclairez mes yeux obscurcis,
Cachez à mon âme ravie
Les soucis,
Et les noirs chagrins de la vie !
Roses vierges, blonds échansons,
Ô beauté ! mêle ton doux rire,
Tes chansons,
Aux extases de mon délire !
Couronnez moi de lierre en fleur !
Versez ! que la brumeuse aurore
Toute en pleurs !
Me retrouve buvant ! Buvant encore !
Avec un bruit de grandes eaux
Le vin à longs fleuves ruisselle !
Iacchos ! Iacchos ! Iacchos ! Iacchos !
Porteur du Thyrse ! Je t'appelle !
Prends moi ! possède moi !
Dieu fort !
Anéantis moi !
Je me livre !
Je suis ivre !
Et veux boire jusqu'à la mort

Poème de la Gloire

Que veulent ces cris ? Qu'elle est cette foule
Qui jusqu'à mes pieds comme un fleuve s'enroule
Faisant écumer sur sa claire houle
Des gerbes de fleurs ?
J'entend des hourras et je vois des pleurs !
Quel mot retentit en folles clameurs,
Se mêlant aux voix d'innombrables chœurs,
Que scande la lyre !
C'est mon nom ! mon nom ! Le peuple en délire
Les rois prosternés, tous, tous, peuvent lire
Aux cieux éclatants que l'aube déchire,
Mon nom adoré !
Ah ! plus loin, plus haut, vers l'Ether sacré,
D'un sublime élan je m'emporterai
Si bien que, vivant,
J'aurais pénétré l'éternel mystère !
Oui ! c'est le nectar qui me désaltère,
Le Nimbe élargit mon front radieux,
Et je suis assis loin de l'humble terre,
Plus haut que les dieux !

Poème de la Haine

Que l'ombre des nuits te glace le sang ;
Que l'azur du jour brûle ta paupière !
Que toute espérance et toute lumière
À ton souffle meure en se flétrissant.

Qu'un amer désir sans trêve dévore,
Vautour affamé, ton cœur et tes sens !
Que ton pain noirci te brise les dents !
Que l'ennuie t'accable et te déshonore !

Qu'un voile d'horreur te cache le jour ;
Que voulant prier ta bouche blasphème !
Meurs ! meurs écrasé sous mon anathème,
Toi qui m'a ravi mon unique amour !

Poème du Rêve

Dans un beau jardin aux claires fontaines
Nous dormons tous deux,
Pris aux tendres chaînes de nos bras heureux !
Tes cheveux défaits couvrent mon épaule
D'un long voile d'or,
Et mon souffle frôle
Ta lèvre qui dort !
Ton cœur oppressé d'une angoisse heureuse
Bat contre le mien !
Dors, mon amoureuse,
Oh dors, ne crains rien !
Car les verts halliers, l'onde qui murmure
Des refrains si doux,
Toute la nature
Se penche vers nous !
Hélas, le réveil ou rien ne me reste
Que de t'adorer
Le réveil funeste
Va nous séparer !
Le rêve divin où notre âme tremble
Va nous être ôté !
Ah ! dormir, dormir ensemble
Pour l'éternité !

Poème du Désir

Soyez maudits, cruels qui dans la geôle sombre
Où mon désespoir rit dans l'ombre
Laissez entrer les feux adorables du jour !
Vous qui par les barreaux de l'étroite fenêtre
Voulez que jusqu'à moi pénètre
L'air plein de chants d'oiseaux et de soupirs d'amour !
Oui, je les vois passer ceux qui l'âme embrasée
S'en vont, les pieds dans la rosée,
Et les cheveux fleuris d'églantines de Mai,
Les amoureux unis aux frêles amoureuses
Errant vers les fenêtres heureuses
Qu'emplit le frais réveil du matin parfumé !
Ah ! mourir ! Oh ! ne plus rien voir ! ne plus entendre
La chanson radieuse et tendre
Qui parle à mon néant d'espoir et de beauté
Mais non ! La mort peut-être est la geôle éternelle
Où l'âme enchaînée et sans ailes
Souffrira du désir pendant l'éternité !

Poème de l'Or

Rouges serpents, ô flammes éperdues
Sifflez et tordez vous !
Vents, agitez vos ailes étendues,
Lourdes eaux, déchirez les nues !
Terre, gronde en un noir courroux !
Sylphes ! Ondins ! Salamandres, et Gnomes,
Quittez vos farouches royaumes !
Accourez tous !
Par la coupe et l'épée,
Par l'Aigle et le Taureau,
Par la faucille neuve et dans le sang trempée,
Par la cigüe et le sureau !
Par la croix de lumière et par l'étoile du matin,
Esprit du feu, de l'air, de l'onde et de la terre,
Obéissez au maître du destin !
Que le feu magique s'allume !
Que sous l'incandescente brume
Dont l'ardeur va croissant,
Dans le creuset incandescent,
Naisse l'or ! l'or qui bouillonne et fume !
Je le vois ! Je le vois !
Il résiste ! il se tord !
Il bat comme un cœur !
Ô joie ! Ô supplice !
Anges, démons, à moi !
Que l'œuvre s'accomplisse !
Dût le vainqueur trouver la mort !
Or ! soleil !
Absolu suprême ! près de toi tout est vain !
Ô fils de mon âme ! Ô fils de mon âme elle-même
Or puissant, Or divin !

Réception

Le Midi artiste souligne que ces mélodies sont l'une des premières que la compositrice aurait écrite, et qu'elle les aurait publiées sous le nom d'Hermann Zenta[4]. Selon Octave Fouque, le cycle des Sept Ivresses mériterait une étude détaillée[5]. Pour Dom Blasius, ce cycle est de la même qualité musicale que ses œuvres comme Lutèce ou les Argonautes[6]. Les sept mélodies font partie de ses œuvre les plus réussies, avec les Griffes d'or, les mélodies étant ses œuvres les plus réussies, selon Henri Perréard[7]. Pour Arthur Pougin et J. Weber, les sept ivresses représentent chacune un des sept pêchés capitaux[8],[9].

Références

  1. « Le Rappel », sur Gallica, (consulté le )
  2. Léon Séché, « Les Annales politiques et littéraires : revue populaire paraissant le dimanche », sur Gallica, (consulté le )
  3. https://www.youtube.com/watch?v=Oth86vbBnE4
  4. Jules Bordier, « Le Midi artiste », sur Gallica, (consulté le )
  5. Octave Fouque, « Courrier de l'art », sur Gallica, (consulté le )
  6. Dom Blasius, « L'Intransigeant », sur Gallica, (consulté le )
  7. Henri Perréard, « Chronique musicale », La Vie latine, , p. 16-17 (lire en ligne)
  8. Arthur Pougin, « Le Ménestrel : journal de musique », sur Gallica, (consulté le )
  9. J. Weber, « Le Temps », sur Gallica, (consulté le )

Liens externes

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