Les Amants trahis
Les Amants trahis est le titre d'une cantate de Jean-Philippe Rameau.
La cantate date peut-être 1721 (celle de la copie qui en a été conservée) ou avant. Cette cantate se distingue par son caractère comique, sa destination à deux voix, et parce qu'elle est la plus longue de toutes celles composées par Rameau.
Elle est écrite pour deux voix (haute-contre et basse-taille), accompagnement de viole et basse continue.
Les amants trahis sont Tircis et Damon, noms tirés des églogues de Virgile ce qui situe la scène parmi les bergers et bergères idéalisés de l'Arcadie.
Tircis et Damon ont perdu leurs bien-aimées respectives, et réagissent chacun d'une différente manière.
Cependant que Tircis (haute-contre) se lamente de ce que Cloris l'a quitté, Damon (basse-taille) a pris le parti d'en rire et de garder sa bonne humeur en relativisant l'importance de sa propre mésaventure avec Sylvie.
Damon finit par convaincre son camarade d'infortune d'oublier sa trop volage amante que tant d'autres peuvent remplacer.
Cette cantate comporte des récitatifs, des airs de caractères variés, des duos. L'auteur du texte n'est pas connu.
Texte de la cantate
Récitatif (Tircis)
- Écho ! combien de fois ai-je su vous instruire
- Des faveurs dont Amour comblait ma vive ardeur ?
- Commencez aujourd’hui, commencez à redire
- Les tourments dont encor j’ignorais la rigueur.
- Je viens dans votre sein pleurer.
(Damon)
- Moi, j’y viens rire.
Duo (Tircis et Damon)
- Ma bergère a trahi sa foi ;
- Pour son cœur inconstant, mes feux n’ont plus de charmes.
- Mêlons nos regrets et nos larmes,
- Nous serions fous de répandre des larmes
- Pleurez ! Tircis) / Riez ! (Damon)
- Éclatez avec moi !
Récitatif (Tircis)
- Quoi ? vous riez d’une telle disgrâce ?
(Damon)
- Quoi ? vous pleurez d’un malheur si léger ?
(Tircis)
- Je verrais sans gémir un rival à ma place ?
(Damon)
- Méprisez la bergère et riez du berger !
Air vif (Damon)
- Lorsque malgré son inconstance
- Je vois une fière qui pense
- Que j’idolâtre ses appas,
- Ah ! je ne rirais pas ?!
- Lorsqu’un rival bouffi de gloire
- Me croit jaloux d’une victoire
- Dont mon âme fait peu de cas,
- Ah ! je ne rirais pas ?!
Récitatif en duo (Tircis)
- Sont-ce donc là les lois de l’amoureux empire ?
(Damon)
- Je veux rire !
(Tircis)
- Pleurons, que dis-je ? Hélas, mourons !
(Damon)
- Ah ! je veux rire !
(Tircis)
- Profane, suspendez de frivoles chansons.
- Écoutez, de l’Amour respectez les leçons.
Duo (Tircis et Damon)
- Quand on perd ce qu’on aime
- Un recours unique est ouvert,
- Il faut dans son malheur extrême,
- Il faut n’aimer plus ce qu’on perd,
- Il faut perdre le jour
- Quand on perd ce qu’on aime.
Récitatif (Tircis)
- Non, immolons des jours que le sort a proscrits.
(Damon)
- Vous perdez Cloris, moi Sylvie.
- Vous en mourez, et moi j’en ris.
Air (Damon)
- Le désespoir n’est que folie,
- De vos jours connoissez le prix.
- Songez qu’il est tant de Cloris
- Et qu’il n’est pour vous qu’une vie.
Récitatif (Tircis)
- Pardonne, Amour, pardonne à son égarement.
- Que vous avez, peu de délicatesse !
- Que vous connoissez mal la parfaite tendresse.
(Damon)
- Je connois mieux que vous les devoirs d’un amant.
(Tircis)
- Cet ascendant vainqueur,
- Ce nœud tendre et charmant
- Qui pour jamais nous engage, nous lie...
(Damon)
- Et bien c’est cette sympathie
- Qui me conduit au changement
- Lorsque je vois changer Sylvie.
Air (Damon)
- Du dieu d’amour
- Je prends tous les feux dans mon âme,
- Quand une belle offre à ma flamme
- Un tendre retour.
- Si la volage
- Ailleurs s’engage,
- Je change à mon tour,
- Et pour voler à d’autres belles,
- Mon cœur prend les ailes
- Du dieu d’amour !
Récitatif (Damon)
- Ne finirez-vous point de si honteux regrets ?
(Tircis)
- C’en est fait, je me rends, je cède à ta sagesse,
- Cher ami, dans mon cœur tu ramènes la paix.
- Oublions Cloris à jamais,
- Oublions son amour, ses mépris, ses attraits.
- Oublions jusqu’à ma faiblesse.
Duo (Tircis et Damon)
- Quand une volage beauté
- D’un tendre amour brise la chaîne,
- Nos pleurs flattent sa vanité.
- Elle rirait de notre peine.
- Rions de sa légèreté.
- Un cœur capable de changer
- Mérite peu qu’on le regrette.
- Gardons-nous même d’y songer.
- C’est en oubliant la coquette
- Qu’il faut chercher à s’en venger.
Bibliographie
- Philippe Beaussant (dir.), Rameau de A à Z, Paris, Fayard, , 397 p. (ISBN 2-213-01277-6) page 42
- Christophe Rousset, Jean-Philippe Rameau, Arles, Actes Sud, coll. « Classica », , 1re éd., 176 p. (ISBN 978-2-7427-7076-2)
- (en) Cuthbert Girdlestone, Jean-Philippe Rameau : His life and work, New York, Dover Publications, coll. « Dover books on music, music history », , 2e éd. (1re éd. 1957), 631 p. (ISBN 0-486-26200-6, lire en ligne)
Lien externe
- Cantates françaises, partitions libres sur l’International Music Score Library Project.
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