Le Testament du docteur Mabuse

Das Testament des Dr. Mabuse

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Le Testament du docteur Mabuse
Titre original Das Testament des Dr. Mabuse
Réalisation Fritz Lang
Scénario Fritz Lang
Thea von Harbou, d'après le roman de Norbert Jacques
Acteurs principaux
Sociétés de production Nero-Film AG
Pays d’origine Allemagne
Genre Film policier
Durée 114 minutes
Sortie 1933


Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Le Testament du docteur Mabuse (Das Testament des Dr. Mabuse) est un film réalisé par Fritz Lang et sorti en 1933. C'est la suite de Docteur Mabuse le joueur, film en deux épisodes de 1922. Il s'agit donc du premier film parlant de Fritz Lang sur ce personnage. Il est suivi d'un dernier long métrage, réalisé en 1960, Le Diabolique Docteur Mabuse.

Il a été tourné en deux versions alternatives, l'une allemande, l'autre française (coréalisée par René Sti).

Synopsis

Le film raconte l'histoire du Dr Mabuse qui dirige, de l'asile psychiatrique où il est interné, un gang de malfaiteurs et le docteur Baum, directeur de l'établissement, grâce à ses pouvoirs hypnotiques, tandis que le commissaire Karl Lohmann et le bandit repenti Kent tentent de démanteler le réseau.

Distribution

Version allemande

Version française

Analyse

Tout le film tourne autour de la figure énigmatique du Dr Mabuse qui est interné et qui a apparemment perdu la raison. Dans l’asile où il se trouve, il ne fait rien d’autre qu'écrire sans arrêt des notes quasi incompréhensibles que le Pr Baum rassemble consciencieusement pour essayer de percer à jour le génie de Mabuse.

En parallèle, des crimes sont commis apparemment sans raison par des groupes terroristes auxquels appartient Tom Kent, un homme qui vient de sortir de prison après quatre ans pour avoir tué son amie et son meilleur ami. N’ayant pas trouvé de travail, il devient membre de cette organisation terroriste dont on apprend peu à peu qu’elle est dirigée par Mabuse. Il a rencontré Lili dont il est tombé amoureux et il regrette d’avoir intégré cette organisation. Il est pris d’un dilemme, entre continuer cette activité et rompre avec Lili ou tout avouer à Lili et quitter l’organisation.

C’est là que l’on découvre la dimension totalitaire de l’organisation dirigée par Mabuse :

  • Les lois sont définitives, il n’est pas envisageable qu’il y ait des dissidents, et s’il y en a, ils sont accusés de trahison et condamnés à mort (c’est la sentence prononcée contre Kent et Lili, même s’ils parviennent à y échapper).
  • Les ordres sont donnés non pas par une personne (que l’on ne voit jamais) mais par une voix qui s’exprime d’abord derrière un rideau, puis, quand le rideau tombe, par l’intermédiaire d’un haut-parleur (ce motif apparaît à deux reprises). Voir, à ce propos, l’analyse qu’en propose Zizek dans The Pervert’s Guide to Cinema. Cette réduction du chef à une voix a comme effet de rendre impossible l’identification et la localisation de la personne, donc d’augmenter l’effet de terreur.
  • Les crimes perpétrés le sont apparemment sans raison. Dans l’entretien qu’il a avec le Pr Baum, l’esprit de Mabuse explicite l’intention : il s’agit de créer un climat de terreur et de déstabiliser la population pour, in fine, asseoir l’empire absolu du mal.

On en revient finalement à la figure du Dr Mabuse : pendant longtemps, il n’est qu’une voix qui donne les ordres. Une aura envoûtante flotte autour de lui, car on apprend vite qu’il est interné et devenu fou, mais, malgré tout, c’est lui qui est la source des attentats. Après un temps, il décède, et c’est là que le film tombe dans le fantastique : l’esprit de Mabuse accompagne et possède le Dr Baum qui devient l’instrument de Mabuse pour exécuter ses actes. Mais la fin du film rend le statut de Mabuse encore plus problématique puisque le Pr Baum devient lui-même fou et réitère les gestes initiaux de Mabuse interné. L’esprit de Mabuse se réincarne-t-il génération après génération dans un nouvel individu ? Est-il le principe du mal qui demande juste à s’incarner dans des individus historiques ?

« Le succès du Docteur Mabuse fit faire à Lang Le Testament du docteur Mabuse, dans lequel la parabole politique était plus que manifeste, puisque le héros, devenu la chose de Mabuse prisonnier, accomplissait les volontés de ce maître criminel. La référence à Mein Kampf, écrit en prison par Hitler, était tellement claire que le film fut interdit par Goebbels et que Lang, à qui ce dernier avait proposé le poste de réalisateur officiel du parti nazi, quitta l'Allemagne en 1933[1]. »

Autour du film

Le Testament du docteur Mabuse est l'un des films les plus connus de Fritz Lang. On attribue généralement une portée politique majeure au film. Pendant la guerre, Fritz Lang a en effet affirmé que ce film, qui raconte l'histoire d'un fou criminel qui dirige la pègre à distance, visait en fait le régime nazi[2],[3]. La projection du film en Allemagne fut interdite par Goebbels[2]. De fait, Goebbels a effectivement ordonné l'interdiction du film. Mais pour l'historien Georges Sadoul[4], l'interprétation tardive des intentions que Lang attribue à son propre film est contestable. En effet, Thea von Harbou, épouse et coscénariste de Lang, était à l'époque elle-même membre du parti nazi dont elle n'allait pas tarder à devenir une cinéaste officielle importante après avoir divorcé de son époux, dénoncé comme non-Aryen.

Notes et références

  1. Patrick BRION, « Fritz Lang », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 13 janvier 2016
  2. Siegfried Kracauer, De Caligari à Hitler, une histoire du cinéma allemand 1919-1933, Ed. Flammarion, 1987, p. 280 et 282.
  3. Fritz Lang, Screen Forward, programme du film, World Theatre de New York, 1943
  4. Georges Sadoul, Histoire du cinéma mondial, Flammarion 1949, éd. 1972.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Blair Davis, « Fritz Lang's Dr. Mabuse Trilogy and the Horror Genre, 1922-1960 », dans Steffen Hantke (dir.), Caligari's Heirs : The German Cinema of Fear after 1945, Lanham (Maryland), Scarecrow Press, , XXIV-248 p. (ISBN 978-0-8108-5878-7), p. 3-16.
  • (en) Norbert Grob, « "Bringing the Ghostly to Life" : Fritz Lang and His Early Dr. Mabuse Films », dans Dietrich Scheunemann (dir.), Expressionist Film : New Perspectives, Rochester (New York), Camden House, coll. « Studies in German Literature Linguistics and Culture », , XIV-302 p. (ISBN 1-57113-068-3), p. 87-109.
  • (pl) Tomasz Kłys, « Mabuse – Żyd czy nazista ? », Przegląd Zachodniopomorski, Szczecin, Université de Szczecin, no 3, , p. 43-58 (lire en ligne).
  • M.M., « Actualité du crime : Mabuse », Esprit, no 38, , p. 125-128 (JSTOR 24266134).
  • (en) Anna-Sofia Rossholm, « Sound, Text, and Identity : A Reading of Fritz Lang's The Testament of Dr. Mabuse », The Nordic Journal of Aesthetics, vol. 16, nos 29-30, , p. 87-98 (DOI 10.7146/nja.v16i29-30.3041).

Articles connexes

Liens externes

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