Le Club Saint-Germain

Le Club Saint-Germain est un ancien club de jazz et de danse installé dans la cave d'un immeuble, au 13 rue Saint-Benoît dans le sixième arrondissement de Paris, ouvert le . Haut lieu du jazz, son succès a entraîné la fermeture d'une cave à zazous : le célèbre Tabou. L'orchestre de Boris Vian en a assuré l'ouverture musicale, mais ensuite il a accueilli tous les grands du jazz français et américains. Il diffère du Tabou en cela que la mode zazou n'est plus appréciée dans ce lieu devenu plus élégant et plus rigoureux sur le choix de sa clientèle : on n'y accueille que des intellectuels, des personnalités connues du monde des arts et lettres, et du spectacle. La sélection de la clientèle y est dès le début beaucoup plus sévère qu'au Tabou dont les excès confinaient à la vulgarité au bout d'une année.

Le Club Saint-Germain
Rue Saint-Benoît vue de la rue Jacob
Type Club de danse, club de jazz
Lieu Paris, France
Coordonnées 48° 51′ 36″ nord, 2° 19′ 47″ est
Inauguration 1948
Fermeture 1967 et 1979
Nb. de salles 3
Direction Frédéric Chauvelot

Géolocalisation sur la carte : Paris
Géolocalisation sur la carte : 6e arrondissement de Paris

Origine

Sous l'immeuble du 44 boulevard Saint-Germain où se trouve la Société d'encouragement pour l'industrie nationale[note 1] Freddy Chauvelot, Boris Vian et Claude Luter ont découvert bien avant 1948 une cave avec trois salles voûtées, qui allaient jusqu'au coin de la rue de l'Abbaye en passant sous la rue Saint-Benoît. Les caves étaient alors « encombrées de ferrailles, qui n'attendaient que le biffins pour les vider, les démolisseurs pour les réunir par un système d'arcs, les électriciens pour percer les murs et mettre leurs fils (…) des maçons pour construire un escalier menant à la rue Saint-Benoît[1]. »

Le président de la Société d'encouragement à l'industrie, Louis Breguet, qui habitait l'immeuble, logeait souvent Anne-Marie Cazalis, amie de son épouse, et il invitait parfois Juliette Gréco et Marc Doelnitz. En réalité, selon Philippe Boggio : « On ne sait plus à qui faire endosser la paternité du club Saint-Germain : Chauvelot, Doelnitz, Gréco, Cazalis ou Casadessus, ou peut-être les quatre à la fois car ils allaient rarement les uns sans les autres[2]. » L'un d'eux avait remarqué à ras du trottoir les soupiraux du 13 rue Saint-Benoît, à deux pas du Café de Flore et des Deux Magots, face au bar à cocktails Le Montana[2]. Les travaux entrepris se révélaient longs et onéreux, et ils dépassaient les moyens financiers des initiateurs. Une société d'encouragement fut constituée avec pour membres Christian Casadesus et Paul Boubal, patron du café de Flore. Freddy Chauvelot et Christian Casadesus prirent la direction de la cave, Gréco, Cazalis et Doelnitz assurèrent l'animation, et Boris Vian se chargea de recruter et de soutenir les musiciens[3].

Un escalier en béton avait été construit pour mener directement à la rue Saint-Benoît. L'intérieur du lieu était décoré de bois sculpté, et des débris d'une frégate bretonne datant du seizième siècle. La cave était équipée d'un bar, d'une plonge, de lavabos[1]. Ouvert le et animé d'abord par l'orchestre de Boris Vian surnommé le Prince du Tabou[4], le club a accueilli tous les grands du jazz français et américain[3].

Le soir de l'inauguration, trois cents invitations avaient été lancées. Il y eut selon les estimations entre mille et mille cinq cents personnes qui se pressèrent devant la porte, bloquant la circulation sur le boulevard Saint-Germain, nécessitant le concours de la police aux carrefours[5].

Le temple du jazz

C'est un tout autre style que celui du Tabou et des existentialistes qui s'annonce au Club Saint-Germain. Aux acteurs qui se présentent avec des chemises à carreaux, on fait comprendre que ce n'est pas la tenue adéquate. La cravate est souhaitée, et quand une fille se déshabille pour être à la mode du quartier, on la rhabille prestement[6]. Le lieu est le temple du jazz, et on y verra défiler le tout Hot Club dont le club Saint-Germain devient une dépendance, et même la cantine[7].

Le club a battu des records d'affluence à plusieurs reprises. Sa situation était privilégiée par rapport au Tabou dont la clientèle la plus huppée s'était transférée au club Saint-Germain. Et surtout, les animations de Marc Doelnitz étaient très appréciées par leur originalité. Il avait lancé ses nuits à thème : Nuit 1925, Nuit de l'innocence, Nuit du cinéma[1], Nuit du Western et bien d'autres : « On passait nos nuits à toute sorte de nuits déclare Roger Vadim dans Le désordre à vingt ans[6]. »

Mais ce sont surtout les soirées de jazz qui rendirent le club célèbre. Au mois de , une soirée Duke Ellington avait attiré mille personnes[1]. Boris Vian était un fan de Duke. Il était allé l'accueillir à la gare du Nord où déjà se pressait une foule des grands jours. Duke Ellington est arrivé à Paris sans son orchestre qui était retenu à Londres par les lois syndicales[8]. Boris précise, dans un article paru dans Combat, que ces concerts étaient très attendus du public et que Duke n'avait pas déçu bien qu'il soit venu sans son orchestre dont il est l'âme[9].

Le Club a accueilli des musiciens du style Mainstream ou « Modern jazz », du jazz français, avec des artistes comme Django Reinhardt, Martial Solal, Barney Wilen, ainsi que des américains comme Lester Young, Kenny Clarke, Miles Davis, Coleman Hawkins, Art Blakey[3]. La liste est si longue que Boris Vian renonce à les citer tous dans son Manuel de Saint-Germain-des-prés[1].

Le déclin

Une fois encore, comme ce fut le cas pour le Tabou, le Club Saint-Germain a été victime de son succès. Au bout de quelques années, il était pris d'assaut par des cars de tourisme qui bloquaient la rue Jacob et la rue Saint-Benoît. On y avait entrepris l'élection de « miss »: « Miss Poubelle », « Miss Saint-Germain ». Le Tout-Paris avait compris qu'il fallait se montrer là parce que les journalistes y étaient, et les journalistes y venaient parce qu'il y avait le Tout-Paris[10]. On proposa bientôt un tourisme de masse comprenant des formules de week-ends existentialistes, avec visite au Flore pour voir la chaise de Sartre (n'importe laquelle faisait l'affaire). Le hasch et l'héroïne firent leur apparition et les habitués des débuts[note 2] commencèrent à déserter : ils restaient au Montana ou au Bar vert[10]. Le Club Saint-Germain cessa de recevoir des musiciens de jazz vers le milieu des années 1960, puis, voyant son erreur, il tenta en 1979 un retour au jazz. Sans succès. Il se transforma alors en discothèque[3].

Bibliographie

  • Philip Freriks, Agnès Lechat et Kim Andringa (trad. du néerlandais de Belgique), Le méridien de Paris : une randonnée à travers l'histoire, Les Ulis, Edp sciences, , 280 p. (ISBN 978-2-7598-0078-0)
  • Boris Vian (préf. Noël Arnaud), Manuel de Saint Germain des Prés, Paris, éditions du Chêne, , 302 p.
  • Boris Vian et Claude Rameil, Écrits sur le Jazz, Paris, Christian Bourgois- LGF, , 696 p. (ISBN 978-2-253-14583-7)
  • André Clergeat, Philippe Carles et Jean-Louis Comolli, Le Nouveau dictionnaire du Jazz, Paris, Robert Laffont, , 1455 p. (ISBN 978-2-221-11592-3)
  • Philippe Boggio, Boris Vian, Paris, Le Livre de poche, , 476 p. (ISBN 978-2-253-13871-6)

Notes et références

Notes

  1. Dont l'autre entrée était 4 place Saint-Germain, adresse officielle de nos jours
  2. ceux venus du Tabou. Voir Le Tabou (cave) pour connaître la liste des célébrités qui fréquentaient le même lieu

Références

  1. Vian 1974, p. 138
  2. Boggio, p. 267
  3. Clergeat, Carles et Comolli 2011, p. 269
  4. Boggio, p. 223
  5. Boggio, p. 269
  6. Boggio, p. 270
  7. Boggio, p. 271
  8. Boggio, p. 275
  9. Vian et Rameil 2006, p. 541 publié dans Combat le 25 juillet 1948
  10. Boggio, p. 278
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