L'Arène divisée (Goya, 1825)
L'Arène divisée (en espagnol : Plaza partida) est une lithographie réalisée par Francisco de Goya en 1825 et faisant partie de la série de quatre lithographies, Les Taureaux de Bordeaux, réalisées dans cette ville.
Contexte
En , la troupe du duc d'Angoulême, les Cien Mil Hijos de San Luis (« les Cent Mille Fils de Saint Louis ») ainsi que les appellent alors les Espagnols, prennent Madrid dans le but de restaurer la monarchie absolue de Ferdinand VII. Une répression des libéraux qui avaient soutenu la constitution de 1812, en vigueur pendant le Triennat libéral, a alors immédiatement lieu. Goya — de même que sa compagne Leocadia Weiss — a peur des conséquences de cette persécution et part se réfugier chez un ami chanoine, José Duaso y Latre. L'année suivante, il demande au roi la permission d'aller en convalescence au balnéaire de Plombières-les-Bains, permission qui lui sera accordée. Goya arrive en été 1824 à Bordeaux et continue vers Paris. Il revient en septembre à Bordeaux, où il résidera jusqu'à sa mort[1].
Les dessins de ces années, rassemblés dans l’Álbum G et l’Álbum H, rappellent soit les Disparates et les Pinturas negras, soit possèdent un caractère costumbriste et réunit les estampes de la vie quotidienne de la ville de Bordeaux qu'il récupère lors de ses ballades habituelles, comme c'est le cas dans le tableau la Laitière de Bordeaux (entre 1825 et 1827). Plusieurs de ces œuvres sont dessinées avec un crayon lithographique, en consonance avec la technique de gravure qu'il pratique ces années-là, et qu'il utilise dans la série de quatre estampes des Taureaux de Bordeaux (1824-1825).
Cette série est composée d’El famoso americano, Mariano Ceballos (« Le célèbre américain Mariano Ceballos »), Bravo toro (« Le matador El Indio »), Dibersión de España (« Divertissement espagnol ») et Plaza partida (« L'Arène divisée »).
Analyse
Description
À cette époque, il était de coutume, parfois, de diviser l'arène en deux afin de profiter doublement du spectacle[2].
Les spectateurs occupent les gradins, tandis que de nombreux personnages se situent au bord de l'arène ou sur les tables qui séparent les deux parties de l'arène. Au premier plan, un torero souriant s'apprête à tuer le taureaux. De l'autre côté, un banderillero est en pleine action. La disposition en groupes, bien interprétée par Goya permet de créer une atmosphère très palpable. Cette scène conclut la série des Taureaux de Bordeaux[2].
Analyse artistique
Les lithographies montrent une maîtrise supérieure à celles réalisées antérieurement en Espagne, probablement grâce à l'aide d'un certain Gaulon dont il fit le portrait à la même époque[3].
Alors que les trois premières lithographies de cette série rappellent celles de La Tauromaquia[N 1], L'Arène divisée aborde un thème nouveau : la présentation d'une plaza divisée en deux parties. D'un côté, une espada tue un taureau, de l'autre, un banderillero attire l'animal pour la pose des banderilles[3].
Goya a travaillé sur cette composition, et sur toutes celles des Taureaux de Bordeaux, comme s'il s'agissait d'une œuvre peinte, reprenant les compositions des peintures antérieures[4]. L'Arène divisée de 1825 reprend la peinture à l'huile exécutée sur le même thème : Corrida dans l'arène divisée (Bullfight in a divided ring). Mais il inverse le sujet, ce qui fait que l'espada est encore plus proche sur la gravure que sur la toile d'origine. Les spectateurs y sont plus visibles que dans la peinture, ce qui ne suggère pas la même angoisse, mais rappelle que la corrida est un spectacle populaire où les participants ne sont pas obligatoirement des professionnels[5]. Selon le témoignage de Antonio de Brugada, « (...) l'artiste maniait ses crayons comme des pinceaux, sans jamais les tailler (...) On rirait peut-être si je disais que les lithographies de Goya ont toutes été exécutées à la loupe. Ce n'était pas pour faire fin ; mais ses yeux s'en allaient[5]. » Il joue avec la création d'espaces pour accentuer le protagonisme de la lumière, à la manière d'une illumination théâtrale qui focalise la lumière vers ce que le spectateur doit regarder. Il rend ainsi la foule plus variée et mobile mais moins détaillée, au contraire des gestes des deux protagonistes. Cette préoccupation pour représenter la foule, ma richesse des détails et le concept de composition démarquent très nettement Les Taureaux de Bordeaux de La Tauromaquia, montrant toujours plus de recherche compositive et de maturité de la part de Goya[3].
La Corrida dans l'arène divisée
Il existe aussi une huile sur toile de 98,4 × 126,3 cm conservée au Metropolitan Museum of Art sous le nom de Bullfight in a divided ring, présentée par ce musée comme « attribuée à Francisco de Goya »[6]. Citée dans les ouvrages sur la peinture de tauromachie comme étant peinte en 1810, elle était encore en 1988 considérée comme une toile de Goya par Alvaro Martinez-Novillo[7]. Elle est reproduite sur une double page du même ouvrage[8].
En 2003, Robert Bérard la situe en l'année 1812 en la présentant comme la plus grande des œuvres tauromachiques du peintre[9].
Notes et références
Notes
- El famoso americano, Mariano Ceballos (« Le célèbre américain Mariano Ceballos ») est à mettre en relation avec la no 24 avec Ceballos monté sur un taureau en train d'en attaquer un autre avec des javelots ; Bravo toro (« Le matador El Indio ») est à mettre en relation avec la no 26 dans laquelle un picador tombe de son cheval sous le taureau ; Dibersión de España (« Divertissement espagnol ») est elle à mettre en relation avec la no 33 : la mort de Pepe Hillo.
Références
- Alfonso Pérez Sánchez, Dictionnaire de la peinture espagnole et portugaise du Moyen Âge à nos jours, Paris, Larousse, , 320 p. (ISBN 978-2-03-740016-9), p. 120
- (es) « Fiche de Toros de Burdeos IV, Plaza partida », sur artehistoria.com (consulté le )
- (es) Valeriano Bozal, « Fiche de Plaza partida », sur bne.es (consulté le ) [PDF]
- Bérard 2003, p. 539
- Bérard 2003, p. 540
- Corrida dans l'arène divisée
- Martinez-Novillo 1988, p. 59
- Martinez-Novillo 1988, p. 60-61
- Bérard 2003, p. 537
Annexes
Bibliographie
- (es) Valeriano Bozal, Francisco Goya : vida y obra, TF Editores & Interactiva, (ISBN 978-84-96209-39-8)
- Pierre Gassier et Juliet Wilson-Bareau (trad. François Lachenal, Renée Loche et Marie-José Treichler (pour les textes de Juliet Wilson-Bareau), Vie et œuvre de Francisco Goya : L'œuvre complète illustrée, peintures, dessins, gravures, Paris, Vilo, , 400 p. (OCLC 243248)
- Pierre Gassier, Goya : toros y toreros, Actes Sud, , 153 p. (ISBN 978-2-86869-535-2), p. 122
- (en) Tomás Harris, Goya engravings and lithographs, vol. I & II, Oxford, Cassirer, (OCLC 1489923)
- (es) Enrique Lafuente Ferrari, « La situación y la estela del arte de Goya », dans Antecedentes, coincidencias e influencias del arte de Goya (cat. exp.), Madrid, Sociedad Española de Amigos del Arte,
- Alvaro Martinez-Novillo, Le Peintre et la Tauromachie, Paris, Flammarion, , 255 p. (ISBN 978-2-08-012099-1) réédité en 2001 par le même éditeur. L'ouvrage d'origine est répertorié au Centre Pompidou le peintre et la tauromachie 1 et à la Bibliothèque Kandinsky : le peintre et la tauromachie 2
- Robert Bérard (dir.), Histoire et dictionnaire de la Tauromachie, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », , 1056 p. (ISBN 2-221-09246-5)
- Portail de la gravure et de l'estampe
- Portail de l’Espagne
- Portail du XIXe siècle
- Portail de la tauromachie