Josephine Butler

Josephine Elizabeth Butler , née Grey le à Milfield (Northumberland) et morte le à Wooler (Northumberland), est une militante féministe et réformatrice sociale anglaise de l'époque victorienne. Son combat pour les prostituées est un modèle pour les mouvements abolitionnistes européens regroupés en 1902 au sein de la Fédération abolitionniste internationale (FAI).

Pour les articles homonymes, voir Butler.

Elle fonde la FAI en 1875 à Genève dans le cadre de son combat contre la réglementation de la prostitution et de la traite.

Biographie

Joséphine est née à Milfield House, Milfield dans le Northumberland, le . Elle est le septième enfant de John Grey, expert agricole, et d'Hannah Eliza Annett. Son père joua un rôle significatif dans l'émancipation des catholiques et travailla sur la réforme britannique de 1832 (Reform Act 1832)[1]. En 1833, il est nommé gérant de terres près de Corbridge et y installe toute sa famille. Il perd une grande partie de ses épargnes lors de la crise de 1857, dans la faillite de la Newcastle Bank. L'oncle paternel de Joséphine est le Premier ministre Charles Grey, 2e comte Grey, militant de l'abolition de l'esclavage.

En 1852, Joséphine épouse le pasteur George Butler (1819 - 1890), alors enseignant à Oxford puis vice-principal du Collège Cheltenham[2]. Ils partagent la même approche évangélique de la chrétienté, un attachement culturel à l'Italie et un engagement pour les réformes libérales. George encourage sa femme dans son travail, même si la notoriété de son épouse s'avère parfois préjudiciable à sa carrière. Ils eurent quatre enfants : George Grey (né en 1852 à Oxford); Arthur Stanley (né en 1854 à Oxford); Charles Augustine Vaughan (né en 1857 à Clifton dans le Gloucestershire) et Evangeline Mary (Eva) (née en 1859).

Evangeline décède en 1864 en tombant dans les escaliers de la maison. Josephine se consacre alors à aider ceux dont la peine est plus grande que la sienne. Ses visites à l'hospice de Brownlow Hill à Liverpool la conduisent à s'intéresser aux prostituées. Elle fonde une maison de repos et un refuge pour elles[3].

Féminisme

Très jeune, Joséphine est active dans les mouvements féministes. La mort de sa fille va augmenter son implication dans le militantisme. En 1866, George est nommé directeur du Collège de Liverpool et la famille s'y installe. Joséphine fait campagne pour une amélioration de l'éducation des femmes et en 1867, avec Anne Jemima Clough, future directrice du Collège Newnham à Cambridge, elle se bat pour la création du Conseil d'Angleterre du Nord pour la Promotion de l'Amélioration de l'Éducation des Femmes, dont elle devient directrice[4]. En 1868, elle écrit The Education and Employment of Women (L'éducation et le travail des femmes) un livre dans lequel elle argumente pour l'amélioration de l'éducation et des possibilités d'emplois offertes aux femmes seules. En 1869, elle publie, avec Elizabeth Wolstenholme, Woman's Work and Woman's Culture sur l'éducation des femmes[1].

Dans le même temps, et malgré ses sentiments religieux, elle s'engage pour améliorer la situation des prostituées. Elle considère que ces femmes sont les victimes de l'oppression masculine et elle s'attaque à ce double standard de la morale sexuelle. C'est ce qu'elle nomme sa « croisade »[5]. Elle travaille sur ce sujet avec notamment Mariane van Hogendorp, féministe néérlandaise[6].

Lois sur les maladies contagieuses[7]

Josephine Elizabeth Butler, par George Frederic Watts, 1894.

Les Contagious Diseases Acts (Lois sur les maladies contagieuses) ont été introduites en Angleterre dans les années 1860 afin que l'État puisse réguler la prostitution et contrôler la diffusion des maladies vénériennes, notamment dans l'Armée britannique et la Royal Navy. Elles donnent le droit aux magistrats d'ordonner des contrôles génitaux des prostituées pour détecter des symptômes de MST et celui d'enfermer les femmes malades à l'hôpital durant trois mois pour y être soignées. Le refus de l'examen est sanctionné par la prison. Une accusation de prostitution par un officier de police est suffisante pour ordonner un examen ; les femmes accusées perdent souvent leur moyen de subsistance et l'une d'elles se suicide.

Joséphine Butler se lance dans une série de conférences contre les Contagious Diseases Acts à travers le pays. De nombreuses personnes sont choquées qu'une femme puisse parler de sexualité en public, et son mari George est très critiqué pour avoir permis à sa femme de s'impliquer dans cette campagne[1]. La description des procédures qu'elle fait lors des meetings publics (elle les qualifie de « viols chirurgicaux ») est si bouleversante qu'un jour, le surintendant de la Mission londonienne de l'Ouest, Hugh Price Hughes, sort de la salle en larmes.

Les différentes lois s'appliquent à des lieux spécifiques, comme les ports ou les villes de garnison - mais en 1869, l'Association pour l'extension des lois sur les maladies contagieuses milite pour l'application des lois à tout le Royaume-Uni[8]. Ceci souleva l'indignation des chrétiens, féministes et supporters des libertés civiques et entraîna la constitution de deux organismes : l'Association nationale pour l'abrogation des lois sur les maladies contagieuses, conduite par des médecins et l'Association nationale des Ladies pour l'abrogation des lois sur les maladies contagieuses, conduite par Joséphine Butler[9]. Le , elle publie un manifeste signé par 250 femmes dans le Daily News pour dénoncer ces lois.

Elle met toute son énergie dans la campagne, malgré la diffamation et les agressions physiques. Les lois seront finalement abrogées en 1886.

George et Joséphine s'installent à Winchester en 1882. George y reprend le canonicat de la cathédrale et Joséphine ouvre une nouvelle maison de repos pour femmes[1].

Prostitution enfantine et campagnes internationales

En 1885, Joséphine Butler, avec Florence Booth de l'Armée du salut, se lance dans un nouveau combat dirigé par William Thomas Stead, rédacteur en chef de la Pall Mall Gazette. Celui-ci avait publié une série d'articles sous le nom de The Maiden Tribute of Modern Babylon (« Le tribut féminin de la Babylone moderne ») révélant l'étendue de la prostitution enfantine à Londres. Ensemble, ils utilisent le cas d'Eliza Armstrong, la fille de 13 ans d'un ramoneur, achetée 5 £ par la tenancière d'un bordel londonien[1]. Cette campagne permit d'augmenter la majorité sexuelle de 13 à 16 ans au Royaume-Uni.

Joséphine Butler est également active dans l'internationalisation de ses combats. Elle voyage en France et en Suisse, où elle est accueillie avec hostilité par les autorités mais avec enthousiasme par les groupes féministes. Ses efforts seront récompensés par l'entrée en campagne d'organisations internationales contre la régulation étatique de la prostitution et le trafic des femmes et des enfants.

Vieillesse et décès

Après l'abrogation des lois contre les maladies contagieuses en 1886, Joséphine Butler se consacre à son mari malade. George Butler meurt en . Elle s'installe alors à Londres mais continue à voyager[10]. Elle écrit la biographie de son époux, Recollections of George Butler (1892), et ses propres mémoires, Personal Reminiscences of a Great Crusade (1896). Durant les dernières années de sa vie, elle devient une sympathisante de la National Union of Suffrage Societies, puis, affaiblie physiquement et insomniaque, elle s'installe dans la propriété de son fils George à Galewood dans le Northumberland, où elle meurt le .

Hommages et postérité

Renommage temporaire

En 2019, l'association genevoise l'Escouade réalise un renommage temporaire d'une rue à Genève en hommage à Joséphine Butler[11],[12].

Notes et références

  1. (en) « Women's suffrage - Josephine Butler » (consulté le )
  2. (en) « Butler, 1828-1906 » (consulté le )
  3. (en) Mathers Helen, Patron Saint of Prostitutes. Josephine Butler and a Victorian Scandal, The History Press, , 256 p. (ISBN 978-0-7524-9209-4)
  4. Frédéric Regard, « Histoire : la croisade féministe de Joséphine Butler », sur The Conversation, (consulté le )
  5. Voir F. Regard, Féminisme et prostitution dans l'Angleterre du XIXe siècle : la croisade de Josephine Butler, 2014.
  6. (nl) djr, « Digitaal Vrouwenlexicon van Nederland », sur resources.huygens.knaw.nl, (consulté le )
  7. Frédéric Regard, Josephine Butler. Récit d'une croisade féministe (essai biographique), Paris, Editions de Paris/Max Chaleil, , 159 p.
  8. (en) Gordon, Peter; Doughan, David, Dictionary of British women's organisations, 1825–1960, Routledge, , 218 p. (ISBN 978-0-7130-4045-6, lire en ligne)
  9. (en) Nina Attwood, The prostitute's body : rewriting prostitution in Victorian Britain, Pickering & Chatto,
  10. (en) « A brief introduction to the life of Josephine Butler », sur Josephine Butler Memorial Trust (consulté le )
  11. « Josephine BUTLER », sur 100 Elles* (consulté le )
  12. « Le projet 100Elles* investit les rues de Genève », sur www.ville-geneve.ch (consulté le )

Annexes

Articles connexes

Œuvres

  • Government by police, Dyer brothers, 1879
  • The Constitution Violated, Edmondson and Douglas, 1871
  • Personal reminiscences of a Great Crusade, Horace, Marshall and Son, 1896
  • Moralité publique. Une voix dans le désert, ed. bureau du Bulletin continental, Neuchâtel, 1876 lire en ligne sur Gallica
  • Souvenirs personnels d'une grande croisade, Fischbacher, 1900
  • Native Races and the War, 1900

Bibliographie

  • (en) Millicent Garrett Fawcett et E.M. Turner, Josephine Butler : Her Work and Principles and Their Meaning for the Twentieth Century, Portrayer Publishers, , 164 p. (ISBN 978-0954263287)
  • (en) Jane Jordan, Josephine Butler, Hambledon Continuum, , 384 p. (ISBN 978-1847250452)
  • (en) Rod Garner, Josephine Butler : A Guide to her Life, Faith and Social Action, Darton, Longman & Todd Ltd, , 120 p. (ISBN 978-0232527476)
  • (en) Helen Mathers, Josephine Butler : Patron Saint of Prostitutes, The History Press Ltd, , 272 p. (ISBN 978-0750996570)
  • Frédéric Regard, Josephine Butler. Récit d’une croisade féministe (Essai biographique), Les Éditions de Paris/Max Chaleil, , 159 p. (ISBN 978-2846213141)

Liens externes

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