Ivan Morozov

Ivan Abramovitch Morozov, en russe : Ивáн Абрáмович Моро́зов (né à Moscou le et mort le à Carlsbad), est un homme d'affaires russe devenu collectionneur d'art. Il est le frère puîné du collectionneur Mikhaïl Morozov (1870-1903) et le beau-frère de la mécène et mémorialiste Margarita Morozova (1873-1958).

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Origines et carrière

Issu de la dynastie industrielle de Vieux-Croyants des Morozov, dont le fondateur est son arrière-grand-père Savva Vassilievitch Morozov (1770-1862), Ivan Morozov est le fils du bourgeois d'honneur Abram Abramovitch Morozov (1839-1882), industriel immensément riche[1], et de son épouse, née Varvara Alexeïevna Khloudova (1848-1917). Il est baptisé le en l'église des Vieux-Croyants de la Trinité du quartier de la Iaouza. À partir de l'âge de dix ans, il prend avec son frère aîné des leçons de dessin à l'atelier du peintre Ivan Martynov, puis auprès du paysagiste Iegor Khrouslov, issu du mouvement des peintres ambulants et enfin auprès de Constantin Korovine.

Hôtel particulier de Morozov à Moscou, rue Pretchistenka

Son père meurt à l'âge de quarante-trois ans en 1882 et selon ses dernières volontés, les affaires familiales sont dirigées par sa veuve qui jusqu'à la majorité de ses fils gouverne le tout d'une main de fer, et malgré l'immense fortune des Morozov ne donne que peu d'argent de poche à ses enfants, afin de les discipliner. En 1885, la famille s'installe dans l'ancien hôtel particulier des princes Dolgorouki, rue Vozdvijenka[2], que Mme Morozov fait réaménager en style néoclassique. Il poursuit ses études à partir de 1891 à l'École polytechnique de Zurich, puis retourne en 1895 en Russie pour s'occuper de l'affaire familiale de la Compagnie des manufactures de Tver. Alors que ses frères Mikhaïl et Arsène ne s'intéressent que peu aux affaires, il fait fortune dans l'industrie, à la tête de manufactures de textile. De 1904 à 1916, il multiplie par trois le capital familial.

Il demeure à Tver et lorsqu'il se rend à Moscou descend chez son frère Mikhaïl et sa belle-sœur Margarita qui reçoivent de nombreux artistes dont Vroubel, Serov et Korovine. Il fait construire un théâtre pour ses ouvriers de Tver en 1898. Il préside l'Assemblée des marchands de Moscou en 1898-1899. Au début de l'année 1900, il déménage à Moscou et achète à la veuve de son oncle David Morozov son hôtel particulier de la rue Pretchistenka. Il débute alors une vie mondaine, invite des artistes dont il commence à collectionner les œuvres et organise des soirées littéraires dans ses salons de réception.

Le collectionneur

Portrait de Morozov par Constantin Korovine (1903).

Sa passion de l’art débute à la même époque que celle de son compatriote Sergueï Chtchoukine, c’est-à-dire à la fin du XIXe siècle. Il commence par collectionner des œuvres de jeunes peintres russes, puis en 1907 se met à acheter de l’art français pour son hôtel particulier qu’il vient de réaménager. S’ouvre alors une concurrence fructueuse entre les deux collectionneurs. Toutefois, à la différence de Chtchoukine dont les achats sont parfois risqués, Morozov est un collectionneur plus prudent. Il se concentre sur des œuvres en nombre limité de très grande qualité, comme L'Acrobate et la petite équilibriste de la période bleue de Picasso (1905, toile achetée en 1912 pour treize mille francs), deux paysages de la Montagne Sainte-Victoire de Cézanne[3] (sa collection comprend dix-sept toiles de Cézanne), le Café de nuit à Arles, chef-d'œuvre de Van Gogh, etc. Il se rend régulièrement à Paris où il achète ses tableaux chez Ambroise Vollard, Eugène Druet ou encore Paul Durand-Ruel.

Il collectionne avant tout des impressionnistes et des post-impressionistes, des fauves, comme Matisse (dont il fait la connaissance par l'intermédiaire de Chtchoukine) et Derain, ainsi que des Nabis. Maurice Denis est chargé en 1907 de décorer le salon de musique de l'hôtel particulier de Morozov avec un cycle de l'histoire de Psyché, et Aristide Maillol de créer quatre sculptures de bronze pour ce salon. Sa collection est confisquée par un décret de Lénine au printemps 1918 et nationalisée. Il émigre entretemps. Son ancien hôtel particulier devient alors le premier musée d'art moderne de la planète. Il est fermé par Staline en 1948, les œuvres étaient dispersées dans divers endroits, tandis que des toiles jugées « dégénérées » sont cachées. Lors de la guerre froide, l'actrice américaine Beverly Whitney Kean, éprise de peinture, réalise plusieurs voyages en Union soviétique et parvient à reconstituer cette histoire[4].

Le musée des beaux-arts Pouchkine de Moscou conserve de nombreuses pièces de sa collection confisquée à la Révolution russe, notamment : Les Baigneurs, Nature morte aux pêches et aux poires[5], et L’Homme à la pipe de Cézanne, La Gelée à Louveciennes et le Jardin d'Hoschedé, Montgeron de Sisley[6],[7], Paysage d'Auvers après la pluie de Van Gogh ou encore La Grenouillère et La Rêverie, portrait de Jeanne Samary de Renoir.

Le musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg possède également des toiles de la collection Morozov de grande qualité, comme le Portrait de Jeanne Samary en pied de Renoir, Étang à Montgeron de Monet, ou Nature morte au rideau de Cézanne.

Il a une fille (née hors mariage), Eudoxie (1903-1974).

Quelques œuvres de sa collection

Exposition

Les trésors des frères Morozov

« La collection Morozov, icônes de l'art moderne », Fondation Louis Vuitton, Paris, 16e, du 24 septembre 2021 au 22 février 2022[8].

Bibliographie

  • Anne Baldassari, La collection Morozov : Icônes de l'Art moderne, Gallimard, , 440 p. (ISBN 978-2-0729-0458-5)
  • Natalia Semenova et Michèle Kahn (Traduction), Les Frères Morozov, Actes Sud, , 320 p. (ISBN 978-2-3301-3959-9)

Articles connexes

Notes et références

  1. Il dirige notamment la Compagnie des manufactures de Tver
  2. C'est-à-dire rue de l'Exaltation de la Sainte-Croix d'après l'ancien monastère du même nom qui s'y trouvait. Le monastère a disparu après l'incendie de Moscou et l'église a été détruite par les autorités en 1932. C'était à l'époque une des rues les plus élégantes de Moscou avec de nombreux hôtels particuliers.
  3. Achetés à Paris en même temps qu'une Nature morte avec drapé et un Paysage de Pontoise par Cézanne
  4. Pierre Groppo, « Naissance de la modernité », Vanity Fair n°86, février 2021, p. 17.
  5. Toile achetée chez Ambroise Vollard en 1912
  6. site france-cei
  7. site russomania
  8. Exposition Morozov.

Sources

Liens externes

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