Intensité acoustique

L’intensité acoustique est la puissance transportée par les ondes sonores, par unité de surface, mesurée perpendiculairement à la direction de ce transfert[1]. Comme les sons se propagent dans un espace à trois dimensions, certains auteurs (Fahy 1995) construisent l'intensité acoustique en un point de l'espace comme un vecteur dont les composantes sont l'intensité acoustique scalaire, définie comme précédemment, mesurée dans la direction de chacun des axes d'un repère.

Pour les articles homonymes, voir Intensité.

Elle s’exprime en watts par mètre carré (W/m2 ou W m−2).

L'intensité acoustique est une grandeur essentielle pour la description des espaces sonores. S'il n'y a pas d'intensité acoustique, il n'y a pas de transfert d'énergie d'un endroit à un autre, donc pas de signal sonore. Mais ce n'est pas une quantité directement accessible à la sensation ni à la mesure : la sensation dépend uniquement de la pression acoustique. Une intensité acoustique correspond nécessairement à un son, mais un son intense peut avoir une intensité faible s'il correspond en grande partie à une onde stationnaire causée par une résonance.

La mesure de l'intensité acoustique est indirecte. Des appareils comprenant au moins soit deux transducteurs de pression acoustique soit un transducteur de pression acoustique et un transducteur de vitesse acoustique[2] effectuent automatiquement les calculs nécessaires à l'évaluation de l'intensité acoustique dans un espace.

Présentation de la grandeur physique

Usage de l'intensité acoustique

Le son perçu en un point ne donne pas d'indication sur la direction de provenance, la comparaison entre deux points est nécessaire pour cela.

L'acoustique, dans sa définition d'origine, a pour objet l'étude des sons perçus par les humains. La grandeur physique la plus en rapport avec cette perception est la pression acoustique ; mais celle-ci ne concerne qu'un point de l'espace, et ne donne aucune indication sur la façon dont la vibration de l'air qui constitue le son s'est transmise.

Pour décrire utilement l'espace sonore il faut donner, pour chaque point et à chaque instant, non seulement la pression acoustique, mais aussi la direction du mouvement des petits volumes d'air qui, en vibrant, constituent le son[3].

Le concept d'intensité acoustique s'est progressivement précisé, au cours de l'histoire de la discipline, d'un sens général lié à la perception des sons (la sonie) en une description de la transmission de l'énergie mécanique par les ondes sonores.

Études acoustiques

Toutes les études acoustiques où on cherche à déterminer la transmission des sons utilisent l'intensité acoustique :

  • acoustique architecturale, quand il s'agit de faire entendre certains sons à une audience, et d'éviter d'en transmettre d'autres ;
  • acoustique environnementale, quand il s'agit de déterminer les sources de bruit et de contrôler la diffusion des nuisances sonores ;
  • industries automobile et aéronautique, pour la réduction du bruit à l'intérieur et à l'extérieur des moyens de transport ;
  • en acoustique musicale lorsqu'on étudie la genèse des sons des instruments ;
  • exploration des milieux par le sonar et l'échographie, tant industrielle que médicale.

Transfert d'énergie sonore

L'action du son sur notre ouïe exige une certaine puissance.

L'intensité acoustique, quand on la définit de cette manière, relie l'acoustique aux autres sciences par l'application d'un principe général: le premier principe de la thermodynamique, qui prévoit la conservation de l'énergie.

L'onde sonore transporte une puissance, qui peut connaître des pertes par transformation en chaleur, mais pas d'accroissement. Les pertes sont assez faibles, c'est pourquoi le son se transmet au loin ; dans une première approximation, on peut les négliger.

Toute la puissance sonore mesurée en un point a une origine (actuelle ou passée) dans un flux d'énergie provenant d'une ou plusieurs directions repérables. L'intensité acoustique mesure le flux résultant de ces transferts.

L'énergie sonore

Énergie d'une vibration sonore

En physique, la puissance se définit comme la quantité d'énergie par unité de temps fournie par un système. En mécanique, elle est le produit de l'application d'une force par la vitesse du déplacement de l'objet auquel elle s'applique. En acoustique, cette force créée par l'onde sonore s'applique à une unité de surface du front sonore, dont on peut réduire arbitrairement la taille pour décrire un endroit précis du champ sonore.

Le son est une vibration de l'air[4]. Comme l'air est compressible, cette vibration est à la fois un déplacement et une compression alternatifs. Dans une direction donnée, distinguons un sens qui définit un « avant » et un « arrière ». L'air se déplace (très faiblement) vers l'« avant » : il comprime la zone qui se trouve dans cette direction. Puis il revient vers sa position médiane et la dépasse vers l'« arrière », créant, pour la zone qui se trouve de l'autre côté, une dépression. Cette vibration est progressive : le petit déplacement local du milieu autour d'une position se transmet à la zone voisine, à une certaine vitesse, jusqu'à de grandes distances.

La force par unité de surface s'appelle la pression acoustique, et s'exprime en pascals (ou newtons par mètre carré), de symbole Pa (ou N m−2). Elle varie selon la position dans la propagation de l'onde sonore et selon le temps , aussi la note-t-on . Le déplacement, caractérisé par la vitesse acoustique [5], dépend de l'élasticité et de la masse du milieu. Le produit des deux est l'intensité acoustique instantanée de l'onde sonore, toujours par unité de surface :

L'intensité acoustique, par rapport à une direction de référence, est égale à la moyenne temporelle de p.v.cos θ, où θ est l'angle entre la direction de propagation de l'onde sonore et la direction de référence

Produit d'un vecteur (la vitesse) par un scalaire (la pression), cette grandeur est un vecteur ; elle possède une norme, un sens et une direction[6].

Définition de l'intensité acoustique

L'intensité acoustique en un point est la moyenne dans le temps de l'intensité acoustique instantanée :

La moyenne est prise sur un temps suffisamment long, par rapport à la plage de fréquence considérée, pour que la moyenne ait une valeur stable, mais sur un temps suffisamment court pour que cette moyenne mobile puisse suivre les variations d'intensité acoustique[7].

En champ libre, c'est-à-dire si aucune variation du milieu ne s'oppose à la propagation de l'onde, la pression et la vitesse varient ensemble.

Transfert d'énergie associé à une onde plane

Pour comprendre le son, les acousticiens s'attachent à étudier le transfert de cette énergie. Ils forment l'hypothèse que dans les conditions ordinaires, les phénomènes sonores sont linéaires, et que donc le principe de superposition permet de les étudier un par un.

On va donc considérer pour commencer une onde sonore unique, se propageant sans aucune perturbation.

Pour une onde plane sinusoïdale, la pression acoustique est une petite variation positive ou négative de la pression atmosphérique, écart qui varie en . De son côté, la vitesse acoustique en un point est également un écart par rapport à la vitesse locale du vent, et varie positivement ou négativement en . L'intensité acoustique instantanée, qui est produit de la pression par la vitesse, varie donc en :

L'intensité acoustique est la moyenne temporelle de l'intensité acoustique instantanée. Dans le calcul de cette moyenne, seul intervient le terme en sin2, la moyenne de l'autre étant nulle. L'intensité acoustique est donc égale à :

Pour une onde progressive, elle est positive si l'élévation de pression correspond à un déplacement de l'air vers l'avant, comme c'est le cas si l'axe des x est dans le sens de la progression de l'onde, dans le cas contraire, elle est négative. En revanche, elle est nulle si les deux grandeurs sont déphasées, ce qui est le cas pour une onde stationnaire.

Flux d'intensité acoustique

Définition

Le flux de l'intensité acoustique instantanée à travers une surface S donnée correspond à l'énergie acoustique E transférée à travers cette surface, à l'instant considéré :

En particulier, le flux d'intensité acoustique sortant d'une surface fermée entourant une source correspond à l'énergie acoustique produite par cette source.

L'énergie sonore transférée à travers cette même surface est la moyenne temporelle de l'énergie acoustique instantanée. Il faut prendre garde sur ce point que la moyenne du flux de l'intensité acoustique (énergie transmise) n'est pas égale au flux de la moyenne, parce que les contributions instantanées des différents points de la surface peuvent aller en sens opposé. L'égalité n'est vérifiée que si la surface est en tout point perpendiculaire à la direction de l'intensité acoustique.

Diminution géométrique de l'intensité acoustique

Schéma de flux

L'intensité acoustique représente le transfert de puissance sonore que réalise une onde sonore. On a supposé que les pertes étaient négligeables (hypothèse de linéarité) ; par conséquent, l'onde transmet la puissance acoustique totale de la source émise dans l'angle solide considéré. Au fur et à mesure que l'onde s'éloigne de la source, cette puissance totale se répartit sur une aire croissante.

Quand la distance double, cette surface quadruple. L'intensité acoustique se divise donc par quatre, en champ libre, quand la distance à la source se multiplie par deux. Le niveau d'intensité acoustique diminue de dB (décibels). De ce fait, l'intensité acoustique varie comme l'inverse du carré de la distance à la source sonore considérée :

Dans ces conditions de champ libre, l'intensité acoustique est proportionnelle au carré de la pression acoustique. Quand la distance à la source se multiplie par deux, la pression se divise par deux (et l'intensité acoustique, proportionnelle au carré de la pression, se divise par quatre, comme nous l'avons indiqué). Le niveau de pression acoustique diminue de dB.

Filtrage directionnel du flux

La localisation de l'origine d'un son passe par le flux d'intensité acoustique traversant une surface importante.
Photo Vladimir Granovskiy

Le flux d'intensité acoustique passant à travers une surface orientée importante subit un filtrage directionnel, d'autant plus important que la fréquence est grande. En effet, la puissance transmise à travers un cornet acoustique ou un pavillon acoustique correspond au flux d'énergie sonore passant à travers la surface d'entrée du système :

Pour les basses fréquences dont la longueur d'onde est significativement plus grande que l'entrée du système, la valeur du produit est sensiblement constante sur toute la surface du pavillon à un instant t donné. À ces basses fréquences, l'intégrale est alors simplement :

C'est-à-dire que l'énergie sonore récupérée par le pavillon à basse fréquence dépend simplement de la surface offerte par le pavillon au front d'onde.

Si en revanche on s'intéresse aux fréquences dont la longueur d'onde est significativement plus petite que le diamètre du pavillon, la puissance entrant dans le pavillon à un instant t sera la somme intégrale des intensités acoustiques élémentaires prise sur toute l'étendue de cette surface. La situation est alors très différente suivant que le pavillon est ou non orienté vers la source sonore.

Dans le cas où le vecteur d'intensité acoustique et le vecteur décrivant la surface sont colinéaires, c'est-à-dire si l'ouverture du pavillon est dirigée dans la direction du front d'onde, , l'intensité acoustique instantanée sera sensiblement constante sur toute l'étendue du pavillon, et la puissance acceptée par le pavillon sera alors :

Si au contraire le pavillon fait un angle par rapport au front d'onde, il verra en entrée un mélange de vitesses positives et négatives, d'autant plus déphasées que l'angle sera important. L'intégrale de ce signal désynchronisé sera alors pratiquement nulle par rapport au signal reçu de front.

Autrement dit, si l'on trace le diagramme de rayonnement reflétant la transmission de l'énergie pour une fréquence élevée donnée, celui-ci présentera un lobe central important, et des lobes secondaires très rapidement décroissants, la sélectivité angulaire du pavillon étant de l'ordre de la longueur d'onde sonore divisée par le diamètre du pavillon.

Conduit acoustique

Conduit acoustique, transmetteur d'ordres sur un navire (complet avec le bouchon et le sifflet d'appel)

Lorsque les ondes sonores sont guidées par un tuyau rigide, l'énergie sonore injectée à l'une des extrémités du tuyau ne peut pas se disperser, et se retrouve à l'autre extrémité concentrée sur une surface identique.

Ce phénomène est utilisé dans les conduits acoustiques, pour transmettre des ordres à distance (type Chadburn), comme sur un navire dans un environnement bruyant.

C'est également ce phénomène qui est utilisé dans le pavillon acoustique pour transformer l'impédance acoustique entre la haute impédance de la membrane source et la basse impédance de l'air, en conservant constante l'énergie sonore transmise par le cornet.

Comparaison avec les flux lumineux

Par rapport à une source ponctuelle unique, l'intensité acoustique occupe, en mesure acoustique, une fonction assez analogue à celle de l'éclairement en photométrie : c'est l'énergie qui frappe une surface de référence.

Toutefois, en photométrie, cet éclairement peut ensuite être analysé suivant sa distribution angulaire, ce qui définit la luminance. En acoustique, en revanche, l'intensité acoustique se limite à un vecteur unique, dont la direction est définie et ne justifie pas l'étude de sa distribution angulaire.

Il est possible d'analyser dans un deuxième temps la distribution angulaire d'une énergie électromagnétique en un « point » donné, parce que les longueurs d'onde étudiées, de l'ordre du micromètre pour les onde lumineuse, sont d'un ordre de grandeur très inférieur à la taille des éléments de surface considérés (typiquement millimétrique). Il est alors toujours possible de considérer que des photons provenant d'angles solides élémentaires différents sont décorrélés, et d'analyser la distribution d'énergie par rapport à l'angle solide.

Pour une onde sonore, en revanche, les longueurs d'onde étudiées sont généralement d'un ordre de grandeurs très supérieur à la taille des éléments de surface que l'on peut considérer. L'intensité acoustique doit alors s'analyser comme un simple champ vectoriel. Mais inversement, les vitesses des déplacements sonores arrivant sur une surface sont corrélées, et c'est leur interférence dans un flux à travers une surface d'entrée qui peut redonner une information sur la direction d'origine de la source sonore.

Étude des environnements sonores complexes

Orientation

Si une paroi crée une perturbation, ou bien à proximité d'une source sonore, la pression et la vitesse ne varient pas ensemble. L'hypothèse de la linéarité permet de décomposer, suivant le théorème de Fourier[8], l'onde sonore en ondes élémentaires, sinusoïdales, dont les effets s'ajouteront par l'application du principe de superposition. Pour chacune de ces ondes élémentaires, on peut appliquer à nouveau le même principe, et les décomposer en une onde où la vitesse et la pression varient ensemble, et une onde où la vitesse et la pression varient en quadrature de phase, c'est-à-dire que lorsque la vitesse est nulle, la pression acoustique est maximale. La première est identique à une onde en champ libre. Pour le cas où la vitesse et la pression sont en quadrature de phase, la moyenne, sur une période complète, est nulle.

L'intensité acoustique représente uniquement les variations de pression et de vitesse en phase. Celles-ci correspondent à un transfert d'énergie dans le sens de propagation. L'autre partie correspond à des ondes stationnaires, dans lesquelles l'énergie transmise dans un sens est égal à celle transmise dans l'autre sens.

La décomposition des ondes sonores en une somme de sinusoïdes de fréquences et de phases différentes permet aussi l'étude de la réponse des systèmes à des signaux, supposés continus, de fréquence variable. On définit ainsi une intensité acoustique complexe, fonction de la fréquence. La partie réelle de cette grandeur complexe est l'intensité acoustique définie précédemment ; la partie imaginaire est la composante réactive, avec la vitesse et la pression en quadrature de phase.

Pression et intensité acoustiques

Pour une onde sonore plane, comme on peut en observer dans un tuyau dont le diamètre est inférieur à la demi-longueur d'onde de la vibration sonore, la pression et la vitesse acoustiques varient ensemble. La pression est une force par unité de surface, qui s'exerce sur une masse, celle de l'élément voisin, et lui imprime une accélération, c'est-à-dire une variation de vitesse, selon les lois de la mécanique. La pression et la vitesse acoustiques sont ainsi liées par des équations différentielles, et, dans ces conditions, l'intensité acoustique I se relie à la pression acoustique en un point par la relation :

Dans ces conditions, l'intensité (en kgs−3) est à peu près égale, à cette condition près, à p²/400 [10].

En champ libre, les ondes ne sont pas planes, mais sphériques, et la pression et la vitesse ne varient pas exactement ensemble. Cependant, plus la sphère grandit, et plus l'onde ressemble à une onde plane. Les calculs avec des ondes sinusoïdales montrent que lorsque la distance à la source est supérieure ou égale à la longueur d'onde, on peut assimiler l'onde sphérique à une onde plane (Rossi 2007, p. 27).

Exemple d'assimilation d'une onde sphérique à une onde plane :

On considère une source émettant des sons d'une fréquence supérieure à 100 Hz.

  1. La longueur d'onde se calcule en divisant la vitesse du son (en m/s) par la fréquence (Hz = 1/s) ;
  2. Les fréquences supérieures à 100 Hz ont des longueurs d'onde inférieures à celles de cette fréquence, donc la longueur d'onde à 100 Hz est la limite à partir de laquelle on peut assimiler l'onde sphérique à une onde plane ;
  3. La longueur d'onde à 100 Hz est 340/100 3,4 m.

Au delà de trois mètres cinquante, on pourra considérer que l'onde se comporte comme une onde plane.

On choisit ici la commodité de ces approximations, au détriment de la précision des calculs.

Ces calculs concernent une seule onde sonore progressive. Dans un champ diffus, comme dans le cas du son réverbéré dans un local, le rapport entre pression acoustique et intensité acoustique est entièrement différent. Dans cette situation, une quantité d'ondes allant dans toutes les directions se superposent aux ondes principales. Ces ondes, en s'ajoutant, contribuent à la pression acoustique, mais elles transfèrent l'énergie dans tous les sens, ce qui fait qu'en moyenne, leurs intensité acoustiques instantanées s'annulent. Dans les cas où il existe des ondes stationnaires, ce qui correspond aux situations, en acoustique architecturale, où on trouve des vibrations modales dans une salle, on trouve des pressions acoustiques qui ne correspondent à aucune intensité acoustique.

Mesure de l'intensité acoustique

Schéma du disque de Rayleigh.
A. Tube de bronze fermé par la glace B obscurcie par la plaque C traversée par une fente illuminée par une lampe. D. miroir mobile suspendu par un fil de soie, rappelé à sa position par des petits aimants; c'est le disque sensible au mouvement acoustique de l'air. E. Fenêtre en verre. F. Lentile de projection de la ligne lumineuse sur l'écran G. H. lentille de papier de soie protégeant le miroir des courants d'air. I. portion de tube coulissant pour l'accord en fréquence[11].

Pour calculer l'intensité acoustique en un point donné, il faut déterminer la pression et la vitesse acoustiques.

Un des premiers dispositifs capables de mesurer l'intensité sonore (le terme avait à l'époque un sens général), le disque de Rayleigh (1880), se fondait sur l'effet du déplacement de l'air sur un disque suspendu dans le flux sonore[12]. Mais le disque de Rayleigh ayant une déviation proportionnelle au carré de la vitesse acoustique[13], il ne peut servir pour le calcul de l'intensité acoustique, telle qu'elle est aujourd'hui définie, avec un sens en plus de sa direction. D'ingénieux dispositifs de laboratoire ont permis d'évaluer le déplacement et la vitesse des particules[14], mais ceux-ci étaient loin de pouvoir fournir une mesure dans un espace quelconque.

Les microphones capteurs de pression à condensateur, inventés en 1917, permettent de mesurer la pression acoustique sur une membrane. La vitesse acoustique est plus difficilement accessible : la vibration sonore déplace l'air d'au plus quelques microns (Martin 2007, p. 66). Le microphone à ruban, développé dans les années 1930 pour la radio et le cinéma, est un transducteur de gradient de pression, sensible à la direction de l'onde sonore, mais sa réponse en fréquence et sa directivité en font un médiocre instrument de mesure. Ce n'est que dans les années 1980 que des chercheurs hollandais ont développé des dispositifs micrométriques qui permettent de mesurer la vitesse[15]. La méthode la plus courante, développée à la fin des années 1970, quand les progrès de l'électronique à transistors ont permis à des appareils portable d'effectuer les calculs nécessaires, utilise des microphones capteurs de pression pour mesurer la pression acoustique en deux points ou plus, et à calculer à partir de la différence entre ces points (le gradient de pression) la valeur de la vitesse acoustique et celle de l'intensité acoustique.

Les appareils, le plus souvent, affichent l'intensité acoustique (positive ou négative) selon l'axe de leur sonde de mesure. En pratique, on oriente la sonde afin d'obtenir l'intensité maximale pour trouver la direction du vecteur intensité.

Intensité acoustique et gradient de pression

Si on se représente le milieu qui transmet l'onde sonore comme une suite de ressorts possédant une masse, on peut appliquer à celles-ci les équations de Newton. Selon la seconde équation, l'accélération (c'est-à-dire la variation de vitesse) est égale au quotient de la force par la masse. Dans une portion d'air prise dans une onde sonore, dont la masse est égale à la densité de l'air multipliée par son (très petit) volume, la force appliquée résulte de la différence entre la pression du côté de l'origine de l'onde, multipliée par la surface de la particule de ce côté, et la grandeur homologue du côté opposé.

Avec deux mesures de pression suffisamment proches l'une de l'autre, le quotient de leur différence par la distance entre les deux points de mesure est égal au gradient de pression, dont le quotient par la masse en jeu est égal à l'accélération. On dispose donc d'une mesure de l'accélération. L'accélération étant la dérivée de la vitesse, en procédant à l'intégration de l'accélération, on obtient la vitesse. Pour obtenir l'intensité, il faut encore multiplier celle-ci par la pression, que l'on obtient en effectuant la moyenne entre les deux capteurs.

Résumée ainsi à gros traits, l'opération paraît simple ; les équations qui la déterminent ont été établies au XVIIIe siècle par Euler. La réalisation pratique d'un appareil de mesure, cependant, présente des difficultés, notamment en raison de la nécessité de filtrer les signaux acoustiques pour pouvoir effectuer l'intégration.

Exploration du gradient de pression

Les sondes d'intensité acoustique les plus courantes consistent en deux capteurs de pression disposés face à face, séparés par une entretoise. La distance entre les deux capteurs dépend de la gamme de fréquence qu'il s'agit d'explorer. Ces sondes sont reliées à un appareil qui calcule l'intensité acoustique.

Pour déterminer la direction de l'intensité acoustique, on peut soit rechercher le nul (comme en radiogionométrie), soit rechercher le maximum (ce qui permet d'effectuer la mesure directement) (Brüel & Kjaer 1993, p. 19).

Des normes déterminent l'usage de ces sondes quand il s'agit de calculer la puissance d'émission sonore totale d'un appareil et ses caractéristiques en fonction de la direction.

Avec des capteurs supplémentaires, on peut réaliser des évaluations plus indépendantes de la fréquence[16] ou qui discriminent plus la direction[17].

Avec au moins quatre capteurs dans les trois dimensions, on peut calculer directement la direction dans l'espace de l'intensité acoustique. Avec plus de capteurs, on obtient une reconstruction plus précise du champ sonore. Dans des applications de mesure de bruit, on a des dispositifs encore bien plus spectaculaires, avec des systèmes pouvant atteindre plusieurs dizaines de capteurs[18] dont les résultats sont recoupés par ordinateur.

Le décibel comme niveau d'intensité acoustique

Les acousticiens définissent le niveau d'intensité acoustique à partir du rapport de l'intensité acoustique du son que l’on étudie à une intensité acoustique de référence fixée à I0 = 1 × 10−12 W m−2 (un picowatt par mètre carré).

On indique le niveau en décibels, notés dB re pW/m2 ou dB SIL, soit décibel Sound Intensity Level (niveau d'intensité acoustique) (CEI).

Les niveaux de référence de l'intensité acoustique et de la pression acoustique ont été fixés de sorte qu'en champ libre et pour des ondes planes, le niveau d'intensité soit égal au niveau de pression. On communique le résultat de la mesure de pression acoustique en dB SPL (ou dB re 20 µPa).

Normes internationales

Les normes spécifient le sens des termes employés dans la communication technique. De nombreux pays exigent que les machines respectent des spécifications d'émission sonore. Si l'émission sonore peut intervenir dans des litiges et des disputes judiciaires, les méthodes d'évaluations doivent aussi être clairement définies. C'est l'utilité des normes internationales, auxquelles se joignent des systèmes de certification des individus et entreprises qui les mettent en œuvre.

  • Commission électrotechnique internationale, IEC 60050 — Vocabulaire électrotechnique international, (lire en ligne) :
  • ISO 9614-1:1993 « Acoustique -- Détermination par intensimétrie des niveaux de puissance acoustique émis par les sources de bruit -- Partie 1: Mesurages par points »
  • ISO 9614-2:1996 « Acoustique -- Détermination par intensimétrie des niveaux de puissance acoustique émis par les sources de bruit -- Partie 2: Mesurage par balayage »
  • ISO 9614-3:2002 « Acoustique -- Détermination par intensimétrie des niveaux de puissance acoustique émis par les sources de bruit -- Partie 3: Méthode de précision pour mesurage par balayage »

Compléments

Articles connexes

Bibliographie

  • Patrice Bourcet et Pierre Liénard, « Acoustique fondamentale », dans Le livre des techniques du son, tome 1 - Notions fondamentales, Paris, Eyrolles,
  • Antonio Fischetti, Initiation à l'acoustique : Écoles de cinéma — BTS audiovisuel, Paris, Belin, , 287 p.
  • Mario Rossi, Audio, Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, , 782 p.
  • Vincent Martin, Éléments d'acoustique générale : De quelques lieux communs de l'acoustique à une première maîtrise des champs sonores, Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, , 411 p.
  • (en) Brüel & Kjaer, Sound Intensity : Primer, Nærum, Denmark, Brüel & Kjaer, , 38 p. (lire en ligne) (URI alternative)
  • (en) S. Gade, « Sound Intensity (Theory) », Technical Review, Nærum, Denmark, Brüel & Kjaer, no 3, , p. 3-43
  • (en) S. Gade, « Sound Intensity (Instrumentation and Applications) », Technical Review, Nærum, Denmark, Brüel & Kjaer, no 4, , p. 3-32
  • (en) Frank J. Fahy, Sound Intensity, London, Spon Press, , 2e éd. (1re éd. 1989), 320 p.
  • (en) Ray A. Rayburn, Earle's Microphone Book : From Mono to Stereo to Surround — a Guide to Microphone Design and Application, Focal Press, , 3e éd., 466 p.

Liens externes

Notes et références

  1. En quelques mots, l'intensité acoustique est la densité surfacique de flux acoustique dans une direction donnée (CEI).
  2. Pour la pression acoustique, voir Microphone ; pour la vitesse acoustique, voir (en) Hans-Elias de Bree, The Microflown : Second Edition, Enschede, Pays-Bas, l'auteur, , 187 p. (lire en ligne) ; microflown (site commercial).
  3. Les calculs de l'acoustique supposent que les parties soient à la fois petites par rapport à la longueur d'onde et assez grandes pour qu'on puisse parler de pression, ce qui implique un grand nombre de molécules. À titre d'exemple, un micron cube d'air a environ 25 millions de molécules ; tandis que la longueur d'onde la plus courte des sons perçus par les humains est de plusieurs millimètres.
  4. L'acoustique s'intéresse parfois à d'autres milieux, et ses calculs s'établissent pour un milieu compressible linéaire isotrope et homogène quelconque.
  5. Il s'agit d'un vecteur, c'est-à-dire d'un composé de trois grandeurs. Dans un milieu fluide comme l'air, la vitesse acoustique est uniquement longitudinale. Il n'y a pas de déplacement transversal. On peut choisir l'axe des x dans le sens de propagation de l'onde, et on laisse de côté les axes y et z, selon lesquels les valeurs sont nulles.
  6. Comme l'espace a trois dimensions, le vecteur intensité acoustique instantanée comporte trois composantes, qui représentent sa projection sur chacun des trois axes. L'intensité acoustique pour une direction donnée s'obtient par le produit scalaire du vecteur unité qui exprime cette direction par le vecteur intensité acoustique. Si l'on connaît l'angle dans l'espace entre une direction et le vecteur intensité acoustique, on peut dire que l'intensité acoustique dans cette direction est égale au module du vecteur intensité acoustique multiplié par le cosinus de cet angle.
  7. De la même façon que pour l'intensité acoustique instantanée, on peut définir un vecteur intensité acoustique dont les trois composantes sont les valeurs de l'intensité acoustique pour chacun des trois axes de l'espace.
  8. Joseph Fourier (1768—1830) a montré comment on pouvait décomposer toute fonction périodique en une série de sinusoïdes de fréquences multiples de celle de la fonction d'origine (voir Séries de Fourier).
  9. Bourcet et Liénard 1987, p. 30
  10. Fischetti 2001, p. 38, 41
  11. (en) John William Strutt Rayleigh, « On an instrument capable of measuring the intensity of aerial vibrations : Philosophical Magazine, XIV, pp. 186-187, 1882 », dans John William Strutt Rayleigh, Scientific Papers, vol. II 1881-1887, Cambridge, Cambridge UP, p. 133
  12. John William Strutt Rayleigh, On an instrument capable of measuring the intensity of aerial vibrations (D'un instrument capable de mesurer l'intensité des vibrations aériennes), Philosophical Magazine, XIV, pp. 186-187, 1882 ; in Scientific Papers Vol. II, 1881-1887, Cambridge University Press, p. 132-133.
  13. (en) R. A. Scott, « An Investigation of the Performance of the Rayleigh Disk », Proceedings of the Royal Society of London. Series A, Mathematical and Physical Sciences, vol. 183, no 994, , p. 296-316 (lire en ligne), citant König 1891.
  14. Par exemple Z. Carrière, « Courbes de Lissajous électro-acoustiques », Journal de Physique, , p. 355-374 (hal.inria.fr/docs/00/23/31/09/PDF/ajp-jphysrad_1932_3_8_355_0.pdf), parmi de nombreuses manipulations de laboratoire.
  15. (en) W. R. Druyvesteyn et H. E. De Bree, « A Novel Sound Intensity Probe Comparison with the Pair of Pressure Microphones Intensity Probe », Journal of the Audio Engineering Society, vol. 48, nos 1/2, , p. 49-56
  16. capteur GRAS
  17. Rayburn 2012, p. 319-322 ; Rossi 2007, p. 520 ; G.R.A.S. Vector Intensity Probe Type 50VI avec six capteurs de pression; Core Sound Tetramic avec quatre capteurs disposés en tétraèdre ; Eigenmike.
  18. (en) E. G. Williams, « Volumetric Acoustic Intensity Probe », NRL Review, Washington DC USA, Naval Research Laboratory, (lire en ligne).
  • Portail de la physique
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