Houyi
Yi 羿, Houyi 后羿, Yiyi 夷羿 ou Pingyi 平羿 est un héros de l’antiquité chinoise, remarquable archer, considéré comme le mari de Chang'e. Il est connu par de brefs passages de textes datant des Royaumes combattants aux Han, comme le Shanhaijing, le Huainanzi et le Mengzi. La légende de Houyi (son appellation la plus fréquente en Chine) s’est développée à partir de ces sources, avec de multiples variantes dans les détails au gré de l’imagination ou des intentions du narrateur.
Yi dans les sources anciennes
Selon un passage du Shanhaijing repris dans le Huainanzi, Yao fit appel à lui pour abattre les neuf soleils surnuméraires apparus durant son règne. Le succès de Yi permit à Yao de devenir empereur.
Un autre passage du Huainanzi lui fait rencontrer Xiwangmu lors d’une expédition de chasse. Elle lui remet des herbes d’immortalité. Sa femme Chang'e les consomme et s’envole dans la lune dont elle devient la déesse.
Dans des sources d'esprit plus historique comme le Mengzi, il est présenté comme un Dongyi (1), terme général désignant les ethnies non-Huaxia de l’Est, archer d’élite. Son clan (ou territoire) est Youqiong (2). Vassal de Taikang (3), petit-fils indigne de Yu le Grand, il l’exile et le remplace par son frère Zhongkang (4) tout en assurant la régence. Lui aussi fait des mécontents car il consacre plus de temps à la chasse qu’aux affaires publiques. Il est tué par Zhuo de Boming, seigneur de Han (5), lors d’une expédition de chasse. Les historiens chinois modernes estiment que Yi est la personnification d’une ethnie connue pour son talent à l’arc.
(1) 東夷 (2) 有窮 (3) 太康 (4) 仲康 (5) 寒浞, 伯明氏
Légende de Yi
Il en existe dans les détails d’innombrables versions, qui en général rassemblent l’anecdote des soleils, l‘obtention des herbes d’immortalité et l’envol de Chang’e dans la lune.
Yi se fait une réputation en sauvant la terre de la sécheresse et des incendies en abattant les neuf soleils excédentaires. Ce n’est pas toujours Yao qui l’en charge, mais parfois la population, ou Yi lui-même qui se porte volontaire. Par la suite, marié à Chang’e, il entre en possession d’herbes ou d’un elixir d’immortalité. La rencontre de Yi et de sa femme, qui n’est pas racontée dans les sources les plus anciennes, est entièrement abandonnée à l’imagination du narrateur.
C’est le plus souvent, comme dans le Huainanzi, la déesse Xiwangmu qui remet à Yi les herbes magiques, mais dans les versions de la République populaire de Chine datant d’avant les années 1980, où Yi et Chang’e forment un couple modèle de proto-prolétaires vivant de la chasse et du travail manuel, il s’agit en général d’un ermite herboriste.
La consommation imprévue des herbes d’immortalité par Chang’e sépare à la fin les époux, car leur effet la fait s’élever dans les airs jusque dans la lune où elle réside éternellement. Parfois la responsabilité lui en incombe, elle fait preuve d’impatience et d’avidité en absorbant immédiatement la totalité d’un elixir dont une moitié appartient à son mari, qui le garde pour leurs vieux jours. Parfois la responsabilité repose sur Yi. On raconte alors qu’il fut promu empereur après son succès contre les soleils, mais devint tyrannique. C’est lui qui veut absorber les herbes pour accroitre son pouvoir et Chang’e les avale pour l’en empêcher.
Une tradition folklorique moins fréquente basée sur un passage du Mengzi en fait un personnage violent ou démoniaque tué par Pengmeng (1), autre archer d’élite parfois présenté comme son disciple. Cette tradition, qui voit en lui un ancien chef des démons remplacé ultérieurement par Zhongkui (2), est expliquée par certains folkloristes chinois par l’assimilation des pratiques religieuses des minorités non-Han, dont Yi serait un représentant, à de la sorcellerie.
(1) 逢蒙 (2) 鐘馗
Yi et Héraclès
La ressemblance de l’archer Yi et du héros grec Héraclès a été remarquée depuis longtemps. Ils sont tous les deux des héros solitaires et tueurs de monstres. Comme Héraclès, Yi a exécuté un certain nombre de « travaux ». Comme Yi, Héraclès était un archer. Ne voulant pas descendre sous terre après sa mort, Yi se rendit chez la Reine-Mère d’Occident et obtint d’elle des pilules d’immortalité, mais son épouse Chang’e les lui vola. De même, Héraclès parvint à dérober les pommes d’immortalité, qui étaient la propriété de la déesse Héra, mais il les rendit sur l’injonction d’Athéna. Ces deux héros, qui auraient pu éviter la mort, eurent une fin tragique. D'après certains textes chinois, Yi fut assassiné par son épouse Fufei, qui serait donc équivalente à Chang'e, et par Han Zhuo (cité ci-dessus), l'amant de celle-ci. De même, Héraclès fut tué par son épouse Déjanire et le Centaure Nessos, qui avait essayé de la violer.
L’immortalité était un concept essentiel de la religion des Grecs et des Tokhariens. Chez Homère, les termes « immortel » et « dieu » sont synonymes. De même, la désignation tokharienne des dieux, ñäkte, signifiait probablement « immortel ».
Il importe aussi de remarquer que les « travaux » de Yi sont apparentés à la lutte de Huangdi contre Chiyou. Ainsi, Yi a tué le Grand Serpent avaleur d'astres, tandis que Huangdi a vaincu Chiyou, qui essayait d'empêcher le soleil de monter au ciel. Il en est ainsi parce que Yi est devenu roi lors d'une expédition dans le bassin du Tarim et que Huangdi était la version divine du roi. Ce même parallélisme existe dans la mythologie grecque: de même que le dieu Apollon a tué le serpent Python près d'une source, le roi Cadmos a tué un serpent qui gardait une source sur le site de Thèbes. Apollon était souvent qualifié de "souverain", ce qui n'était jamais le cas de son père Zeus.
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