Harry Pieper

Karl Erdmann Harry Pieper (en religion Shaku Shôgon hôshi le maître de la Loi Shaku Shôgon ») né le 9 mars 1907 à Berlin et mort le 19 septembre 1978 à Berlin, était un interprète et auteur et un pratiquant bouddhiste.

Vers l'âge de dix-ans, il embrasse le bouddhisme, d'abord dans la forme du bouddhisme hînayâna. Il se tourne ensuite vers le bouddhisme mahâyâna, d'abord sous sa forme tibétaine. Au milieu des années 1950, il découvre le Jōdo-Shinshū École véritable de la Terre pure »), un important courant du bouddhisme au Japon. Il devient le premier pratiquant de cette école en Europe. Bientôt ordonné bonze, il crée, en 1956, la première communauté en Europe du Jōdo-Shinshū, à Berlin, et par la suite fonde ou inspire plusieurs communautés et centres puis dans différentes villes européennes.

Biographie et activité

La Maison Bouddhique de Berlin.

Harry Pieper a travaillé comme comptable, puis comme spécialiste en brevets chez Telefunken[1]. Vers 1925, il découvre le bouddhisme theravâda[2]. À partir de 1930, il est responsable de la Maison Bouddhique (de) (Buddhistisches Haus) de Berlin-Frohnau, fondée par le Dr Paul Dahlke (Bouddhiste) (de)(1865-1928). Il s'agissait du premier temple bouddhiste theravâda d'Allemagne. Harry Pieper est resté à sa tête jusqu'en 1934, date à laquelle les Nazis fermèrent la maison[1] et interdirent les activités bouddhistes.

Cependant, Pieper a dirigé un groupe bouddhiste clandestin, et ce jusqu'à son incorporation dans la Wehrmacht, dans les derniers mois de la guerre[1]. À la fin du conflit, il est interné par les Soviétiques, un épisode qui le marquera fortement dans sa santé[1]. Lorsqu'il revient de captivité en 1946, il fonde et dirige la « Mission bouddhiste de Berlin » (Buddhistische Mission).

L'Arya Maitreya Mandala

Lama Govinda vers 1940-1945.

Après une vingtaine d'années passées dans le bouddhisme theravada, Harry Pieper découvre le courant Mahâyâna[2]. En effet, en 1951, il devient disciple de Lama Anagarika Govinda, un Allemand qui avait fondé en 1933 le mouvement Arya Maitreya Mandala, d'inspiration tibétaine. Avec Hans-Ulrich Rieker (1920-1979) et Lionel Stützer (1901-1991), Harry Pieper fonde la branche occidentale du mouvement[3]. Il en devient secrétaire-général.

Le Jôdo-Shinshû en Europe

Bien qu'il ait une longue histoire en Asie et qu'il y soit très répandu, le courant du Jōdo-Shinshū est resté très longtemps inconnu en Europe. Harry Pieper y fut le pionner de son introduction, étant le premier Européen à devenir bouddhiste shin. Et c'est donc à lui principalement que l'on doit le fait que cette forme de bouddhisme ait pu s'implanter en Europe[2].

Kôshô Ôtani (à droite) en 1937.

C'est en 1954 qu'il a l'occasion de découvrir l'enseignement du Bouddha Amitâbha (jap. Amida) et la pratique du nembutsu (récitation du nom d'Amithâba)[2]. Le 16 mai de cette année-là, à l'occasion de la fête du Vesakh, il fait la connaissance du professeur de physique Osamu Yamada, un laïc membre de la Jôdo-Shinshu. Ce dernier lui fait découvrir un texte célèbre de Shinran, le Tannishô Notes déplorant les divergences ») qui deviendra pour Pieper le fondement de sa foi. Le 16 novembre 1954, Yamada le présente au 23e patriarche du Jōdo-Shinshū, Kōshō Ōtani lors de son passage à Berlin. La rencontre bouleverse Pieper: en 1955, il quitte l'Arya Maitreya Mandala, devient le disciple de Kōshō Ōtani [1] et décide de propager le bouddhisme Shin[4].

Le 16 janvier 1956, jour du 695e anniversaire du décès de Shinran, il fonde la première communauté Jôdo-Shinsu en Europe, à Berlin. Elle prend le nom de Buddhistische Gemeinschaft Jôdo-Shinshû (Société bouddhique du Jôdo-Shnshû. En 1961, un petit temple est ouvert à Berlin[1],[2]. Toutefois, cette communauté est restée relativement petite et méconnue. Cela est dû en particulier à ce que ses membres menaient une vie de bouddhistes laïcs, suivant en cela une caractéristique des bouddhistes shin, engagés dans une profession et absorbés par les responsabilités de la vie quotidienne[2].

Harry Pieper représente en Europe le Hongan-ji, grand temple de l'école à Kyōto et il est bientôt autorisé à conférer l'ordination sur le continent[4]. Cela répondait à son désir de constituer une espèce de clergé européen et de permettre ainsi à la Jôdo-Jinshû en Europe de « marcher sur ses propres pieds[4]. »

Plusieurs centres et institutions bouddhistes européens sont ainsi dus à son inspiration et à ses efforts. Par exemple, la fondation, en 1970, du Shingyo-ji (temple de la Foi sereine) à Genève avec Jean Eracle, à qui il transmit l'ordination, et la communauté bouddhiste de Salzbourg fondée par Friedrich Fenzl (1932-2014). Il a aussi contribué à la fondation des Associations bouddhiques en Hongrie (1964), à Munich (1965), en Grande-Bretagne (1976), en Belgique[1].

Vie privée

Sur le plan privé, Harry Pieper était marié, père de deux enfants, et il menait une vie très simple. Après la guerre de 1939 - 1945, il a essentiellement travaillé comme traducteur, en particulier pour les autorités militaires britanniques et américaines à Berlin[5].

Il est décédé à Berlin le 19 septembre 1976.

Publications

« Namu Amida Butsu »: nembutsu calligraphié par Hônen.

Harry Pieper a édité, dans les années 1950, il a édité la revue Light of Dharma (1951-1954), à partir de laquelle s'est développée la revue Der Kreis Le Cercle »), fondée en 1956 par Hans-Ulrich Rieker et Wilhelm A. Rink, et consacrée à l'Arya Maitreya Mandala.

À partir de 1965 et durant dix ans, il dirige la revue Mahâyâna. Il traduit plusieurs textes bouddhiques de l'anglais vers l'allemand, notamment The True Meaning of Buddhism (1957) de Ryuchi Fujii, ainsi que La foi du Jôdo Shinshû de Kôshô Ôtani (1957)[5].

Conception du bouddhisme

Harry Pieper a constamment mis l'accent sur une pratique incarnée du bouddhisme, ancrée dans l'expérience[2]. Pour lui, le bouddhisme était une affaire du quotidien, pas de grandes paroles et résolutions[5]. Il souligne la nécessité d'une « progression inébranlable » sur le chemin, et met en garde contre une approche purement intellectuelle du bouddhisme, qui en reste à des disputes purement cérébrales, voire académiques[2].

Si l'on s'établit dans la lumière d'Amida comme un « être humain ordinaire », que l'on a la ferme intention de se libérer de la souffrance, et que l'on a l'intuition que cela peut être réalisé avec l'aide du Nembutsu, alors le Shin est une voie facile qui peut être suivie par tout le monde. Elle ne demande pas de pratiques extraordinaires et mène à la paix intérieure dans la vie présente et là la réalisation de l'état de Bouddha après la mort.[2]

Notes et références

  1. « Le Rd Harry Pieper (1907-1978) Pionnier du Jôdo-Shinshû en Europe », sur pitaka.ch (consulté le )
  2. (de) Alexander Schrott, « Vorwort zu den Texten Harry Piepers », sur pitaka.ch (consulté le )
  3. (de) Birgit Zotz, « Achtzig Jahre Ārya Maitreya Maṇḍala - Eine Chronologie », Der Kreis Nr. 270, Oktober 2013, S. 6–21. (V. p. 11) [lire en ligne (page consultée le 21 avril 2021)]
  4. Jean Eracle, « De la Croix au Lotus. Le cheminement intérieur d'un chanoine devenu bonze », dans Bernard Crettaz et Jérôme Ducor (Dir.), De la Croix au Lotus. L'itinéraire spirituel de Jean Eracle, prêtre et bonze, Genève, Musée d'ethnographie, , 229 p., p. 15-140; v. p. 126-128
  5. (de) « Shin-Buddhismus in Deutschland », sur bgjd.de (consulté le )

Bibliographie

  • (en) Jack Austin, « Harry Pieper - Pioneer of Shin Buddhism in Europe. A Personal Tribute. », The Pure Land 2, n° 1, , p. 32-36
  • Jean Eracle, Le Révérend Harry Pieper et la propagation du bouddhisme Shin en Europe, Granges-Marnand (CH), ARCBS, , 52 p. (présentation en ligne)
  • (de) Volker Zotz (contient un chapitre détaillé sur la vie et l’œuvre de Harry Pieper), Die Suche nach einem sozialen Buddhismus. Friedrich Fenzl und Jodo Shinshu, Luxemburg, Kairos Edition, , 92 p. (ISBN 2-959-98296-7)

Voir aussi

Liens externes

  • (de) « Gesammelte Texte von Rev. Harry Pieper 1965–1969 », publiés dans la revue Mahâyâna, sur pitaka.ch/deutsch. [lire en ligne (page consultée le 22 avril 2021)]
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