Hadja Andrée Touré

Andrée Touré, née en 1934, fille d'un médecin militaire français et d'une Guinéenne, est l'épouse d'Ahmed Sékou Touré de 1953 à 1984, année de la mort de ce dernier, et première Première dame de l'histoire de la république de Guinée pendant un quart de siècle. Dans son rôle de Première dame, elle se montre très discrète. Lorsqu'un coup d’État survient quelques jours après la mort de son mari, elle est arrêtée ainsi que son fils, et leurs biens sont confisqués.

Elle reste en prison quatre ans, quitte la Guinée puis revient s'y installer douze ans plus tard.

Biographie

Elle naît en 1934, métisse, fille d'un médecin militaire, Paul Mary du Plantier, et de Kaïssa Kourouma[1]. Elle se voit donner le nom de famille de sa mère, pratique courante pour les « mariages coloniaux ». Son père quitte la Guinée, au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, alors qu'elle est enfant[2]. Elle reste sur place et est élevée à Kankan dans la famille de son oncle, Sinkoun Kaba[1]. Après son certificat d'études obtenu à douze ans en 1946, elle suit des cours du collège des jeunes filles de Conakry, école tenue par des sœurs de Saint-Joseph de Cluny. Elle en sort avec le brevet élémentaire puis devient secrétaire de l'association des femmes de l'Union française.

Chez son oncle Sinkoun Kaba, elle fait la connaissance de Sékou Touré. Celui-ci vient faire à Kankan sa demande officielle de mariage. Un lien existe entre les familles puisque le grand-père maternel de Hadja Andrée a été élevé chez l'almamy Samory Touré. Le mariage est à la fois arrangé par les deux familles comme il est de tradition à l'époque et souhaité par les deux futurs époux[1].

Il est décidé en dépit d'obstacles. Ainsi, l'influente Union des métis d'alors aurait tenté de s'opposer, sans succès. De son côté, Ahmed Sékou Touré, souhaite soumettre son choix au comité directeur de son parti, le Parti démocratique de Guinée, et adresse en même temps un courrier aux militants de l'Union générale des travailleurs d'Afrique noire. Il souhaite également se marier à la cathédrale Sainte-Marie de Conakry, Hadja Andrée étant encore à l'époque catholique, mais il n'arrive pas à convaincre Mgr Michel Bernard, vicaire apostolique de Conakry, de célébrer cette union[1]. Le mariage religieux est alors célébré le , selon les rites musulmans, à la grande mosquée de Kankan en l'absence des époux, comme le permet la pratique musulmane d'alors[1]. Sékou Touré n'en est pas à sa première union. Il s'était marié une première fois en 1944 avec une jeune Guinéenne illettrée, Binetou Touré. Le mariage avait été rompu le , puis il s'était remarié le avec une jeune femme catholique d'origine sénégalaise, Marie N'Daw, qui travaillait comme lui aux Postes, télégraphes et téléphones, de l'administration française, avec, là encore, un divorce prononcé à la fin de l'année 1952[1].

Les mariés s'installent momentanément dans le quartier de Sandervalia, avant de s'établir en 1953 dans la résidence attribuée au maire de Conakry, près de l'hôtel de ville. Ils traversent ensemble la période de l'accès du pays à l'indépendance et des années de l'exercice du pouvoir. Elle ne participe pas à la politique guinéenne, mais cherche à affirmer un rôle social[3]. Elle se convertit à l'islam, se tient à côté de son mari et le représente dans certaines réceptions[4]. Dans les années 1960-1970, elle se rend plusieurs fois en RFA, notamment pour des soins, ce qui prend une certaine importance dans le cadre du développement des relations diplomatiques entre l'Allemagne de l'Ouest et la Guinée. Le 2 octobre 1970, elle est d'ailleurs présente à Bonn aux côtés de l'ambassadeur Seydou Keita, un parent[5].

De leur union naît, en , leur unique fils prénommé Mohamed Touré. Son mari meurt le . Elle est arrêtée[6], ainsi que son fils, et ses biens sont confisqués[7]. En 1987, elle condamnée à huit ans de travaux forcés, et libérée début . Elle est autorisée à quitter le pays[7],[8]. Elle gagne le Maroc, puis la Côte d'Ivoire et le Sénégal, et revient en Guinée en 2000[3]. Elle s'attache dès lors à défendre le bilan de son défunt mari, le rôle de celui-ci dans l'établissement de l'État guinéen, ses choix politiques, oubliant par contre qu'il s'était aussi octroyé le droit de vie et de mort sur ses compatriotes, à l'image de l'ancienne secrétaire d'État Loffo Camara, qu'elle a connu personnellement et qui a été exécutée[9]. Son fils Mohamed Touré devient le secrétaire général du parti fondé par son père, le Parti démocratique de Guinée[10].

Références

  1. Lewin 2010.
  2. Saliou Camara, O'Toole et Baker 2013, p. 289.
  3. Walfadjri 2010, Séneweb.
  4. Saabie 2008, p. 39.
  5. André Lewin, « La Guinée et les deux Allemagnes », Guerres mondiales et conflits contemporains, 2003/2 (n° 210), p. 77-99.
  6. Juompan-Yakam 2012, Jeune Afrique.
  7. LM 1987, Le Monde.
  8. LM 1988, Le Monde.
  9. Saabie 2008, p. 40-44.
  10. Silver Konan 2012, Jeune Afrique.

Bibliographie

  • Rédaction LM, « Guinée. Plusieurs dizaines de condamnations à mort parmi les proches de Sekou Touré », Le Monde, (lire en ligne).
  • Rédaction LM, « Guinée. La veuve de Sekou Touré est libre de quitter le pays », Le Monde, (lire en ligne).
  • Adjo Saabie, Épouses et concubines de chefs d’États africains. Quand Cendrillon épouse Barbe-Bleue, Éditions L'Harmattan, , « Première partie. Les mères de la patrie ».
  • André Lewin, Ahmed Sékou Touré (1922-1984). Président de la Guinée de 1958 à 1984., Éditions L'Harmattan, , « Chapitre 15. 18 juin 1953 Sékou Touré se marie »
  • Walfadjri, « Hadja André Touré ( Veuve de l'ancien président guinéen Ahmed Sékou Touré) : Il n’y a pas d'Etat en Guinée, car tout a été détruit », Sénéweb, (lire en ligne).
  • André Silver Konan, « Guinée : le fils de Sékou Touré appelle pouvoir et opposition à renouer le dialogue », Jeune Afrique, (lire en ligne).
  • Clarisse Juompan-Yakam, « Que sont devenues les veuves des anciens présidents africains ? », Jeune Afrique, (lire en ligne).
  • (en) Mohamed Saliou Camara, Thomas O'Toole et Janice E. Baker, Historical Dictionary of Guinea, Scarecrow Press, (lire en ligne), « Touré, Hajja Andrée », p. 289.
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