Hôtel de Matignon

L'hôtel de Matignon, ou simplement hôtel Matignon, situé 57, rue de Varenne, dans le 7e arrondissement de Paris est depuis 1935 la résidence officielle et le lieu de travail du chef du gouvernement français. Il s'agit d'un hôtel particulier du XVIIIe siècle ayant appartenu à différentes familles aristocratiques, comme les Montmorency ou des notables comme Talleyrand en 1807, avant d'être confisqué puis acheté par l'État français en 1922.

Pour les articles homonymes, voir Matignon.

Le bâtiment comporte à l'arrière un parc de trois hectares.

Dans le langage courant et souvent désigné ainsi par les médias, « Matignon » désigne, par métonymie, le Premier ministre, ou ses services.

L'actuel hôte de Matignon est Jean Castex, Premier ministre français depuis le .

Ce site est desservi par les stations de métro Rue du Bac et Varenne.

Histoire de l'hôtel de Matignon

L'Hôtel de Matignon vers 1737 selon le plan de Turgot.

L'hôtel particulier a été bâti sur l'ordre de Christian-Louis de Montmorency-Luxembourg, prince de Tingry, qui le commanda à l'architecte Jean Courtonne, en 1722 sur un terrain qu'il avait acheté en 1719. Les travaux s'étant révélés plus coûteux que prévu, le prince de Tingry dut vendre l'hôtel en voie d'achèvement à Jacques III de Goyon (sire de Matignon et de la Roche-Goyon (actuel Fort la Latte), comte de Torigny), dès le . Lors de l'acquisition le nouveau propriétaire retira le marché de travaux à Courtonne, soupçonné d'indélicatesse, mais lui conserva la fonction d'architecte jusque dans les premiers mois de 1724. Lorsque Courtonne fut en définitive supplanté comme architecte par Antoine Mazin, le gros-œuvre et la décoration extérieure étaient achevés et la décoration intérieure était en cours ; Mazin se borna à réaliser le portail, dont Courtonne se plaignit d'ailleurs au motif que son couronnement était trop semblable à celui de l'hôtel.

Du XVIIIe siècle au milieu du XIXe siècle

Jacques III de Goyon-Matignon mort le , son fils Jacques IV de Goyon-Matignon (1689-1751) hérite de l'hôtel.

Par l'intermédiaire de sa femme Louise-Hippolyte Grimaldi, il devient prince de Monaco sous le nom de Jacques Ier Grimaldi, et l'édifice passe donc ensuite à ses descendants, les princes de Monaco (l'actuel prince de Monaco, Albert II, porte pour cette raison, parmi ses nombreux titres, celui de sire de Matignon).

L’hôtel de Matignon fût donc nommé ainsi en mémoire du lieu de naissance des seigneurs de Matignon, commune dans les Côtes-d’Armor. Un hôtel de cette commune porte également le nom de « hôtel de Matignon ».

Maria Caterina Brignole Sale, princesse de Monaco, y réside de 1757 à 1770, tandis que son époux Honoré III de Monaco préfère ses domaines normands; la princesse est ainsi la première Brignole-Sale à marquer l'histoire de l'hôtel.

Le Claude-Constant Juvénal d'Harville des Ursins épouse Antoinette de Goyon-Matignon dans la chapelle de l'hôtel, aujourd'hui disparue. L’hôtel passa ensuite à la famille des marquis de Grave, à la suite de leur union avec la famille de Goyon-Matignon.

À la Révolution, Honoré III de Monaco reste à Paris. Sa principauté de Monaco est annexée en par la République française et son hôtel est placé sous séquestre. Arrêté en , il est emprisonné jusqu'en et, fatigué par sa détention, meurt en son hôtel le .

Son fils aîné, Honoré IV, prince de Monaco vend l'hôtel en 1804 au banquier Quintin Craufurd (en) (également orthographié Quentin Crawford) et à son amante la danseuse Anne Éléonore Franchi, elle-même maîtresse du Comte de Fersen[1].

En 1807 ceux-ci l'échangèrent avec Talleyrand, qui, après y avoir organisé sous l'Empire de grandes fêtes en l'honneur d'ambassadeurs étrangers[2], ainsi que des réceptions retentissantes par leur luxe, doit le revendre en 1811 à Napoléon Ier.

En 1816, au début de la Restauration, Louis XVIII l'échange contre le palais de l'Élysée avec Bathilde d'Orléans, duchesse de Bourbon[2].

À sa mort en 1822, cette dernière le laisse à sa nièce Adélaïde d'Orléans (1777-1847), sœur du futur Louis-Philippe, qui le fait occuper par une communauté de religieuses avant de le louer de 1838 à 1848 à Herman Thorn, un riche colonel américain qui affectera, au fond du Parc de l'Hôtel, le "Petit Trianon" à des offices religieux épiscopaliens. À son décès, Adélaïde d'Orléans le transmet à son neveu, Antoine d'Orléans, duc de Montpensier.

Loué par le duc de Montpensier à l'État, Matignon devient la résidence du général Cavaignac de juillet à décembre 1848 puis celle de Pierre Jules Baroche, ministre président le Conseil d'État en 1852.

L'hôtel Galliera

Le prince Jacques Ier de Monaco, l'un des premiers propriétaires de l'hôtel Matignon.

En 1852, Antoine d'Orléans, duc de Montpensier vend à Raffaele de Ferrari, duc de Galliera l'hôtel, qui prend alors le nom d'hôtel Galliera. Il est alors remanié par l'architecte Félix Duban[2].

Après la mort du duc, prince de Lucedio, en 1876, sa veuve Maria de Brignole-Sale, duchesse de Galliera et arrière-petite-nièce de la princesse de Monaco, issue d'une des premières familles de Gênes qui a donné de nombreux doges, y réside seule jusqu'en 1886, entourée de quelque deux cents domestiques.

Elle accueille gracieusement le comte de Paris, neveu d'Antoine d'Orléans et prétendant au trône de France, avec sa famille, au rez-de-chaussée de l'hôtel, tandis que son fils réside dans une aile et qu'elle-même se réserve l'usage du premier étage et du parc.

Durant ces dix années de veuvage, la richissime duchesse fera preuve d'une générosité qui lui fera mériter le titre de grande philanthrope, finançant écoles, hôpitaux, musées, maisons de retraites et œuvres pieuses et de charité tant en France que dans sa ville natale.

En 1886, le comte de Paris y demeurant avec sa famille, y organise le une somptueuse fête en l'honneur des fiançailles de sa fille aînée, la princesse Amélie d'Orléans, avec le prince héritier dom Charles de Portugal, réception strictement privée où ni le Corps diplomatique, ni les représentants du Pouvoir républicain n'ont été invités.

Cependant, l'événement donne lieu à un énorme battage médiatique de la presse royaliste qui scandalise les républicains. Peu de temps après, des députés présentent un nouveau projet de loi d'exil devant la Chambre et celui-ci reçoit, cette fois, le soutien du gouvernement. Le , après bien des débats, paraît une nouvelle loi d'exil qui touche les prétendants au trône et leur fils aîné en les obligeant à quitter le territoire national, ainsi que tous les autres princes français en les rayant des listes de l'armée.

Averti des résultats du vote alors qu'il se trouve au château d'Eu, le comte de Paris prend la décision de quitter immédiatement la France.

Après le vote de la loi d'exil, la duchesse de Galliera offrit son hôtel gracieusement à l'empereur d'Autriche-Hongrie, François-Joseph, pour en faire son ambassade après sa mort ; mais la duchesse, humiliée par l'ingratitude du gouvernement, décide de quitter la France et de léguer ses collections artistiques, non pas à la Ville de Paris comme elle l'avait envisagé, mais à celle de Gênes[3].

Pendant l'exposition universelle de 1900, le compositeur et chef d'orchestre autrichien Gustav Mahler donna des concerts au Trocadéro et au Châtelet et séjourne alors à l'hôtel Matignon[4], qui était à l'époque l'ambassade d'Autriche-Hongrie[5].

Résidence du chef du gouvernement

Léon Blum entouré des ministres de son troisième gouvernement dans la salle du conseil en .

Devenu siège de l'ambassade d'Autriche, l'hôtel est mis sous séquestre au lendemain de la Première Guerre mondiale, comme bien ennemi. En 1922, la France finit par l'acheter [5] ; l'hôtel est le siège des tribunaux arbitraux mixtes institués par le traité de Versailles[6].

Par ailleurs l'hôtel et ses dépendances, parc (le plus vaste de Paris) et pavillon de musique situé au fond de celui-ci, sont classés au titre des monuments historiques par un arrêté du [7]. Le pavillon, datant du XVIIIe siècle, est un petit bâtiment comportant trois chambres, une salle à manger, un salon ovale orné de boiseries et un autre salon ; il accueille des réunions et des dîners officiels[8].

Après avoir songé à en faire un musée, puis des maisons d'habitation, Gaston Doumergue, ancien président de la République appelé à la présidence du Conseil, décide d'en faire la résidence du président du Conseil des ministres, décision qui ne sera rendue effective que par une loi adoptée sous son successeur Pierre-Étienne Flandin en .

Le livre L'Hôtel de Matignon (2018) indique pour sa part que cette décision fut effective seulement en 1936, rejoignant la volonté de Léon Blum de moderniser l'exécutif. Jusque là, le chef du gouvernement n'avait pas de siège fixe, puisque ce titre accompagnait un autre portefeuille ministériel, dont le bâtiment abritait donc de façon temporaire les services du président du Conseil[9].

Le , à la Libération de Paris, seul avec sa future femme Claire, Yvon Morandat prend possession de l'hôtel Matignon au nom du Gouvernement provisoire.

À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, le général de Gaulle s'installe à Matignon où il préside, le , le premier Conseil des ministres parisien du Gouvernement provisoire de la République française[10].

Avec la Ve République, l'hôtel demeure la résidence officielle du chef du gouvernement, même si le titre de président du Conseil des ministres est remplacé par celui de Premier ministre.

Après la mairie de Paris en 2006 et le palais de l'Élysée en 2013, dans un contexte de réduction des budgets et de sobriété, les services du Premier ministre mettent en vente 10 % de ses caves, soit 1 400 bouteilles possédant un macaron à l'effigie de l'hôtel de Matignon. La vente a lieu le et est organisée par la maison Cornette de Saint-Cyr. Matignon entend désormais ne servir que des deuxièmes crus aux dîners officiels[11].

Parc

Le parc de l'hôtel Matignon.

Structure et accès

L'hôtel comporte à l'arrière un parc de trois hectares, dessiné en 1902 par Achille Duchêne, qui est le plus grand espace vert privé de Paris avant ceux du palais de l'Élysée et celui - public - de l'hôtel Biron (musée Rodin); il allie perspective « à la française » et plantation « à l'anglaise ».

En , il fut ouvert au public le premier samedi de chaque mois, l'accès se faisant depuis une entrée annexe située 36 rue de Babylone, mais cette ouverture a été annulée par la suite à cause du plan Vigipirate à l'instar de l'ouverture au public du palais de l’Élysée[12].

Espèces

On y trouve une centaine d'espèces différentes. Le parc compte plusieurs autres éléments remarquables :

  • une statue de Pomone du XVIIIe siècle, située à l'extrémité d'une allée de 111 tilleuls, taillés en marquise ;
  • une glacière du XVIIIe siècle ; cette glacière permettait de conserver la glace récoltée pendant l'hiver.

Depuis Raymond Barre, qui a planté un érable à sucre, chaque chef du gouvernement, à l'exception de Jacques Chirac, y a planté un arbre. La plante d'un arbre par les Premiers ministres français est devenue une tradition de la vie politique française.

Notes et références

  1. Jacques de Lacretelle, Talleyrand, Hachette, , p. 213
  2. Panneau Histoire de Paris devant l'hôtel de Matignon.
  3. cf. La famille Brignole-Sale
  4. (en) Guy Hartopp, Paris, a Concise Musical History, Vernon Press, (ISBN 978-1-62273-625-6, lire en ligne)
  5. Irmgard Roux, Les relations commerciales de l'Autriche avec les PECO, un siècle de partenariat privilégié ou l'effet Habsbourg, Tectum Verlag DE, 2001, [lire en ligne], p. 16
  6. Recueil des décisions des tribunaux arbitraux mixtes, Librairie de la société du recueil Sirey, Paris, 1922, p. 4.
  7. Notice no PA00088722, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  8. « Les rencontres secrètes du pavillon de musique », leparisien.fr, 16 juin 2002.
  9. « Chez le Premier ministre », L'Histoire no 454, décembre 2018, p. 82-83.
  10. « « Une plaque pour De Gaulle à Matignon », in leJDD.fr, 16 juin 2009.
  11. Romy Ducoulombier, « L'hôtel de Matignon liquide ses grands crus », in Le Figaro, encart « Culture », jeudi 28 novembre 2013, page 29.
  12. « Ouverture au public du jardin de l’Elysée : annulation pour cause de plan vigipirate » (consulté le )

Bibliographie

  • Christian Albenque, David Bellamy, Monique Mosser, Alain-Charles Perrot et Gérald Rémy, L'Hôtel de Matignon, 2018, Paris, La Documentation française, un volume in 4°, 275 p. (ISBN 978 2 11 145265 7) .

Annexe

Articles connexes

Liens externes

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