Grotte de Shum Laka

La Grotte de Shum Laka, au Cameroun, a été occupée par des populations humaines durant des millénaires. Le site est inscrit sur la liste indicatif du Cameroun pour le patrimoine mondial de l’Unesco.

Géographie

À 15 km de Bamenda, ce grand abri sous roche de 1 200 m2 est situé à 1 500 m d’altitude sur une montagne de 1 969 m. On y trouve des industries lithiques, des restes de faune et de flore, et de la céramique. Le site est non perturbé.

Les fragments retrouvés représentent des espèces typiques de la forêt alors qu’aujourd’hui c’est un milieu de savane.

Historique

La grotte de Shum Laka fut une découverte archéologique majeure des années 1980-1990[1].

Dans les années 1990, l’équipe de Pierre de Maret, de l’université libre de Bruxelles, découvrait 18 fossiles humains dans la grotte de Shum Laka, au Cameroun. Bien plus tard, ces chercheurs se sont rendu compte que cette grotte, située au frais derrière une chute d’eau et à 1 600 mètres d’altitude, pouvait avoir rendu possible quelque chose de presque impossible : la conservation, sous un climat tropical humide, d’ADN ancien. Ils ont alors invité des généticiens de l’université Harvard à en rechercher dans les squelettes de Shum Laka[2].

Les fouilles entreprises dans cette grotte (ainsi qu'à Fiye Nkwi et Mbi Crater) dans les années 1990 ont mis au jour des données s’étendant sur une période exceptionnelle.

Archéologie

De nombreux fragments de poteries récoltés, des pierres taillées (en quartz, rhyolite, trachyte, tuff) témoignent d’une tradition allant de l’industrie microlithique à la confection d’outils macrolithiques et de pierre polie.

À côté des ossements provenant d'une quarantaine d'espèces d'animaux. Les os d’antilopes et de buffles côtoient ceux de singes, de chimpanzés et de gorilles.

On a pu ainsi déterminer le régime alimentaire et le mode de vie de ces populations qui peuplaient les Grassfields[1]. Des ossements de neuf ensembles funéraires et de dix-huit squelettes humains ont été excavés.

L’occupation humaine du site remonte à 32 000 ans. Les 18 squelettes datent de 8 000 à 3 000 ans, ce qui en fait les plus anciens ossements humains de la sous-région. Ces squelettes, certains en connexion anatomique, étaient enterrés en position fœtale[1].

C’est le seul site en Afrique centrale où on voit l’évolution de l’homme de l’âge de la pierre à l’âge des métaux. On y trouve des anciennes pratiques funéraires, par exemple des corps enterrés dos à dos et en position contractée. La préservation de tous les matériaux est assurée.

Génétique

Une étude génétique publiée en 2020 a séquencé le génome de quatre individus, des enfants âgés entre 4 et 15 ans dont deux sont datés d'environ 8 000 ans et les deux autres d'environ 3 000 ans. Les deux plus anciens sont de l'haplogroupe mitochondrial L0a largement présent en Afrique du Sud-Est aujourd'hui, les deux plus récents sont de l'haplogroupe L1c trouvé actuellement principalement dans les populations de fermiers ou de chasseurs-cueilleurs d'Afrique de l'Ouest et du centre[3].

Un des enfants, 2/SEII[3], est porteur d'un chromosome Y de l'haplogroupe A00 d'origine très ancienne et toujours présent chez les Mbo et les Bangwa (dans le nord du Cameroun) et leurs descendants[4]. Les quatre individus  y compris les plus jeunes  présentent un profil génétique plus proche de celui des chasseurs-cueilleurs (comme les Baka ou les Aka) que des populations bantoues actuelles. Pourtant la grotte est située non loin du foyer originel présumé des langues bantoues, qui ont connu une forte expansion territoriale il y a environ 5 000 ans.

Le modèle phylogénétique incluant les données issues de cette grotte (et de celle de Mota en Éthiopie) suggère que la diversité génétique humaine actuelle s'est construite à partir de trois grands évènements radiatifs en Afrique :

  • le plus ancien conduit au rayonnement, il y a 250 000 à 200 000 ans, de quatre grandes lignées humaines que sont celles des populations de chasseurs-cueilleurs d'Afrique australe (Khoïsan) et centrale (pygmées) mais aussi de deux lignées se recroisant chez les Africains de l'Ouest actuels et chez les chasseurs-cueilleurs de l'Est africain (grotte de Mota, Hadza et Sandawe) ; noter que la lignée ouest-africaine récente garde aussi la trace d'une lignée plus archaïque (haplogroupe A00) ce qui est cohérent avec la persistance dans la région de quelques traits archaïques (anatomiques et culturels), il y a notamment 12 000 ans au Nigeria ;
  • un rayonnement, il y a 80 000 à 60 000 ans, entre Éthiopiens, Africains de l'Est et de l'Ouest, peu avant la divergence entre Africains de l'Est et non-Africains ; cette dernière ramification est cohérente avec la diversification de l'haplogroupe L3 de l'ADN mitochondrial, qui a probablement son origine en Afrique de l'Est il y a quelques 70 000 ans, et potentiellement avec l'origine du clade CT du chromosome Y ;
  • enfin un rayonnement plus récent conduisant aux populations de l'Afrique de l'Ouest dont les Bantous.

Cette étude confirme en particulier que la diversité génétique humaine n'a pas suivi un modèle strictement arborescent (divergent), mais que des rebouclages entre lignées (y compris archaïques) peuvent être identifiés.

Protection

Le site, unique pour sa valeur archéologique, est par ailleurs un lieu sacré pour la population locale, ce qui en assure la protection.

Notes et références

  1. Olivier Testa, Shum Laka, un site préhistorique majeur en Afrique centrale, futura-sciences.com, 7 avril 2011
  2. François Savatier, Des indices sur le passé des populations africaines, Pour la Science, 24 février 2020.
  3. Mark Lipson et al., Ancient West African foragers in the context of African population history, Nature, 22 janvier 2020
  4. Michael F. Hammer, Genetic evidence for archaic admixture in Africa, 2011. doi:10.1073/pnas.1109300108

Voir aussi

Liens externes

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