Grammaire linéaire

En informatique théorique, et notamment en théorie des langages, on appelle grammaire linéaire une grammaire algébrique dont tous les membres droits de règles contiennent au plus un symbole non terminal. Un langage linéaire est un langage qui est engendré par une grammaire linéaire. Les langages rationnels sont une sous-famille stricte des langages linéaires. Les langages linéaires sont une sous-famille stricte des langages algébriques.

Exemple

La grammaire formée des deux règles suivantes

est linéaire. En effet, les parties droites sont ne contient que le symbole S et ne contient pas de symboles. Le langage engendré est

qui est donc un langage linéaire non rationnel (comme on peut le voir en utilisant le lemme de l'étoile).

Rapport avec les grammaires rationnelles

Deux cas particuliers des grammaires linéaires sont les suivantes:

  • les grammaires linéaires gauches, aussi appelés grammaires rationnelles gauches, sont les grammaires où le non-terminal, dans le membre droit d'une règle, se trouve au début (le plus à gauche).
  • les grammaires linéaires droites, aussi appelés grammaires rationnelles droites, sont les grammaires où le non-terminal, dans le membre droit d'une règle, se trouvent à la fin (le plus à droite) .

Ces grammaires unilatérales, ou grammaires régulières, engendrent des langages rationnels.

En revanche, les grammaires où les non-terminaux se trouvent soit au début, soit à la fin du mot, c'est-à-dire telles que, dans une règle de la forme:

on a ou , sont simplement une sorte de forme normale des grammaires linéaires, et permettent d'engendrer toute la famille. En effet, une règle de la forme

se remplace simplement par

.

Propriétés de clôture

La famille des langages linéaires est fermée par les opérations suivantes:

  • intersection avec un langage rationnel
  • image homomorphe
  • image homomorphe inverse

De manière équivalente, elle est fermée par transduction rationnelle, et elle constitue donc un cône rationnel (full trio en anglais).

De plus, les langages linéaires son fermés par union. En revanche, le produit de deux langages linéaires n'est pas nécessairement un langage linéaire, ni le complément.

Lemme d'itération pour les langages linéaires

Le lemme d'itération pour les langages algébriques admet une forme plus précise pour les langages linéaires:

Lemme d'itération pour les langages linéaires  Soit un langage linéaire. Il existe un entier tel que tout mot de de longueur possède une factorisation telle que

  1. ,
  2. et
  3. pour tout entier .

Ainsi, le couple de la paire itérante peut être choisie près du « bord » du mot.

Exemple d'application

Soit . Ce langage est le produit de deux langages linéaires, mais n'est lui-même pas linéaire. Supposons le contraire, et soit la constante du lemme d'itération. Soit . Il existe une factorisation est composé uniquement de lettres et uniquement de lettres . Mais alors, le mot a plus de que de ou plus de que de (ou les deux), donc n'est pas dans .

Extensions

Langages métalinéaires

On appelle métalinéaire un langage qui est une union finie de produits finis de langages linéaires. Le langage est métalinéaire.

Les langages métalinéaires forment un cône rationnel. En revanche, les langages métalinéaires ne sont pas fermés par l'opération étoile, ni par complément.

Un raffinement de cette classe est constitué par ce que l'on appelle les grammaires et langages -linéaires, où est un entier positif. Une grammaire d'axiome est -linéaire si toutes les règles sont de la forme

ou

et sont des variables autres que , et des mots terminaux, et de plus, il y a une règle est un produit d'au plus variables et et sont des mots terminaux. Un langage est -linéaire s'il est engendré par une grammaire -linéaire.

Les langages -linéaires sont les langages linéaires, les langages -linéaires sont tous métalinéaires, et on peut montrer[1],[2] que les langages métalinéaires sont la réunion des langages -linéaires pour .

Langages quasi-rationnels

Les langages quasi-rationnels sont la fermeture, par substitution, des langages linéaires. Ces langages sont exactement les langages non expansifs.

Soient et deux alphabets. Un substitution de dans est un morphisme du monoïde libre dans le monoïde des parties de , donc une application vérifiant les deux conditions suivantes:

  • pour tous les mots de .

Dans le membre droit de la deuxième formule, le produit est le produit des parties de . Une substitution est rationnelle, algébrique, linéaire, etc., si les langages sont rationnels, algébriques, linéaires, etc pour toute lettre de . Dire que les langages quasi-rationnels sont la fermeture, par substitution, des langages linéaires revient à dire que cette famille contient les langages linéaires et est fermée par substitution linéaire.

Une grammaire algébrique est dite expansive s'il existe une variable pour laquelle il existe une dérivation de la forme

pour des mots . Dans cette définition, on suppose que est une variable utile, c'est-à-dire qu'il existe une dérivation pour des mots , et qu'il existe un mot tel que . Par exemple, la grammaire

qui engendre le langage de Dyck est expansive. Un langage est dit expansif si toutes les grammaires qui l'engendrent sont expansives. Le langage de Dyck est expansif.

Langages commutatifs

Pour vérifier qu'un langage est expansif, on peut parfois se servir du théorème de Kortelainen cité ci-dessous. Deux mots et sont commutativement équivalents si chaque lettre apparaît autant de fois dans que dans , en d'autres termes si et sont des anagrammes. Un langage est commutatif s'il est fermé pour la relation d'équivalence commutative, c'est-à-dire si et sont commutativement équivalents et si est dans , alors est dans . Par exemple, le langage sur composé des mots qui ont autant de que de est commutatif.

Théorème (Kortelainen)  Un langage quasi-rationnel commutatif est rationnel.

Comme conséquence, le langage n'est pas quasi-rationnel, donc il est expansif.

Notes et références

Notes

  1. Salomaa 1973.
  2. Voir aussi les langages k-linéaires sur planetmath.

Bibliographie

  • Jean-Michel Autebert, Jean Berstel et Luc Boasson, « Context-free languages and pushdown automata », dans G. Rozenberg, A. Salomaa (éditeurs), Handbook of Formal Languages, vol. 1 : Word, Language, Grammar, Springer Verlag, (ISBN 978-3540604204)
  • Juha Kortelainen, « Every commutative quasirational language is regular », RAIRO Inform. Théor. Appl., vol. 20, no 3, , p. 319--337

Voir aussi

  • Portail de l'informatique théorique
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