Galehaut
Galehaut, seigneur des Îles Lointaines, fils de la Belle Géante (la reine des Tuatha Dé Danann en Irlande selon Barjavel[1]) et lui-même de très grande taille, fait partie des chevaliers de la Table ronde.
Dans le Tristan en prose (ou Roman de Tristan en prose), Galehaut est donné pour fils de Brunor.
Dans le Lancelot propre, il apparaît d'abord comme un envahisseur, vaincu en combat singulier par le personnage éponyme, pour lequel il éprouve aussitôt une amitié passionnée.
Même s’il est anachronique d’appliquer à cette histoire les paradigmes de notre époque, et de parler d’amour homosexuel à propos de la relation entre Lancelot et Galehaut, il n’en reste pas moins que l’histoire de ce dernier est marquée par la passion que lui inspire le célèbre chevalier. On a ainsi pu mettre en évidence un double « triangle » de relations amoureuses à l’intérieur du roman de Lancelot. Le plus évident est celui dont les trois sommets sont occupés par Lancelot, le roi Arthur et la reine Guenièvre ; mais il en existe un second formé par Galehaut, Guenièvre et Lancelot. Ou, pour le dire autrement, de même que l’on peut concevoir une compétition pour Guenièvre entre Lancelot et Arthur, de même Guenièvre et Galehaut sont en compétition pour l’amour de Lancelot. Mais si Guenièvre – après bien des péripéties – se donne à Lancelot, ce que fait ce dernier pour Galehaut n'est jamais dit clairement. Peut-être la relation entre les deux hommes reste-t-elle spirituelle et n'ont-ils jamais de rapports physiques, même si Galehaut « donne son corps » à Lancelot, ainsi que tout ce qu'il possède sur terre, c'est-à-dire – en apparence – infiniment plus qu’il n'en reçoit : « [Galehaut] avait donné à Lancelot tout ce qu’un homme peut donner, c’est-à-dire son corps, son cœur et son honneur, qui vaut plus que tout le reste. Il lui avait donné son corps, puisqu’il préférait sa propre mort à celle de Lancelot; son cœur, puisqu’il ne pouvait avoir aucune joie sans lui; et il lui sacrifia un si grand honneur qu’il alla crier merci au roi Arthur, alors même qu’il l’avait mis en déroute et bien près d’être chassé de son royaume. » (La Fausse Guenièvre, version de François Mosès, Livre de Poche, 1998, p. 61, 63).
Se sacrifiant sans cesse pour le bonheur de son ami, Galehaut favorise les rencontres entre Lancelot et Guenièvre. Il défend la reine, gravement menacée lors de l'affaire de la fausse Guenièvre, et lui donne asile dans son royaume. Il accepte même de passer pour l'amant de la dame de Malehaut, afin de rétablir un équilibre de façade aux yeux du monde. À la fin de la partie du roman qui porte son nom, Galehaut meurt de douleur, croyant que Lancelot était mort. Ce dernier tombe malade en apprenant la mort de son ami, mais lui n'en mourra pas.
Tout au contraire, retrouvant ses forces, il conquiert de haute lutte le corps de Galehaut (ce corps que Galehaut lui avait donné) et le fait inhumer à la Joyeuse-Garde, dans un tombeau somptueux. Au terme de l'immense cycle romanesque dont il est le personnage central, ayant achevé ses aventures et accompli son destin terrestre, Lancelot sera inhumé auprès de Galehaut, comme il est raconté à la fin de La Mort du roi Arthur, dernière partie du Lancelot-Graal. L'aventure amoureuse avec la reine Guenièvre s'est achevée avant même la fin de leur vie terrestre, alors que le lien contracté avec Galehaut est destiné à durer pour l'éternité. L'épitaphe des deux co-gisants, résumé lapidaire de leur vie et de leurs rapports, évoque en outre le fils de Lancelot, héros final du cycle, comme s'il y avait entre celui-ci et Galehaut des rapports secrets que révélerait aussi la similitude de leurs noms, comme si peut-être Galaad était autant le fils de Galehaut qu'il est celui de Lancelot : « Ci-gît Galehaut, seigneur des Îles lointaines, et avec lui repose Lancelot du Lac, le meilleur chevalier jamais entré au royaume de Logres, à la seule exception de Galaad son fils. »
C'est à son rôle d'intermédiaire – voire d'entremetteur – entre Guenièvre et Lancelot, que Galehaut doit d'être mentionné par Dante dans un passage célèbre de la Divine Comédie (Enfer, chant V, vers 137).
Notes et références
- René Barjavel, L'Enchanteur, 1984
Bibliographie
- The vulgate version of the Arthurian romances edited from manuscripts in the British Museum by H. Oskar Sommer. Washington: The Carnegie Institution. Vol. I, Lestoire del Saint Graal (1909). Vol. II, Lestoire de Merlin (1908). Vol. III-V, Le Livre de Lancelot del Lac (1910-1912). Vol. VI, Les aventures ou la queste del Saint Graal. La mort le roi Artus (1913). Vol. VII, Supplement: Le livre d'Artus, with glossary (1913). Vol. VIII, Index of names and places to volumes I-VII (1916).
- Lancelot, roman en prose du XIIIe siècle, édité par Alexandre Micha, 9 volumes. Genève: Droz, 1978-1983 (l'ordre des volumes ne suit pas l'ordre de l'œuvre, qui débute au tome VII). Tome I. Du second voyage en Sorelois à la mort de Galehaut (1978). Tome II. De la Charrette à l’Agravain (1978). Tome III. Du second voyage en Sorelois à l’Agravain, versions courtes (1979). Tome IV. D’une aventure d’Agravain jusqu’à la fin de la quête de Lancelot par Gauvain et ses compagnons (1979). Tome V. De la quête d’Hector par Lancelot au retour de Gauvain et de ses compagnons à la cour (1980). Tome VI. Du retour de Gauvain et de ses compagnons à la cour de Pentecôte jusqu’à la fin du roman (1980). Tome VII. Du début du roman jusqu’à la capture de Lancelot par la Dame de Malehaut (1980). Tome VIII. De la guerre de Galehaut contre Arthur au second voyage en Sorelois (1982). Tome IX. Index des noms propres et des anonymes. Index des thèmes, des motifs et des situations. Glossaire. Notes complémentaires. Errata (1983). Alexandre Micha a aussi publié une version abrégée de l'œuvre mise en français moderne: Lancelot. Roman du XIIIe siècle. Paris: Union générale d'éditions, collection 10/18, série "Bibliothèque médiévale", 2 volumes (1983-1984).
- Lancelot du Lac, roman français du XIIIe siècle, édition de François Mosès et al., encore incomplète (5 volumes parus: Paris, Librairie générale française, Le Livre de Poche, collection "Lettres gothiques" dirigée par Michel Zink). Tome I. Lancelot du Lac, roman français du XIIIe siècle. Texte présenté, traduit et annoté par François Mosès, d’après l’édition d’Elspeth Kennedy (1991). Tome II. Lancelot du Lac, roman français du XIIIe siècle. Texte présenté, traduit et annoté par Marie-Luce Chênerie, d’après l’édition d’Elspeth Kennedy (1993). Tome III. La Fausse Guenièvre. Texte présenté, traduit et annoté par François Mosès, avec, pour l’établissement du texte, la collaboration de Lætitia Le Guay (1998). Tome IV. Le Val des amants infidèles. Texte établi par Yvan G. Lepage, traduit et présenté par Marie-Louise Ollier (2002). Tome V. L’Enlèvement de Guenièvre. Texte établi par Yvan G. Lepage, traduit et présenté par Marie-Louise Ollier (1999).
- La Mort du roi Arthur. Texte établi, traduit et présenté par Emmanuèle Baumgartner et Marie-Thérèse de Medeiros. Paris: Champion classiques, série "Moyen Âge" (2007). Autre édition : texte édité, traduit et présenté par David F. Hult. Paris: Librairie générale française, Le Livre de Poche, collection "Lettres gothiques" (2009).
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