François Richer d'Aube

Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel, volume XIII, page 1191.

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François Richer d’Aube, né à Alençon le et mort à Paris le , est un jurisconsulte français.

Biographie

François Richer, dit parfois François d'Aube, était le neveu, à la mode de Bretagne, de Fontenelle. Sa mère, Marie le Bouyer de Fontenelle, qui épousa son père Alexandre-François Richer conseiller au parlement de Normandie, était en effet la cousine germaine du philosophe. Célibataire et sans enfants, celui-ci, alors sexagénaire, s'attacha à ce parent qu'il présenta au Régent, Philippe duc d’Orléans. Il obtint pour lui une charge de conseiller-maitre des requêtes au parlement de Rouen puis, en 1721, l'intendance de la généralité de Caen[1]. Richer y fut insulté dans une émeute provoquée par la hausse du prix du pain : son carrosse fut brisé et lui-même n’échappa qu’avec peine à la fureur de la populace. II passa en 1722 à l’intendance de la généralité de Soissons où il ne réussit guère mieux qu’à Caen.

II s'établit plus tard à Paris où Fontenelle l'accueillit à demeure dans son hôtel particulier de la rue Saint-Honoré. « Les relations des deux hommes ont défrayé les satires et les conversations du XVIIIe siècle. Ils étaient inséparables ; ils se complétaient admirablement l'un l'autre ; le neveu taquinait et contrariait sans cesse et l'oncle ripostait, mais toujours avec un sang-froid qui mettait d'Aube hors de lui. A part cela, d'Aube avait pour Fontenelle la plus affectueuse amitié. C'est dans les douze premières années du séjour chez Fontenelle que Richer composa son Essai sur les Principes du Droit et de la Morale, qu'il fit imprimer en 1743 [..].» (P. Larousse). Pierre-Joseph Odolant-Desnos dit de lui qu'il avait « de l’esprit et des connaissances […]. mais c’était un tour d’esprit tout différent de celui de son oncle, à qui il ressemblait encore moins par le caractère. II était haut, dur, colère, contrariant et pédant ; bon homme néanmoins, officieux même et généreux »[2]. Il est de fait que Richer s’était acquis une certaine célébrité par son ardeur pour la discussion. Cet homme d’esprit n'en fut pas moins un jurisconsulte compétent et laborieux. Mais il aurait sans doute été oublié sans ces vers de Rulhière :

Auriez-vous, par hasard, connu feu monsieur d’Aube,
Qu’une ardeur de dispute éveillait avant l’aube 
 […]
Que la bonté divine, arbitre de son sort
Lui donne le repos que nous rendit sa mort,
Si du moins il s'est tu devant ce grand arbitre.

Ces traits de caractère ont vraisemblablement nui à la réputation en France de son volumineux Essai sur les principes du droit et de la morale, l'un des rares ouvrages de synthèse du droit naturel et du droit des gens, publiés en langue française avant que ne paraissent les deux traités de Burlamaqui.

Pour le sénéchal conservateur Réal de Curban " ses raisonnements ne sont pas toujours justes, et […] ses principes sont presque tous faux" ; pour Dreux du Radier, Richer n'aurait été « ni assez savant ni assez profond pour un pareil ouvrage ».

Le livre eut davantage de succès hors de l'hexagone ; il sera même traduit en allemand en 1750 à Francfort. Le savant Dietrich-Heinrich Ludwig von Ompteda le jugera « assez bon et complet » et Samuel Formey rendra justice à Richer "pour avoir tenté de frayer de nouvelles routes […] après la publication des grands traités de Grotius et de Pufendorf" .

Il faudra cependant attendre plus d'un siècle et Pierre Larousse pour qu'on publie en France une appréciation publique positive de Richer et de son Essai :

« [...] Quoique écrit d'une manière qui contraste aussi avec le style toujours agréable et fin de Fontenelle, le livre de Richer d'Aube est par d'autres côtés très remarquable. Il présente un fonds d'idées philosophiques alors très neuves et qu'on retrouve dans la plupart des écrits des économistes de la seconde moitié du XVIIIe siècle, précurseurs de la Révolution française. » —

Le livre contient d''importantes réflexions sur le statut des esclaves et des prisonniers de guerre réduits à cet état (voir les pages 487-9 de la table).

Notes et références

  1. La France législative, ministérielle, judiciaire, et administrative, sous les quatre dynasties, Tome second, p. 156, Paris, 1813 [lire en ligne]
  2. Mémoires historiques sur la ville d’Alençon et sur ses seigneurs, Alençon, J. Z. Malassis le jeune, 1787, p. 612.

Sources bibliogaphiques

  • Édouard Frère, Manuel du bibliographe normand : ou Dictionnaire bibliographique et historique, vol. 2, Rouen, A. Le Brument, , 632 p. (lire en ligne), p. 471.
  • Jean-Yves Grenier, Faut-il rétablir l'esclavage en France ? Droit naturel, économie politique et esclavage au XVIIIe siècle, in Revue d’histoire moderne et contemporaine 2010, tome 57-2, pages 7-49.
  • Franz von Holtzendorff, Introduction au droit des gens : recherches philosophiques, historiques et bibliographiques, Verlagsanstalt und druckerei a.-g., , 524 p. (lire en ligne), p. 389.
  • Claude Carloman de Rulhière, Les jeux de mains : poème inédit en trois chants, …, suivi de Discours sur les disputes, Paris Desenne et Nicolle, 1808, page 27.
  • Jean-Jacques Burlamaqui (Principes du droit naturel, Genève, 1747, et Principes du droit politique, 1751) ; cet auteur cite par ailleurs l'ouvrage de Richer en tête de ses Elémens du droit naturel (Lausanne, 1775).
  • Gaspard de Réal de Curban (1682-1752), La science du gouvernement, 1764, volume VIII, pages 410-412.
  • Jean-François Dreux du Radier, Discours de l'éditeur, page XLVI, in Louis Desbans, Principes naturels du droit et de la politique (1765).
  • Dietrich-Heinrich Ludwig von Ompteda, Literatur des gesamten sowohl natürlichen als positiven Völkerrechts, 1785.
  • Samuel Formey, Principes du droit de la nature… par M. de Wolff, Amsterdam, 1758, Préface, page I.
  • Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel, volume XIII, page 1191.
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