Foires de Lyon

Les foires de Lyon sont une manifestation commerciale lyonnaise de la Renaissance et de l'époque moderne.

Ne doit pas être confondu avec la foire de Lyon, organisation commerciale contemporaine.
Sceau de la ville de Lyon.

Histoire

Création et premières difficultés

Le Lit de justice de Vendôme, par Jean Fouquet (Boccace de Munich, détail, vers 1459-1460), BnF.
Charles VII trône en majesté sous un dais fleurdelisé, au centre de la composition.

Les foires de Lyon sont nées en 1420 quand Charles VII, alors dauphin, accorde à la ville le privilège d'animer deux foires franches par an alors que le Lyonnais n'a rejoint la couronne de France qu'en 1312 tandis que les foires de Champagne sont animées depuis le XIIe siècle. Pour en assurer la pleine réussite, il accorde aux marchands français et étrangers les mêmes privilèges que ceux accordés aux foires de Champagne et de Brie. Ces avantages sont « le sauf-conduit pour eux et leurs marchandises, l'exemption des droits d'aubaine, de marque[Quoi ?] et de représailles ». Perpétuellement maintenus, ces privilèges n'ont été levés que deux fois, pour les Anglais sous Louis XI et Charles VIII et pour les Génois sous François Ier[c 1].

Les deux foires annuelles, qui avaient cessé en 1429 en raison de la maraude des écorcheurs, reprennent en 1444. Dès l'année suivante, Charles VII en ajoute une troisième, et interdit aux marchands du royaume d'aller commercer à Genève, pour favoriser l'essor économique de Lyon[b 1]. Aussitôt sacré, le roi Louis XI confirme ces foires le 7 octobre 1461[j 1].

Essor et concurrences

Le succès des foires est assuré dès cette époque, en particulier grâce à une profonde transformation de l'économie européenne.

À la fin de la guerre de Cent Ans, l'Europe du Nord-Ouest, France comprise, est épuisée par la guerre continuelle et la fiscalité extrême. Dès l'aube du XVe siècle, l'espace partant de la Souabe et descendant vers l'Italie du Nord bénéficie donc de l'affaiblissement de ses concurrents, et connait alors un essor économique croissant. Cet axe est doublé d'une route commerciale partant du Nord-Est pour aller jusqu'aux pays ibériques qui profite pleinement autant aux villes allemandes qu'aux nord-italiennes. Lorsque vers 1450, le royaume de France s'est restauré à la suite de plusieurs périodes de paix, Lyon se retrouve au centre d'un nouvel espace économique[v 1].

Les lettres patentes de Louis XI, datées le 8 mars 1463, autorisant une quatrième foire de 15 jours, accompagnent l'immense croissance des foires[1]. Elles comptent désormais 60 jours par an. Pour les contrôler, le roi nomme le sénéchal en qualité de gardien. Les bourgeois de la ville protestent, obtiennent gain de cause et peuvent alors désigner une personne en qui ils ont confiance. Jean Grant, lieutenant du sénéchal et docteur en droit, est le premier élu en tant que prud'homme et juge tous les procès commerciaux[2]. Il s'agit de l'origine du tribunal de la Conservation[3].

Toutefois, les foires de Lyon sont paradoxalement menacées par les marchandises françaises. En effet, Louis XI a réuni à Tours, le 20 octobre 1470, les représentants des villes marchandes du royaume de France, afin de diminuer la fuite des devises, et les foires lyonnaises voient un grand nombre de marchandises étrangères entrer dans le royaume[ab 1]. Faute de réussite à Caen, puis à Rouen, l'assemblée des marchands demande au roi de supprimer les foires de Lyon pour assurer le succès des foires normandes. Cependant Louis XI résiste et maintient les droits des Lyonnais[j 2].

Marchands de laine. Tacuinum sanitatis

D'ailleurs, d'autres duchés aussi tentent d'affaiblir les foires de Lyon. D'une part, il s'agit des foires de Chalon-sur-Saône, autorisées par Philippe III de Bourgogne. D'autre part, dans la Savoie, cela est l'interdiction vers les foires de Lyon, ordonnée par Amédée IX de Savoie le 25 septembre 1465, pour contrer celle de Louis XI concernant les foires de Genève[4],[5]. En 1467, les conférences entre deux[6], tenues à Montluel, concluent deux foires par an dans chacune des villes, à des dates relativement éloignées les unes des autres. Bien entendu, cela provoque un gros mécontentement des Lyonnais. Finalement, le roi déclare le 14 novembre 1467 par ses lettres patentes, les décisions nulles, en rétablissant ces quatre foires[7],[8], sans que la ville de Lyon se dépeuple[j 3].

La mort du duc Charles le Téméraire en 1477 bouleverse cette concurrence. À mesure que les foires de Genève voient leur fréquentation diminuer, pour payer un gros montant d'amende aux Suisses, celles de Lyon connaissent une progression considérable, devenant l'un des plus grands centre commercial et financier européen[j 4].

Les foires sont définitivement établies par un document appelé Les Privilèges de foires de Lyon, réalisé en juillet 1494 et ne seront plus remises en question après cette date[a 1].

L'âge d'or des foires lyonnaises

Il se situe entre les années 1500 et 1550.

Organisation

Marchands de soie, Tacuinum sanitatis.

Les quatre foires débutent le premier lundi après la fête des rois, celle de Quasimodo, le 4 août et le 3 novembre. On nomme alors les foires : foire des rois, foire de Pâques, foire d'août et foire de la Toussaint. Lors de chacune, les transactions durent quinze jours. Durant cette période, il n'y a aucune transaction monétaire. Les transactions se négocient et chacun note sur des carnet ce qu'il a accepté, de qui et à quel prix[a 1]. Les archives des commerçants lyonnais témoignent de cette périodisation des paiements. Les bilans comptables étaient souvent organisés ainsi (voir l'exemple joint).

Bilan des paiements des foires de Lyon pour l'année 1703 de Raymond Moulins, marchand drapier (63p.).

Après les foires proprement dites, vient la période des paiements. Elle se déroule en trois étapes. En premier lieu, les marchands se réunissent et, sous la direction du consul de la nation florentine, acceptent ou refusent les transactions auparavant négociées par eux ou leur représentant. Ils peuvent les accepter sous protêt. De deux à quatre jours après, vient la période du change. Les marchands, toujours assemblés, fixent les dates de paiements, les taux d'intérêt s'il y a de l'argent prêté et le cours du change pour les transactions dans des monnaies étrangères. Trois jours après a lieu le paiement proprement dit, au comptant, en espèces ou par virements avec des lettres de change. Beaucoup de marchands « virent partie », c'est-à-dire qu'il proposent à leurs créanciers d'autres lettres de débit venant d'autres personnes présentes à cette foire. Ainsi, un certain nombre de dettes et créances s'éteignent par un cycle de remboursement croisés proche de la Compensation[a 1].

En cas de litige commercial, la juridiction compétente était le Tribunal de la Conservation des privilèges royaux des foires de Lyon.

Localisation

Durant les premières années, le consulat réglemente la localisation des foires, essayant d'alterner selon l'année pour qu'elles se tiennent soit du côté de l'Empire, soit du côté du Royaume[9]. Après plusieurs décennies de tâtonnements et de conflits, le roi Louis XI tranche[10] en demandant au consulat de laisser les marchands se regrouper selon leurs besoins. Le consulat s'exécute et la ville dans son ensemble est alors un grand marché européen, où les commerçants se regroupent par affinités librement[c 2].

Les foires ont lieu autant dans les boutiques, que dans les rues, sur des tréteaux ou sur le sol. Elles sont centrées sur le pont sur la Saône : du côté du royaume cela va du quartier de la Juiverie à la place de Roanne (actuelle place Place Paul Duquaire), et côté Empire, de la place de l'Herberie (actuelle Place d'Albon), par la rue Saint-Éloi, la rue Mercière, les quartiers de la Platière, de la Grenette, Saint-Antoine, des Cordeliers jusqu'au Rhône. Avec le temps les foires s'étendent jusqu'à la place Confort ((actuelle Place des Jacobins) et les Terreaux[c 3],[a 1]. La place de la porte de l'Herberie est louée par le consulat aux marchands. Le pont sur la Saône est très recherché, et pendant de nombreuses années, les étals des marchands débordent des marches latérales en gênant la circulation. Ce n'est qu'en 1508 que les consuls interdisent aux marchands de dépasser le trottoir[c 4].

Les commerçants exercent également quand ils le peuvent dans des boutiques ouvertes sur la rue. De la même manière, le consulat voulut réglementer les locations, mais Louis XI libéra également cette partie du commerce. Les marchands étrangers louent donc des boutiques, qui, lorsqu'ils ont trop de marchandises invendues, servent de dépôts jusqu'à la foire suivante. Une fois libres, les marchands tiennent boutique dans tous les quartiers actifs et progressivement certains se regroupent par types de marchandises. Ainsi, les pelletiers s'installent d'abord rue Juiverie avant d'aller au XVIe siècle à la Grenette et aux Cordeliers ; la mercerie est présente le long de l'église Saint-Nizier, et sur le pont sur la Saône ; la quincaillerie sur la place Confort[c 5].

Bibliographie

  • André Pelletier, Jacques Rossiaud, Françoise Bayard et Pierre Cayez, Histoire de Lyon : des origines à nos jours, Lyon, Éditions lyonnaises d'art et d'histoire, , 955 p. (ISBN 978-2-84147-190-4 et 2-84147-190-X, lire en ligne)
  • Arthur Kleinclausz (dir.), Histoire de Lyon : Des origines à 1595, t. 1, Lyon, Librairie Pierre Masson, , 559 p.
  1. Kleinclausz 1939, p. 321.
  • Marc Brésard, Les foires de Lyon aux quinzième et seizième siècles, Paris, Auguste Picard, , 386 p. (notice BnF no FRBNF34121478, lire en ligne)
  1. Brésard 1914, p. 203.
  2. Brésard 1914, p. 248-249.
  3. Brésard 1914, p. 251.
  4. Brésard 1914, p. 250.
  5. Brésard 1914, p. 252.
  • Jacques Heers, Louis XI, Paris, Perrin, coll. « Tempus » (no 40), , 430 p. (ISBN 978-2-262-02084-2)
  1. Heers 2003, p. 289.
  2. Heers 2003, p. 288-289.
  3. Heers 2003, p. 290.
  4. Heers 2003, p. 290-291.
  • Philippe Hamon et Joêl Cornette (dir.), Les Renaissances : 1453-1559, Paris, Belin, coll. « Histoire de France », , 619 p. (ISBN 978-2-7011-3362-1, notice BnF no FRBNF42116435)
  • Yves Krumenacker (dir.), Lyon 1562, capitale protestante : une histoire religieuse de Lyon à la Renaissance, Lyon, Éditions Olivétan, , 335 p. (ISBN 978-2-35479-094-3, présentation en ligne)
  1. Krumenacker 2009, p. 16.

Sources externes

Notes et références

  1. Ordonnances des roys de France de la troisième race : Ordonnances rendues depuis le commencement du règne de Louis XI jusqu'au mois de mars 1473. 1811-20, , 994 p. (lire en ligne), p. 644.
  2. Lettres patentes de Louis XI, Nogent-le-Roi, le 21 avril 1464 (lire en ligne).
  3. http://archives.rhone.fr/accounts/mnesys_cg69/datas/medias/IR_pour_internet/8%20B.pdf, et http://www.archives-lyon.fr/static/archives/contenu/old/public/tresors/HD/tres017.htm
  4. Ordonnances des roys de France de la troisième race : Ordonnances rendues depuis le commencement du règne de Louis XI jusqu'au mois de mars 1473. 1811-20, , 994 p. (lire en ligne), p. 571.
  5. Selon Joseph Vaesen, « Le 3 avril 1464, les Lyonnais (Jean de Villeneuve) envoyèrent vers le roi avec Garguesalle et Jean Palmier solliciter le maintien de l'interdiction des foires de Genève » (Archives de Lyon, BB 7, fol. 395). Joseph Vaesen et Étienne Charavay, Lettres de Louis XI, tome II, p. 357, note no 1, Librairie Renouard, Paris 1885
  6. « De par le roy. Chiers et bien amez, nous avons veu les lettres que escriptes nous avez tant touchant le logeiz des cent lances de nostre beau frere Philippes de Savoye que l'eslargissement des foires a ceulx de Geneve. Au premier point, voulans de nostre povoir vous traicter favorablement, nous rescrivons presentement a nostre bailly de Lyon, par nous commis a faire le logeiz des dictes cent lances, que ce qu'il ne pourra bonnement loger ou pays de Lyonnois il le loge en noz plus prouchaines bonnes villes de nostre pais de Viverois. Et au regart des foires, nous escrivons a nostre ame et feal conseiller et general de noz finances Guillaume de Varye, qu'il tiengne en suspens la charge que sur ce lui avons donnee, jusques a ce que par nous autrement en soit ordonne ; et n'entendons que, en ceste matiere, soit par nous faicte aucune mutacion ou innovacion sans grande et meure deliberacion de conseil, et a l'avantage de vous et des marchans qui y frequenteront. Donne a la Boiche en Beausse, le VIIme jour de may. LOYS. MEURIN. [A noz] chiers et bien amez les [con]seilliers, manans et habitans de nostre ville de Lyon ». (Archives municipale de Lyon, AA23, no 35.) Note par Joseph Vaesen : « Par lettres datées de Mehun-sur-Yèvre, le 25 février 1467, Louis XI avait désigné Ymbert de Varey et Guillaume de Varye pour le représenter à une conférence qui devait se tenir à Montluel avec les délégués de Philippe de Savoie, sur la question du transfert de deux des quatre foires de Lyon dans la ville de Genève. » (Archives municipale de Lyon, série HH, titres non classés). (Joseph Vaesent et Étienne Charavay, Lettres de Louis XI, tome III, p. 138-139, Librairie Renouard, Paris 1887)
  7. Lettres patentes de Louis XI, Vendôme, le 14 novembre 1467 (lire en ligne).
  8. À vrai dire, ces lettres patentes sont expédiées à condition que la ville de Lyon fournisse 2 900 écus d'or, pour le paiement de 200 harnais. Le 4 février 1468, la ville prit définitivement à sa charge les 2 900 écus (Archives de Lyon, CC 203, fol. XIV, d'après Joseph Vaesen et Étienne Charavay, Lettres de Louis XI, tome III, p. 190-191, note no 1, Librairie Renouard, Paris 1887)
  9. À cette époque, et même si la ville est entièrement annexée au royaume de France depuis le début du XIVe siècle, les habitants ont l'habitude de désigner le côté droit de la Saône sous l'antique nom de "royaume" et le côté gauche sous le vocable de "l'empire".
  10. La lettre du roi est conservée aux archives municipales de Lyon ; série HH, Inventaire Chappe : tome VIII, carton 23 à 33

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