Féminisme chrétien de Belgique

Le Féminisme chrétien de Belgique est aussi le nom d'une institution belge.

Le féminisme chrétien est avant tout un féminisme issu d’un phénomène global d’évolution humaine ; il n’est pas au premier abord issu d’un phénomène d’ordre religieux ou ecclésial[1].

Les conditions de la femme ont évolué au fil des années, notamment grâce aux différents mouvements féministes qui sont apparus dès le milieu du XIXe siècle, dont les mouvements chrétiens féministes. Ainsi, le féminisme chrétien est un courant issu du féminisme et inspiré par des femmes chrétiennes.

Contexte de développement

À la fin du XIXe siècle, toute la législation inspirée du Code de Napoléon, ainsi que celle tirée du droit canonique place la femme sur un plan d’infériorité par rapport à l’homme[2]. La Belgique de 1830 produit une Constitution qui exclut les femmes[3]. Ainsi, la femme belge possède peu de droits, elle n’a ni le droit de vote, ni le droit d’être élue, elle n’a pas non plus accès à l’université, elle peut donc difficilement s’instruire[4].

Le féminisme belge de la deuxième moitié du XIXe siècle et du début du XXe siècle est notamment né en réaction à cette situation.

Au XIXe siècle, la révolution industrielle éclate, deux classes apparaissent, à savoir le monde bourgeois et le monde ouvrier. Tant les uns que les autres vont participer au développement des mouvements féministes.

D’un côté, les femmes bourgeoises sont les meneuses de ces mouvements féministes, elles veulent revendiquer le droit à l’éducation pour les filles et, plus largement, l’égalité des droits entre les hommes et les femmes[5].

D’un autre côté, les conditions de vie des ouvriers sont très dures. Pour faire face à la misère dans laquelle les ouvriers vivent, le Mouvement ouvrier développe des caisses mutuelles, des syndicats, des coopératives ainsi qu’un système de solidarité entre les travailleurs de même classe sociale. En 1885, l’ensemble de ces organisations forment un parti politique : le Parti Ouvrier belge (le POB)[6].

Au départ, la montée du féminisme se fait sentir au sein du POB socialiste qui souhaite défendre la cause des ouvrières. Ceux-ci se battent pour améliorer les conditions de travail et de vie des femmes. Certains membres du parti catholique se rendent compte que si les socialistes y parviennent, plus tard, beaucoup de femmes risquent de voter en faveur de ce parti qui défend leurs droits. Les catholiques comprennent donc l’avantage que cela pourrait être pour eux de créer un mouvement féministe catholique, surtout que leur parti perd de plus en plus de sièges par rapport aux socialistes et libéraux[7].

Le féminisme belge se divise selon les trois partis traditionnels de l’époque, c’est-à-dire que celui-ci présente un courant laïque et libéral représenté notamment par la Ligue du droit de la femme, un courant catholique représenté par le Féminisme chrétien de Belgique et un courant socialiste au sein du POB[5].

Historique

Première vague

En 1902, Louise Van den Plas, avec l’aide de René Henry et de René Colaert, crée une institution féministe catholique alliée au parti catholique belge de l’époque. Cette institution nait le et sera appelée « le Féminisme chrétien de Belgique »[8].

Étant donné le caractère chrétien de son mouvement, Louise Van den Plas devait faire attention de ne pas aller à l’encontre de la vision des catholiques sur la femme. En effet, il est totalement improbable pour eux de donner à la femme un autre rôle que celui de mère de famille, ménagère et épouse, les catholiques ne conçoivent pas le principe d’égalité des sexes dans le mariage. C’est aux hommes de régler les affaires publiques et de rapporter l’argent à la maison[9].

Au départ, Louise Van den Plas ne pouvait donc pas préconiser l’égalité entre l’homme et la femme, ni affranchir la femme de son devoir de maternité[10].

Le Féminisme chrétien mise alors sur la complémentarité et le différentialisme des sexes et s’appuie sur le fait que seules les femmes sont capables de défendre le droit des femmes[5]

Bulletin du Féminisme chrétien de Belgique, 1er mai 1914

Le Féminisme chrétien de Belgique, dans le but de propager ses idées, publie un bulletin mensuel appelé Féminisme chrétien de Belgique. Outre ces publications, cette institution va organiser une série de conférences, publier des brochures de propagande et publier des articles dans la presse[11]. Parallèlement, des ligues, des mutualités de femmes et des syndicats d’ouvrières se multiplient en Wallonie et en Flandre[12].

En 1906, Victoire Cappe fonde les Ligues ouvrières féminines chrétiennes et un syndicat d’ouvrière qui se nomme « le syndicat de l’aiguille », ceux-ci sont créés dans le but d’améliorer les conditions de travail des ouvrières de l’époque[7].  Le syndicat de l’aiguille développe dès le départ une série de services tels qu’une caisse de mutuelle, un cercle d’étude et des cours d’apprentissage. Victoire Cappe incite les femmes à prendre les choses en main, elles doivent se soutenir, se former, et revendiquer leurs droits car, selon Victoire Cappe, c’est l’amélioration des salaires et des conditions de travail qui vont permettre aux ouvrières de retrouver leur dignité et leur foi[13].  

En 1912, toutes les mutualités de femmes, toutes les ligues et tous les syndicats d’ouvrières se rassemblent et forment le secrétariat général des unions professionnelles féminines chrétiennes. Durant l’entre-deux-guerres, ce secrétariat reçoit un nouveau nom, il devient le secrétariat général des œuvres féminines chrétiennes de Belgique. Il veille à coordonner et dynamiser les différents départements du mouvement féminin chrétien. Dès 1919, un journal destiné aux femmes de la classe ouvrière est créé : la Ligue des Femmes[14]

En 1912, Louise Van den Plas met en place, sous l’impulsion de Cyril Van Overbergh, une nouvelle branche du Féminisme chrétien : la « Ligue catholique du suffrage féminin » [15].

Louise Van den Plas, consciente qu’une partie des catholiques risque de mal réagir face à cette ligue fait bien attention de différencier l’institution qu’elle a mise sur pied, le « Féminisme chrétien de Belgique » et la « Ligue pour le suffrage féminin » afin de garder une unité au sein du mouvement féministe chrétien[16]

En 1913, Louise Van den Plas s’associe avec Jane Brigode et Élise Soyer pour créer la « Fédération belge pour le suffrage des femmes »[17].

Les revendications pour le suffrage universel s’éteignent avec le début de la guerre. Mais, en 1918, les féministes reprennent leur campagne pour le suffrage féminin[18]. Le droit de vote leur sera octroyé en deux temps :

  • En 1921, elles pourront voter aux élections communales ;
  • En 1948, elles pourront élire les membres du parlement.

De 1914 à 1918, durant la première guerre mondiale, les idées féministes sont mises de côté, ce qui entraine qu’au lendemain de la guerre, le Féminisme chrétien de Belgique peine à se redéployer[19]

En 1920, la Fédération nationale des Ligues ouvrières chrétiennes féminines (LOCF) est mise sur pied. Deux ans plus tard, on compte 132 ligues. Leur but est de former, d’éduquer, d’émanciper et de rechristianiser la femme ouvrière. Ces ligues jouent un rôle important durant la seconde guerre mondiale. Elles assurent l’entraide des familles frappées par la misère, elles réunissent les mères et les femmes de prisonniers de guerre[14]

De 1940 à 1945, durant la seconde guerre mondiale, c’est une période creuse pour l’essor du féminisme[20], de telle sorte qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, le Féminisme chrétien de Belgique tend à disparaitre. Certains de ses membres se regroupent dans le CNFB (Conseil national des femmes belges)[21].

Deuxième vague

Il faut attendre le début des années 1970 pour voir un renouveau du féminisme en Belgique[20].

En 1969, les Ligues ouvrières chrétiennes féminines (LOCF) deviennent Vie féminine[22], un mouvement chrétien d’action culturelle et sociale. Les principaux objectifs de Vie féminine, fixés statutairement sont : réaliser un travail d’éducation permanente et encourager la participation active des femmes ouvrières dans la vie économique, sociale, culturelle et politique. L’objectif ultime de cette association est d’obtenir l’égalité entre hommes et femmes dans tous les secteurs de la vie en société[23].

Missions

Les missions du mouvement « Le Féminisme chrétien de Belgique » créé en 1902 par Louise Van den Plas étaient notamment les suivantes[24]:

  • Rallier à son programme les catholiques en leur montrant bien que ce mouvement n’allait pas à l’encontre de leurs convictions (conception du mariage et de la famille) ;
  •  Améliorer l’éducation des femmes en créant de meilleures formations, des organisations professionnelles et en réformant les lois qui maintenaient la femme dans un état d’infériorité par rapport à l’homme ;
  • Par opportunisme politique, Louise Van den Plas, n’a pas privilégié la mise en place du suffrage universel mais a favorisé l’amélioration économique, sociale et juridique de la femme.

Le Féminisme chrétien de Belgique en coopération avec d’autres mouvements féministes va obtenir de nombreuses réformes, dont notamment[25] :

  • Loi sur la recherche de la paternité ;
  • L’accès des femmes aux Conseils de la famille ;
  • Le droit des femmes à assumer une tutelle. Cela revient à reconnaitre l’autorité parentale de la mère ;
  •  Adoption de l’art. 37 de la loi du qui reconnait la légalité du témoignage féminin aux actes de l’état civil ;
  • Égalité des barèmes pour les instituteurs et les institutrices.

Auteurs du mouvement

En Belgique, il y a eu plusieurs pionnières pour le mouvement féministe chrétien, les principales sont :

  • Louise Van den Plas (fondatrice du mouvement « Féminisme chrétien de Belgique ») ;
  • Victoire Cappe (fondatrice du mouvement social féminin chrétien et créatrice des premiers syndicats féminins chrétiens).

Il y a différentes institutions, dont notamment[26] :

  • la Fédération des femmes catholiques (FFC) ;
  • la Jeunesse ouvrière chrétienne féminine (JOCF) ;
  • les Ligues féminines chrétiennes ;
  • les Ligues ouvrières féminines chrétiennes (LOFC) ;
  • l’Union internationale des ligues des femmes catholiques.

Il existe également des groupes de chrétiennes féministes internationaux dans lesquels la Belgique prend parti :

Bibliographie

  • René Begon, Féminisme et éducation permanente : conquête d’une autonomie, Liège, CVFE, 2012, p. 1 à 9.         
  •  Paul Gerin, « Louise Van den Plas et les débuts du Féminisme chrétien de Belgique », Revue Belge d’Histoire Contemporaine, 1969, no 2, p. 254-275.  
  •  Eliane Gubin, « Du politique au politique. Parcours du féminisme belge (1830-1914) », Revue belge de philosophie et d’histoire, 1999, volume 77 no 2, p. 370 à 382.
  • Éliane Gubin et Leen Van Molle, Femme et politique en Belgique, Bruxelles, Édition Racine, 1998.
  • Catherine Jacques, Les féministes belges et les luttes pour l’égalité politique et économique 1918-1968, Bruxelles, Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-arts de Belgique, 2013.
  • Catherine Jacques, « Le féminisme en Belgique de la fin du XIXe siècle aux années 1970 », C. H. Crisp, 2009/7, no 2012-2013, p. 5 à 54.
  • Denise Keymolen, Victoire Cappe, une vie chrétienne, sociale, féministe 1886-1927, Leuven, Bruylant, 2001.    
  • Claire Pahaut, « Le mouvement féministe en Belgique et dans le monde : la marche des femmes », site Amnesty international, publié en , , consulté le .
  • Denise Peteers, « Féminisme chrétien : les femmes dans l’Église catholique en Belgique », Femmes des années 1980 : un siècle de condition féminine en Belgique (1889-1989), L. Courtois, J. Pirotte et Fr. Rosart (dir.), Louvain-la-Neuve, Academia, p. 221 à 228.
  • Jean Pirotte et Guy Zelis, G. (dir.) (collab. B. Groessens et T. Scaillet), Pour une histoire du monde catholique au 20e siècle, Wallonie-Bruxelles : guide du chercheur, Louvain-La-Neuve, Arca, 2003.
  • Marie – Thérèse Van Lunnen-Chenu, « Le féminisme chrétien : phénomène inéluctable », La revue nouvelle, 1974, no 1, p. 69 à 79.
  • Vie féminine, 75 ans de vie féminine. Histoire et actualité d’un mouvement chrétien d’action culturelle et sociale, Bruxelles, vie féminine, 1995.

Articles connexes

Notes et références

  1. Marie -Thérèse Van Lunnen-Chenu, « Le féminisme chrétien : phénomène inéluctable », La revue nouvelle, 1974, no 1, p. 69
  2. Paul Gerin, « Van den Plas et les débuts du “Féminisme chrétien de Belgique” », Revue Belge d’Histoire Contemporaine, 1969, no 2, p. 254
  3. « Le mouvement féministe en Belgique et dans le monde : la marche des femmes », sur Amnesty international, (consulté le )
  4. Paul Gerin, « Louise Van den Plas et les débuts du Féminisme chrétien de Belgique », Revue Belge d’Histoire Contemporaine, 1969, n°2, p. 2
  5. René Begon, Féminisme et éducation permanente : conquête d’une autonomie, Liège, CVFE, , p. 2
  6. Vie féminine, 75 ans de vie féminine. Histoire et actualité d’un mouvement chrétien d’action culturelle et sociale, Bruxelles, Vie féminine,
  7. Eliane Gubin, « Du politique au politique. Parcours du féminisme belge (1830-1914) », Revue belge de philosophie et d’histoire, 1999, volume 77, no 2, p. 382
  8. Catherine Jacques, « Le féminisme en Belgique de la fin du XIXe siècle aux années 1970 », C. H. CRISP, 2009/7, no 2012 - 2013, p. 9
  9. Eliane Gubin et Leen Van Molle, Femmes et politique en Belgique, Bruxelles, éditions Racine, , p. 32
  10. Denise Peeters, « Féminisme chrétien : les femmes dans l’Eglise catholique en Belgique », Femmes des années 80 : un siècle de condition féminine en Belgique (1889-1989), Louvain-la-Neuve, Academia, , p. 222
  11. Denise Peeters, « Féminisme chrétien : les femmes dans l’Eglise catholique en Belgique », Femmes des années 80 : un siècle de condition féminine en Belgique (1889-1989),, Louvain-la-Neuve, Acadamia, , p. 261 - 263
  12. Vie féminine, 75 ans de vie féminine. Histoire et actualité d’un mouvement chrétien d’action culturelle et sociale, Bruxelles, Vie féminine, , p. 59
  13. Denise Keymolen, Victoire Cappe, une vie chrétienne, sociale, féministe 1886-1927, Louvain, Bruylant,
  14. Vie féminine, 75 ans de vie féminine. Histoire et actualité d’un mouvement chrétien d’action culturelle et sociale, Bruxelles, Vie féminine, , p. 63
  15. Eliane Gubin, « Du politique au politique. Parcours du féminisme belge (1830-1914) », Revue belge de philosophie et d’histoire, 1999, volume 77, no 2, p. 373
  16. Paul Gerin, « Louise Van den Plas et les débuts du Féminisme chrétien de Belgique », Revue Belge d’Histoire Contemporaine, 1969, no 2, p. 271
  17. Catherine Jacques, « Le féminisme en Belgique de la fin du 19ème siècle aux années 1970 », C. H. Crisp, 2009/7, no 2012-2013, p. 9
  18. Paul Gerin, « Louise Van den Plas et les débuts du “Féminisme chrétien de Belgique” », Revue Belge d’Histoire Contemporaine, 1969, no 2, p. 271
  19. Catherine Jacques, « Le féminisme en Belgique de la fin du 19ème siècle aux années 1970 », C. H. Crisp, 2009/7, no 2012-2013, p. 17
  20. René Begon, Féminisme et éducation permanente : conquête d’une autonomie, Liège, CVFE, , p. 3
  21. Catherine Jacques, « Le féminisme en Belgique de la fin du 19ème siècle aux années 1970 », C. H. Crisp, 2009/7, no 2012-2013, p. 53
  22. Jean Pirotte et Guy Zélis, Pour une histoire du monde catholique au 20ème siècle, Wallonie-Bruxelles : guide du chercheur, Louvais-la-Neuve, Arca,
  23. Vie féminine, 75 ans de vie féminine. Histoire et actualité d’un mouvement chrétien d’action culturelle et sociale, Bruxelles, Vie féminine, , p. 101
  24. Paul Gerin, « Louise Van den Plas et les débuts du Féminisme chrétien de Belgique », Revue Belge d’Histoire Contemporaine, 1969, no 2, p. 260
  25. Paul Gerin, « Louise Van den Plas et les débuts du Féminisme chrétien de Belgique », Revue Belge d’Histoire Contemporaine, 1969, no 2, p. 263
  26. Catherine Jacques, Les féministes belges et les luttes pour l’égalité politique et économique 1918-1968, Bruxelles, Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-arts de Belgique,
  • Portail des femmes et du féminisme
  • Portail du christianisme
  • Portail de la Belgique
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.