Esprit rude

L’esprit rude est un signe diacritique de l’alphabet grec utilisé :

Esprit rude
◌̔ ◌҅ ◌⳰
Graphies
Graphie ◌̔ (diacritique grec),
◌҅ (diacritique cyrillique),
◌⳰ (diacritique copte)

Il est aussi parfois utilisé dans l’écriture copte sous sa forme archaïque.

En grec ancien, il indique la présence d’un son /h/ avant une voyelle, une diphtongue ou la lettre rhô. Toujours utilisé après la période koinè et la disparition du son dans la langue grecque, il n’est pas usité dans l’orthographe moderne depuis 1980. Dans la même orthographe, l’absence d'un son /h/ est indiquée par un esprit doux.

Nom

En grec ancien, le signe se nomme δασὺ πνεῦμα (dasù pneûma, littéralement : « respiration rude ») ou δασεῖα (daseîa, « rude »), en grec moderne δασεία (dasía), en latin spiritus asper.

Histoire

Consonne archaïque hêta, avec une variante bas-de-casse destinée à la typographie moderne.

Le signe de l'esprit rude provient de la moitié gauche de la lettre Η (êta)[1].

À l'origine, dans certains dialectes grecs comme le dialecte athénien, le phonème /h/ était transcrit par la lettre êta (Η), usage perpétué dans la lettre latine H. Dans d'autres dialectes, en particulier le dialecte ionien, celle-ci représente la voyelle /ɛː/. Lors de la réforme de -403, le modèle ionien est normalisé (et imposé de fait au reste de la Grèce). La lettre Η se retrouve disponible du fait de la psilose (disparition de l'aspiration) survenue en grec ionien. Cependant, une fois le modèle ionien popularisé, il n'est plus possible de noter le phonème /h/ alors qu'il reste prononcé dans certains dialectes, comme dans l'ionien-attique d'Athènes qui conduit par la suite à la koinè.

Aristophane de Byzance, au IIIe siècle av. J.-C., systématise l'utilisation d'un Η coupé en deux dont on trouve des attestations épigraphiques antérieures (en Grande-Grèce, à Tarente et Héraclée). Cette partie de Η donne , parfois « L », caractère ensuite simplifié en « ҅ » dans les papyrus puis en «  » à partir du XIIe siècle.

Lorsque l'esprit rude prend sa forme définitive, le grec n'utilise plus le phonème /h/ depuis longtemps : l'invention et la perfection de ce diacritique est un archaïsme grammatical.

Usage

Voyelles

L'esprit rude (῾) est placé sur la voyelle initiale, ou sur la seconde voyelle dans le cas d'une diphtongue initiale :

  • ἥρως (hếrôs, « héros ») : l'esprit est placé sur le η initial, qui comporte ici également un accent aigu.
  • αἵρεσις (haíresis, « choix », qui donne en latin haeresis et en français hérésie) : l'esprit est placé sur le ι de la diphtongue initiale αι ; le ι comporte ici également un accent aigu.

Un upsilon[1] au début d'un mot prend toujours un esprit rude :

  • ὕμνος (hýmnos, « hymne »)

Rhô

Dans le dialecte ionien-attique d'Athènes (qui donne naissance, en devenant la koinè, au grec moderne), le phonème /r/ est toujours sourd à l'initiale : ῥόδον (la) rose ») se prononce ['odon] et non ['rodon]. Le rôle de l'esprit rude est étendu : tout rhô initial le porte. La transcription d'un rhô initial est toujours rendue par « rh » en français :

  • ῥυθμός (rhythmós, « rhythme» »)

Il existe toutefois des dialectes grecs anciens à psilose (disparition de l'aspiration ; c'est le cas de l'éolien de Sappho, par exemple) ; les éditions modernes de tels textes utilisent parfois l'esprit doux sur le rhô initial : .

Intérieur d'un mot

En cas de crase (contraction de deux mots) ou de mot composé, lorsque le deuxième mot présente un esprit rude, la voyelle contractée n'en prend pas. En revanche, la consonne précédant la voyelle contractée devient aspirée si cela est possible (πφ, τθ, κχ)[1] :

  • τὸ ἕτερον (tò héteron) → θούτερον (thoúteron, et non *τούτερον, toúteron).
  • hormis dans les cas où l'aspiration entre en contact avec une occlusive sourde π τ κ pour la transformer en occlusive aspirée φ θ χ - l'aspiration initiale disparaît totalement dans les composés ὁδός se lit hodós route ») mais dans le composé σύνοδος, sýnodos réunion », qui donne « synode » en français), l'aspiration initiale de hodós disparaît

Dans certains conventions, l'esprit rude est écrit sur le deuxième des deux rhôs au milieu d'un mot[1] : διάῤῥοια (diárrhoia, « diarrhée »).

Récapitulatif

Le tableau ci-dessous recense les différentes possibilités de combinaison de l'esprit rude avec les autres diacritiques de l'alphabet grec (quand elles existent) :

LettreEsprit rude
Sans iota souscritAvec iota souscrit
Esprit seulAccent aiguAccent graveAccent circonflexeEsprit seulAccent aiguAccent graveAccent circonflexe
α
ε
η
ι Ἷ
ο
υ
ω
ρ

Unicode

Pour encoder l'esprit rude simple du grec (non combiné à d'autres diacritiques, et sur lettre minuscule), Unicode recourt au signe dit virgule réfléchie en chef[2].

Annexes

Références

  1. (en) Herbert Weir Smyth, « Greek Grammar »
  2. Unicode 5.0.

Bibliographie

  • (en) Deborah Anderson, Ralph Cleminson et David Birnbaum, Request to Change Glyphs for U+0485 and U+0486 (no N3118, L2/06‐192), (lire en ligne)
  • (en) Michael Everson, Stephen Emmel, Antti Marjanen, Ismo Dunderberg, John Baines, Susana Pedro et António Emiliano, Proposal to add additional characters for Coptic and Latin to the UCS (no N3222R, L2/07-085R), (lire en ligne)
  • (en) Yannis Haralambous, From Unicode to Typography, a Case Study: the Greek Script, (14th International Unicode Conference, Boston, MA), (lire en ligne)
  • (en) Yannis Haralambous, Guidelines and Suggested Amendments to the Greek Unicode Tables (21st International Unicode Conference, Dublin, May 2002), (lire en ligne)
  • Consortium Unicode, « Diacritiques, Intervalle : 0300–036F », dans Le standard Unicode, version 5.0, (lire en ligne)

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