Eshmunazar

Eshmunazar (phénicien : ʾšmnʿzr) est le nom qu'ont porté plusieurs rois de Sidon phéniciens.

Eshmunazar Ier

Eshmunazar Ier ou Eshmunazor Ier, prêtre d’Astarté qui règne vers 575-550 semble être un usurpateur car il n’indique par le nom de son père ; Il est cependant le fondateur d’une dynastie car on a retrouvé les sarcophages de son fils de son petit-fils et de sa fille putative. Au cours d’une campagne en Babylonie ou en Egypte il a rapporté quatre sarcophages anthropoïdes dont sans doute le sien qui n’a pas été retrouvé. Les trois autres produits par le même atelier appartiennent à un modèle fabriqué en Egypte entre 623 et 525.

La campagne à laquelle a participé Eshumazar doit avoir eu lieu sous le règne de Nabuchodonosor II, peut-être en 568. Les sarcophages de Tabnit, d’Eshmunazar II et d’une femme peut-être la reine Amoshtart ont été exhumés dans les nécropoles de Sidon. Les unions consanguines destinées à renforcer les dynasties sont une pratique bien attestée notamment lorsque les lignées au pouvoir sont récentes ou illégitimes[1].

Sarcophage d'Eshmunazar II

Sarcophage d'Eshmunazar II

Le sarcophage d'Eshmunazar II, actuellement conservé au musée du Louvre à Paris, a été mis au jour en 1855 dans un site proche de Sidon au Liban. Il est offert au musée par le duc de Luynes, également auteur d'une publication sur le sujet[2].

Il porte une inscription - répertoriée sous le code KAI-14[3], en cananéen phénicien, écrite en alphabet phénicien.

Le sarcophage est de facture égyptienne et date du début du Ve siècle av. J.-C. L'inscription identifie le roi contenu dans le sarcophage et met en garde les personnes susceptibles de le déranger[4]. Le langage utilisé pour l'inscription est un dialecte canaanite, intelligible par les locuteurs de l'hébreu biblique. Comme pour d'autres inscriptions phéniciennes, le texte ne semble pas ou peu utiliser de matres lectionis. Comme en araméen, la préposition « אית » est utilisée comme un marqueur de l'accusatif, alors que « את » est utilisé pour « avec »[3].

La traduction qui suit est basée sur celle de Julius Oppert[5] modifiée avec l'apport d'une traduction plus récente par J.B. Prichard et D.E. Fleming[6].

Traduction

  1. Au mois de Bul[nb 1], la quatorzième année du règne du roi Eshmunazar[nb 2], roi des deux Sidons,
  2. fils du roi Tabnit, roi des deux Sidons, le roi Eshmunazar, roi des deux Sidons, déclara ce qui suit : je suis emporté,
  3. avant mon heure, fils de (quelques) jours, orphelin, fils d'une veuve. Et je repose dans ce coffre, et dans cette tombe,
  4. à l'endroit que j'ai construit. Qui que tu sois, de race royale ou un homme ordinaire, puisses-tu ne pas ouvrir ce lieu de repos, et
  5. puisses-tu ne rien chercher, car rien n'a été déposé à l'intérieur. Puisses-tu ne pas déplacer le coffre dans lequel je repose, ni me transporter
  6. de ce lieu de repos vers un autre lieu de repos. Quoique qu'un homme puisse te dire, ne l'écoute pas : pour toute personne de race royale et
  7. tout homme ordinaire, qui ouvrirait ce lieu de repos ou transporterait le coffre dans lequel je repose, ou qui me transporterait
  8. loin de ce lieu de repos : qu'ils n'aient pas de funérailles avec les ombres (Rephaïm), qu'ils ne soient pas inhumés dans une tombe, et qu'il n'y ait pas de fils ou de progéniture
  9. pour leur succéder, et que les dieux sacrés les abandonnent à un puissant dirigeant qui (puisse) les diriger, de façon
  10. à exterminer cette personne de race royale ou cet homme qui ouvrira ce lieu de repos ou qui va emporter
  11. ce coffre, ainsi que la progéniture de cette personne de race royale, ou de cet homme ordinaire. Qu'il n'y ait pour eux ni racine au-dessous, ni
  12. fruit au-dessus, ni vie sous le soleil. Puisque je suis emporté, avant mon heure, fils de
  13. (quelques) jours, un orphelin, le fils d'une veuve. Moi, Eshmunazar, roi des deux Sidons, fils du
  14. Roi Tabnit, roi des deux Sidons, petit-fils du Roi Eshmunazar, roi des deux Sidons, et ma mère Amoashtart,
  15. Prêtresse d'Astarte, notre maîtresse, la Reine, fille du Roi Eshmunazar, roi des deux Sidons : C'est nous qui avons bâti le temple des
  16. dieux, et le temple d'Astaroth, à la Sidon du bord de la mer[nb 3] et y avons placé (l'image de) Astaroth au Shamem-Addirim. Et c'est nous
  17. qui avons bâti un temple pour Eshmun, le prince sacré, à la rivière des coquilles de pourpre sur la montagne, et qui l'avons installé à Shamem-Addirim. Et c'est nous qui avons bâti les temples
  18. pour les dieux des deux Sidons, à la Sidon du bord de la mer, couvert le temple de Baal-Sidon et le temple de Ashtart-Shem-Baal. De plus, le seigneur des Rois[nb 4] nous donna
  19. Dor et Joppa, les terres puissantes de Dagon, qui se trouvent dans la plaine de Saron, conformément aux importants exploits que j'ai accompli. Et nous les avons annexés
  20. à la limite de la terre, et ils appartiendraient aux deux Sidon pour toujours. Qui que tu sois, de race royale ou homme ordinaire, puisse-t-il ne pas l'ouvrir
  21. et puisse-t-il ne pas me découvrir et puisse-t-il ne pas m'emporter de ce lieu de repos. Autrement,
  22. les dieux sacrés les abandonneront et extermineront cette personne de race royale et cet homme ordinaire et leur progéniture pour toujours.

Références

  1. Josette Elayi Histoire de la Phénicie, Perrin, Paris 2013 (ISBN 9782262036621)p. 229
  2. Mémoire sur le sarcophage et l’inscription funéraire d’Esmunazar, roi de Sidon, Paris, Plon, 1856.
  3. Kanaanäische und Aramäische Inschriften, Herbert Donner, Wolfgang Röllig, (ISBN 3-447-04587-6)
  4. Austin Cline, « Sidon Sarcophagus: Illustration of the Sarcophagus of Eshmunazar II Found Near Sidon, Lebanon », About.com (consulté le )
  5. Records of the past. Being English Translations of the Ancient Monuments of Egypt and Western Asia, vol. 9, p. 111, 1877.
  6. Prichard, James B. et Daniel E. Fleming, 2011, The Ancient Near East: An Anthology of Texts and Pictures, p. 311.
  7. pages 42 Ifil et 107 wyšbn, cf. Glossary of Phoenician, de Harris, Zellig S. : A Grammar of the Phoenician Language, New Haven, 1936

Bibliographie

  • Françoise Briquel-Chatonnet, Hélène Le Meaux, Le Sarcophage d'Eshmunazor, co-éditions Musée du Louve /El Visio, 56 p.

Notes

  1. Le huitième mois de l'année phénicienne, identique à l'année judaïque.
  2. Il est généralement admis que le roi Eshmunazar vécut au IVe siècle av. J.-C., d'après la forme du sarcophage, qui était probablement égyptien ; il porte même des traces de hiéroglyphes qui ont été effacées. Le roi Tabnit pourrait être le Tennes des auteurs grecs.
  3. La Sidon du bord de la mer (Sidon eres yam) semble être l'une des deux Sidon, l'autre ayant pu être le Sidon de la montagne. Sennacherib parle aussi de deux Sidons, la grande et la petite.
  4. Le « seigneur des Rois » ne semble pas être le roi de Perse, mais une épithète désignant un roi divin.

Liens externes

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