Enūma eliš

Enūma eliš ou Épopée de la Création, est l'épopée babylonienne de la création du monde. Signifiant littéralement Lorsqu'en haut en akkadien, selon ses premiers mots (incipit), Enūma eliš célèbre à travers sept tablettes la gloire du dieu Mardouk et raconte son ascension vers la souveraineté du panthéon babylonien. Le texte fut découvert au XIXe siècle sous forme de fragments dans les ruines de la bibliothèque d'Assurbanipal à Ninive, ville proche de l'actuelle Mossoul, en Irak. La plus grande partie de la cinquième tablette n'a jamais pu être retrouvée. Mis à part cette lacune, le texte est quasiment complet.

Enūma eliš
Auteur Inconnu
Pays Babylonie
Genre Poème mythologique
Le dieu Mardouk
Fragment de tablette d’Enūma eliš, provenant de la « Bibliothèque d'Assurbanipal » de Ninive, VIIe siècle av. J.-C. British Museum.

Le poème a probablement été composé à la fin du XIIe siècle av. J.-C., au cours du règne de Nabuchodonosor Ier, en même temps que les textes de la topographie cultuelle de Babylone. Cependant, les versions qui nous sont parvenues sont plus récentes. Après la disparition de Babylone, le texte a été souvent recopié par les Perses, puis il a été transmis et gardé en mémoire jusqu'au Ve siècle de notre ère par le philosophe néo-platonicien Damascios.

L'épopée décrit les origines du cosmos, le combat des premiers dieux contre les forces du chaos et l'élévation de Mardouk, dieu tutélaire de Babylone, au-dessus des autres divinités mésopotamiennes ainsi que la création du monde et de l'homme.

Le récit

L'épopée commence au début des temps, alors que l'univers n'est qu'un tout indifférencié rempli par l'eau originelle. C'est alors qu'Apsû, qui représente l'eau douce, et Tiamat, qui représente l'eau salée, engendrent plusieurs générations de dieux. Mais à la troisième génération, les derniers nés, bruyants et perturbateurs, attirent la colère d'Apsû. Celui-ci, avec l'aide de son conseiller Mummu, décide de les détruire. Ea (Enki), l'un d'entre eux, apprend le complot et décide de le déjouer. Il plonge Apsû dans un profond sommeil, le tue et enchaîne Mummu. Enfin débarrassé de ses ennemis, Ea engendre un fils, Mardouk, qui dès sa naissance est supérieur aux autres dieux.

De nouvelles perturbations provoquées par la naissance de Mardouk attisent la colère de certains dieux. Ces derniers parviennent à persuader Tiamat de venger la mort de son époux Apsû en les aidant à détruire les fauteurs de troubles. Tiamat crée alors une armée de monstres et en donne le commandement à Kingu. Dans l'autre camp Mardouk accepte finalement de combattre Tiamat en échange de la place la plus élevée dans la hiérarchie des dieux. Dans la quatrième tablette qui relate un combat, Marduk parvient à tuer Tiamat, la mer primordiale, et avec sa dépouille "fendue en deux comme un poisson séché" (l.137) il crée la voûte céleste, la Terre et leurs composantes : les montagnes, les fleuves (l'Euphrate et le Tigre), les corps célestes ("les constellations furent posées dans le ciel"). La Lune fut créée pour régler le mois et le Soleil pour régler le jour.

Dans le ciel, il s'occupe de placer les demeures des dieux astraux et il fixe leurs courses célestes. Il décide aussi de fixer par un lien les deux parties du corps dépecé de Tiamat. Ainsi la voûte céleste est reliée au disque terrestre au-dessus de l'eau douce qui la porte. Enfin il forme les éléments naturels, place la terre au centre de l'univers et crée Babylone.

Babylone est donc une ville mystique. Mardouk a renfermé l'ensemble de ses pouvoirs dans le temple bas Esagil et dans le temple haut (en haut d'Etemenanki, la tour à étages). Il décide alors de créer l'homme pour qu'il serve les dieux. Ea tue Kingu et avec son sang crée l'humanité. Le texte se termine par une liste de cinquante noms donnés à Mardouk et par un appel universel aux hommes à le vénérer.

Extraits du poème

Début du texte (tablette I, 1-10) :

« Lorsqu'en haut le ciel n'était pas encore nommé
Qu'en bas la terre n'avait pas de nom [ils n'existaient pas],
Seuls l'Apsū [l'océan d'eau douce] primordial qui engendra les dieux,
Et Tiamat [la mer] qui les enfanta tous,
Mêlaient leurs eaux en un tout.
Nul buisson de roseaux n'était assemblé,
Nulle cannaie n'était visible [la végétation n'existait pas],
Alors qu'aucun des dieux n'était apparu,
N'étant appelé d'un nom, ni pourvu d'un destin,
En leur sein, des dieux furent créés. »

Le couronnement de Marduk (tablette VI, 93-100) :

« Il érigea un trône royal
Qui dépassa ceux des autres dieux,
Et au milieu de l'Assemblée des dieux,
Anu y installa Marduk.
Et les grands dieux,
Unanimes,
Exaltèrent les destins de Marduk
Et se prosternèrent devant lui [...].
Ils lui octroyèrent d'exercer la royauté sur les dieux,
Le confirmant dans le Pouvoir absolu
Sur les dieux du ciel et de la terre [...][1]. »

Introduction de la glorification (tablette VI, 119-122) :

« Et si les Têtes-noires (les humains), sont divisées quant à leurs dieux privés,
Nous autres (les Dieux), de quelque nom que nous le nommions, qu'il soit seul notre Dieu!
Epelons donc ses cinquante Noms
Pour démontrer la gloire de sa personne, et pareillement de ses œuvres[1]! »

Notes et références

  1. Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Lorsque les dieux faisaient l'homme, Gallimard, 1989.

Bibliographie

Traductions

  • Jean Bottéro et Samuel N. Kramer, Lorsque les dieux faisaient l'Homme, Paris, Gallimard, coll. « NRF », , p. 602-679
  • (en) Benjamin R. Foster, Before the Muses: an Anthology of Akkadian Literature, Bethesda, CDL Press, , p. 350-401
  • Philippe Talon, Enūma Eliš : the standard Babylonian creation myth, Helsinki, The Neo-Assyrian text corpus project,
  • (de) Thomas R. Kämmerer et Kai A. Metzler, Das babylonische Weltschöpfungsepos Enūma elîš, Münster, Ugarit Verlag,
  • (en) Wilfried G. Lambert, Babylonian Creation Myths, Winona Lake, Eisenbrauns,
  • Philippe Talon et Stéphanie Anthonioz, Enūma eliš, "Lorsqu'en haut...", Paris, Les Editions du Cerf, coll. « Littératures anciennes du Proche-Orient » (no 22), , 380 p.

Analyses

  • (en) Thorkild Jacobsen, The Treasures of Darkness : A History of Mesopotamian Religion, New Haven, Yale University Press, , p. 167-191
  • (en) Wilfried G. Lambert, « Myth and Mythmaking in Sumer and Akkad », dans Jack M. Sasson (dir.), Civilizations of the Ancient Near East, New York, Scribner, , p. 1825-1835
  • (en) Wilfried G. Lambert, « Mesopotamian Creation Stories », dans Markham J. Geller et Mineke Schipper (dir.), Imagining Creation, Leyde, Brill, , p. 15-59
  • (en) Eckart Frahm, « Counter-texts, commentaries, and adaptations: politically motivated responses to the Babylonian Epic of Creation in Mesopotamia, the Biblical world and elsewhere », Orient, no 45, , p. 8-13
  • (en) Andrea Seri, « The Role of Creation in Enūma eliš », Journal of Ancient Near Eastern Religions, no 12, , p. 4-29
  • (de) Gösta Gabriel, enūma eliš - Weg zu einer globalen Weltordnung : Pragmatik, Struktur und Semantik des babylonischen "Lieds auf Marduk", Tübingen, Mohr Siebeck,
  • Maria Grazia Masetti-Rouault, « Littérature, mythe et idéologie : mythes et modèles des récits de la création du monde - Lecture de l’Enuma Elish 1 », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses, vol. 126, , p. 85-102 (DOI 10.4000/asr.2538, lire en ligne)
  • Maria Grazia Masetti-Rouault, « Littérature, mythe et idéologie : mythes et modèles des récits de la création du monde - Lecture de l’Enuma Elish 2 », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses, vol. 127, , p. 21-38 (DOI 10.4000/asr.3227, lire en ligne)

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