Esprit tutélaire

Un esprit tutélaire (en latin spiritus tutelaris), dieu tutélaire ou divinité tutélaire est une entité héritée ou acquise présidant à la destinée d'un individu, d'une collectivité, d'une époque, d'un lieu ou d'une ville, placées sous sa protection.

Maisons des esprits en Thaïlande
Lararium représentant les divinités tutélaires de la maison : un génie central entouré de deux lares avec un serpent gardien
Deux divinités gardiennes d’une tombe des dynasties du NordTang, les deux montrant des caractéristiques caucasoïdes.

Il convient de différencier les expressions « esprit auxiliaire » (terme le plus général), « esprit tutélaire », « esprit gardien », « esprit familier », « génie », « anges gardiens », « double », etc. qui font référence à des systèmes culturels différents.

L'esprit tutélaire dans le mazdéisme

La fravashi des Mazdéens est un esprit protecteur (fravashi, « protection »), un ange gardien et l'archétype spirituel de l'homme pieux ; c'est une entité qui préside à la génération (génie). L’Avesta dit ceci : « Les bons, héroïques, saints Esprits tutélaires des pieux, nous les vénérons »[1].

L'ange gardien dans le christianisme

Chez les chrétiens, l'ange gardien est un esprit tutélaire ou auxiliaire.

Le double dans les traditions africaines

Ce thème a été étudié par Lucien Lévy-Bruhl, dans L’âme primitive[2]. Chez les Dschagga (au Niger), le figuier des banians « apparaît sous deux aspects comme le protecteur des jeunes vies : d’une part à cause de la force de rajeunissement que lui donnent ses racines aériennes, de l'autre à cause de sa sève douce et laiteuse qui coule si abondamment qu'elle guérit toutes les blessures de l'écorce » : on emmaillote le bébé, l'initié avec une étoffe faite de cette écorce[3]. En Côte-de-l'Or, le kra n’est pas l’âme, mais l’ange gardien ; « le kra a l’apparence extérieure de l'homme dont il habite le corps, il s'en va quand l'homme dort, c'est plutôt un ange gardien qui vit à l'intérieur de l'homme et qui se sépare de lui quand il meurt »[4] ; de même le ntoro chez les Achanti[5]. Chez les Bantou, « Mungalo vous dira qu’il est son propre grand-père, Mungalo, revenu à la vie. En même temps il vous dira que Mungalo est son génie, son ange gardien » (guardian spirit, personal my god)[6].

L'esprit-maître chez les chamanes sibériens

« Les esprits-maîtres sont les maîtres de certaines espèces animales, des territoires où gîte le gibier, de phénomènes comme le feu, la foudre, le vent, etc. La grande majorité des peuples de Sibérie se représentent l'esprit-maître du feu comme une vieille femme assise courbée dans les flammes du foyer. L'esprit-maître de la forêt gouverne les espèces animales qui intéressent les chasseurs. Le chamane sert d'intermédiaire entre les hommes et les esprits. Après avoir incorporé ses esprits (par les aisselles, par l'anus, par le sinciput ou par la bouche), le chamane envoie son âme, c'est-à-dire son double animal, dans les territoires mythiques de l'au-delà, soit pour reprendre l'âme du malade emportée par un esprit, soit pour dérober une âme-oisillon de petit enfant qu'il rapportera à une femme stérile, soit pour conduire l'âme d'un mort dans le monde inférieur, soit encore pour toutes autres tractations avec les esprits concernant l'obtention du gibier ou la guérison d'un malade. Les toungouses ne recherchent pas la vocation. Bien au contraire, elle est imposée par un esprit, en règle générale un ancêtre chamane, au cours d'une maladie qui peut durer des années. Les esprits chamaniques sont : a) les ancêtres chamaniques, b) les esprits zoomorphes, serviteurs du chamane, c) les esprits susceptibles d'être maîtrisés par le chamane[7]. »

L'esprit tutélaire chez les Nord-Amérindiens

« Les Indiens pensent avec humilité que l'homme n'est que peu de chose, comparé à ces êtres puissants que sont l'ours ou le bison. La quête de pouvoir revêt en Amérique du Nord deux formes : a) une recherche quotidienne de contacts magiques ; un Indien Papago trouve une pierre d'aspect étrange, il la ramasse et se dit : "C'est un objet de pouvoir, peut-être est-elle capable d'apporter la pluie" ; b) une vision d'un Esprit tutélaire ; les Indiens appellent cette démarche : rechercher une vision. Lorsqu'un Indien Sanpoil atteint l'âge de la puberté, son père l'envoie à la recherche d'un Esprit tutélaire. Plus un homme possède l'Esprits tutélaires plus grandes sont ses chances dans la vie. Un chef dispose d'au moins trois ou quatre alliés différents. L'esprit qui se présente a parfois les traits d'une femme, parfois d'un animal, parfois d'une charge de guerriers à cheval. Il laisse fréquemment, avant de se retirer, un signe de son passage : quelques poils de bison, une plume d'aigle. Il enseigne un chant, qui est une sorte de signal auquel il accourt. L'esprit qui se présente n'est pas toujours le bienvenu, celui du Coyote est réputé peu sûr. Chez les Sanpoil, environ 90 % de la population s'enorgueillit de posséder un Esprit ou plus[8]. »

Le nahual chez les Mésoméricains

Le nahual (mot d'origine nahua qui peut être également orthographié nagual) est, chez les Mésoaméricains, la forme animale que certaines personnes peuvent revêtir ou l'animal-compagnon auquel chacun est spirituellement relié toute sa vie. Le nahual est un esprit tutélaire qui peut être un animal particulier existant, ou bien le représentant archétypal d'une espèce animale. Cet animal est sympathiquement lié à la personne, celle-ci pourrait se métamorphoser en cet animal, mais surtout l'animal en question est donné, il s'impose comme gardien dès la naissance, à partir d'évènements fortuits. On peut distinguer nahual et tonal. Selon Carlos Castaneda, « The tonal and the nagual are two different worlds. In one you talk, in the other you act » (Tales of Power).

L'esprit familier dans le spiritisme

Une des premières expériences d'Allan Kardec, le fondateur du spiritisme en 1857, fut, le , d'entendre des coups contre le mur, d'interroger la table tournante et de recevoir ce message : « C'est moi qui ai frappé ; c'est moi ton esprit familier. Pour toi, je m'appellerai la Vérité, et, à raison d'un quart d'heure, une fois par mois, je serai à ta disposition »[9].

Notes et références

  1. Avesta, yasht 13, v. 49-50
  2. Lucien Lévy-Bruhl, L'âme primitive (1927), PUF, p. 26, 27, 238, 240, 434.
  3. L’âme primitive, p. 26
  4. L’âme primitive, p. 240, 241
  5. selon Rattray, Ashanti, p. 36.
  6. L’âme primitive, p. 249.
  7. Laurence Delaby, in Dictionnaire des mythologies, Flammarion, 1981, t. I, p. 369-376
  8. Serge Bramly, Terre Wakan. Univers sacré des Indiens d'Amérique du Nord, Robert Laffont, 1974, p. 43-48
  9. .

Bibliographie

  • Ruth F. Benedict, « The Concept of the Guardian Spirit in North America », Memoirs of the American Anthropological Association, t. 29, Menasha, Visconsin, 1923
  • Henry Corbin, L'homme et son ange, Ed. Fayard, 1983
  • Mircea Eliade, Le chamanisme (1968), Payot, p. 85 sq.
  • Alfred B. Ellis, The Tshi-speaking Peoples of the Gold Coast of West Africa (1887), Anthropological Publications, Oosterhout, 1966, 343 p.
  • Encyclopedia Britannica : "guardian-spirit"
  • James G. Frazer, Totemism and Exogamy (1910, 4 t.), t. III, p. 370-456, Routledge/Curzon, 2000, 2800 p.
  • Mercedes de la Garza, Le Chamanisme nahua et maya : Nagual, rêves, plantes-pouvoir, trad., Guy Trédaniel, 1990.
  • Lucien Lévy-Bruhl, L'âme primitive (1927), PUF.
  • H.-Ch. Puech dir., Histoire des religions, Gallimard, « Pléiade », t. III, 1976, p. 751-770 (Indiens d’Amérique), p. 911-916 (peuples arctiques), p. 1364.
  • Pierre A. Riffard, Nouveau dictionnaire de l'ésotérisme, Payot, 2008.

Voir aussi

Articles connexes

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