David Hahn
David Hahn, né en octobre 1976 et mort en septembre 2016[1], a essayé de construire un surgénérateur nucléaire en 1994, à 17 ans, dans le hangar de son jardin dans la banlieue de Détroit aux États-Unis. Bien que son réacteur n'ait jamais atteint la masse critique, Hahn a attiré l'attention de la police locale quand, au détour d'une fouille de son véhicule, celle-ci a trouvé des matériaux douteux qu'il présentait comme radioactifs. La maison de sa mère et ses alentours furent nettoyés par l'Environmental Protection Agency 10 mois plus tard, dans le cadre du plan Superfund. Il obtint le rang de Eagle Scout (le plus haut rang des scouts aux États-Unis) peu après que son laboratoire a été démantelé[2].
Bien qu'il n'ait originellement pas reçu beaucoup d'attention, il fut plus largement connu après un article publié en 1998 par le journaliste Ken Silverstein dans la revue Harper's Magazine[3]. Silverstein lui consacra aussi un livre, The Radioactive Boy Scout en 2004[2]. Il est très probable que Hahn ait reçu des doses significatives de radiation. Adulte, il servit dans l'US Navy et dans la United States Marine Corps. Il fut plus tard soigné pour cause de maladie mentale, et son décès à l'âge de 39 ans fut lié à la consommation d'alcool.
Création du réacteur
Hahn était passionné par la chimie. Il avait passé des années à s'exercer à la chimie dans le sous-sol de sa maison (ce qui causa de temps à autre de petites explosions) et essayait de récolter des échantillons de tous les éléments du tableau périodique, y compris ceux radioactifs. Il remporta plus tard un badge du mérite dans l'énergie atomique et se lança dans la création d'un surgénérateur nucléaire. Il amassa des matériaux radioactifs récupérés dans des produits commerciaux civils, parfois volés, tels que l'américium des détecteurs de fumée, le thorium des manchons de lanternes à gaz, le radium des peintures phosphorescentes des (anciennes) horloges et le tritium contenu dans certains viseurs pour arme à feu. Son réacteur se constituait d'un grand creuset en plomb, et il dépensa même 1 000 $ en batteries pour en extraire le lithium de celles-ci afin de purifier les cendres de thorium avec un bec Bunsen.
Hahn se présentait comme un scientifique adulte ou un professeur de lycée pour gagner la confiance de plusieurs professionnels avec qui il échangeait des lettres – il réussit malgré des fautes d'orthographe et des erreurs évidentes. Il espérait à terme pouvoir enrichir ses échantillons de thorium et d'uranium[4].
Bien que très loin de la masse critique, son réacteur artisanal finit par émettre des niveaux de radioactivité dangereux (autour de mille fois le rayonnement de fond normal). Alarmé, Hahn commença à démanteler ses expériences, mais une rencontre fortuite avec la police mena à la découverte de ses activités et déclencha une urgence radiologique fédérale (Federal Radiological Emergency Response) impliquant le FBI et la Commission de réglementation nucléaire des États-Unis. Le 26 juin 1995, l'agence de protection de l'environnement déclara la propriété familiale couverte par le Superfund, une loi fédérale américaine visant à nettoyer les sites souillés par des déchets dangereux. Le hangar fut démantelé et son contenu enterré en tant que déchets radioactifs de bas niveau dans l'Utah. Sa mère, craignant de perdre sa maison si l'étendue des radiations était connue, avait déjà commencé à récupérer la majorité des matériaux radioactifs et les jeter parmi les déchets conventionnels. Hahn refusa toute évaluation médicale de son exposition aux radiations.
Carrière
Hahn entra en dépression après le scandale, problème exacerbé par la rupture avec sa petite amie ainsi que le suicide de sa mère, en 1996[2]. Bien qu'il réussît ses études au lycée, il n'avait pas de plan pour la suite. Son père et sa belle-mère l'encouragèrent d'abord à aller à l'université. Il commença une formation de métallurgiste mais séchait fréquemment les cours[2]. On l'encouragea à entrer dans l'armée, il s'engagea alors dans la Navy, et fut affecté sur le porte-avion nucléaire USS Enterprise en tant que matelot. Après une mission de quatre ans, il obtint le rang de spécialiste des communications intérieures[2].
Hahn avait espéré obtenir une carrière de spécialiste nucléaire. Les scientifiques de l'agence de protection de l'environnement pensent que son espérance de vie a peut-être été largement réduite du fait de son exposition aux radiations, particulièrement en considération de son temps passé dans le petit hangar peu aéré, avec des mesures de précaution minimales. Toutefois, il ignora leur recommandation de se faire examiner à la centrale nucléaire Enrico Fermi.
Après la Navy, Hahn s'engagea dans les Marines et fut mobilisé au Japon. Après quelques années, il fut démobilisé pour raisons médicales.
Vol de détecteurs de fumée
Le 1er août 2007, Hahn fut accusé de vol à Clinton, en banlieue de Détroit, pour avoir enlevé les détecteurs de fumée du hall de son immeuble, a priori dans le but d'en extraire de l'américium[5],[6],[7]. Dans sa photographie d'identité judiciaire, son visage est couvert de lésions ce que les enquêteurs ont attribué à son irradiation[8]. Lors de son audience à une Cour de circuit, Hahn plaida coupable à l'accusation de tentative de vol. D'après les archives en ligne de la cour, les procureurs recommandèrent que sa condamnation se limite à son temps passé en détention provisoire, et à une hospitalisation de force. Il fut condamné à 90 jours de prison, une peine différée de six mois, le temps qu'il reçoive des soins médicaux à l'unité psychiatrique de la prison du comté de Macomb[9].
Mort
David Hahn est mort le mardi 27 septembre 2016 à l'âge de 39 ans. Il vivait alors dans le canton de Shelby dans le Michigan[1],[10]. Depuis, son père a confirmé que sa mort est due à une intoxication alcoolique[11].
Dans la culture populaire
À l'époque, l'incident reçu une maigre couverture médiatique, mais ceci changea après la parution d'un article de Ken Silverstein dans le Harper's Magazine en 1998[3]. En 2004, Silverstein développa son récit de l'histoire dans un livre, The Radioactive Boy Scout. En 2016, il est fait mention d'un film basé sur le livre[12].
En 1999, Justin Kasper et Fred Niell, étudiants en physique à l'Université de Chicago dans le cadre d'une chasse au trésor qui requerrait notamment « un surgénérateur construit dans un hangar » ont réussi à construire un réacteur nucléaire similaire qui a produit des traces de plutonium.
Dans l'épisode « Page Turner » des Experts : Manhattan, le personnage de Lawrence Wagner est inspiré de David Hahn.
Un documentaire télévisé, The Nuclear Boyscout, fut diffusé sur Channel 4 au Royaume-Uni en 2003. Dans celui-ci, Hahn démontre certaines de ses méthodes devant la caméra.
Les expériences de Hahn ont fait des émules, particulièrement dans le cas de Taylor Wilson qui, à l'âge de 14 ans, est devenu la plus jeune personne à faire de la fusion nucléaire.
Dans l'épisode « Le réacteur nucléaire » de la série Young Sheldon, le personnage de Sheldon tente de fabriquer un réacteur nucléaire en extrayant l'américium d'une centaine de détecteurs de fumée.
Dans l'épisode "l'ennemi d'Homer" de la série Les Simpson, le Personnage de Martin Prince fabriquera un réacteur nucléaire fonctionnel.
Le Youtuber Français AstronoGeek lui consacre une vidéo en avril 2021 sur sa chaine intitulé "David Hahn, l'ado qui a fabriqué un réacteur nucléaire chez lui"[13]
Bibliographie
Ouvrage
- (en) Ken Silverstein, The Radioactive Boy Scout: The Frightening True Story of a Whiz Kid and His Homemade Nuclear Reactor, Villard, , 240 p. (ISBN 0-8129-6660-0)
Articles
- (en) Ken Silverstein, « The Radioactive Boy Scout: When a teenager attempts to build a breeder reactor », Harper's Magazine,
- (en) Albert Ghiorso, « Pitfalls of self-guided science : Book review of The Radioactive Boy Scout: The Frightening True Story of a Whiz Kid and His Homemade Nuclear Reactor », Chemical and Engineering News, , p. 36-37 (lire en ligne)
Références
- (en) « David Charles Hahn », sur tributes.com, (consulté le )
- Silverstein, Ken., The radioactive boy scout : the true story of a boy and his backyard nuclear reactor, Random House, (ISBN 0-375-50351-X, 9780375503511 et 1415574774, OCLC 52386153, lire en ligne)
- (en) « The Radioactive Boy Scout », sur harpers.org, (consulté le )
- Kean, Sam., The disappearing spoon : and other true tales of madness, love, and the history of the world from the periodic table of the elements, Little, Brown and Co, , 400 p. (ISBN 978-0-316-05164-4, 0316051640 et 9780316051637, OCLC 456551224, lire en ligne)
- (en) « The Weird Story Of The Swedish Man Who Tried To Build A Nuclear Reactor In His Kitchen », sur businessinsider.com, (consulté le )
- (en) « Man dubbed 'Radioactive Boy Scout' pleads guilty » [archive du ], sur web.archive.org, (consulté le )
- (en) « Man dubbed 'Radioactive Boy Scout' pleads guilty », sur freep.newspapers.com, (consulté le )
- (en) « 'Radioactive Boy Scout' Charged in Smoke Detector Theft », sur foxnews.com, (consulté le )
- (en) « 'Radioactive Boy Scout' Sentenced to 90 Days for Stealing Smoke Detectors », sur foxnews.com, (consulté le )
- (en) « David Hahn Obituary - Shelby Township, Michigan », sur legacy.com, (consulté le )
- (en) « Man who tried to build a homemade nuclear reactor didn’t die of radiation poisoning », sur arstechnica.com, (consulté le )
- (en) « ‘Radioactive Boy Scout’ Movie About Real Teen Nuke Builder in the Works (Exclusive) », sur thewrap.com, (consulté le )
- « 🪐❔David Hahn, l'ado qui a fabriqué un réacteur nucléaire chez lui » (consulté le )
Liens externes
- (en) le scout nucléaire — Channel 4
- (en) Le badge de mérite nucléaire — Christian Science Monitor
- (en) L'histoire du Scout Radioactif — Harpers Magazine
- (en) Le Scout radioactif — Ken Silverstein
- (en) Détecteur de fumée et Scout radioactif
- (en) Rapport de l'EPA
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