Démétrios Damilas

Démétrios Damilas (appelé aussi Demetrius Mediolaneus - càd Démétrios de Milan, Demetrius le Crétois, et identifié au Librarius Florentinus), copiste, typographe et graveur de caractères en langue grecque, est né à Crète à la fin de la première moitié du XVe siècle et il est mort après l'an 1506.

Biographie

Démétrios Damilas appartenait à une famille d'origine crétoise, qui avait prospéré pendant la domination vénitienne et qui plus tard s'etait transférée à Milan (Damilas est une hellénisation de « da Milano »). Avec son frère Antónios, Démétrios arriva en Italie après la chute de Constantinople. Il etait à la fois dessinateur et graveur des caractères et aussi éditeur de son ouvrage. Il fit paraître en 1476 - en terminant la presse exactement le - en collaboration avec le typographe Dionisio Paravicino (ou Dionisio de Parravisino) un volume contenant la Grammaire, ou Erotemata, ou Epitome de Constantin Lascaris : c'était la première œuvre grecque publiée en Europe[1].

Lascaris, Épitomé, 1476

Cette édition comporte 72 feuillets, sans pagination, ni marques, ni rappels. Le colophon, en latin, se trouve au verso du dernier feuillet. La préface de Démétrio est dédiée τοις εὖ γεγονόσι καὶ σπουδαίοις (en latin, ingenuis ac studiosissimis adolescentibus). Le texte grec de la préface est suivi de la traduction en latin.

Démétrios dessina les caractères pour la composition de ce livre et probablement en réalisa aussi la fusion en métal. Cette série de caractères est appelée « premier type milanais ». Pour ressembler autant que possible à l'écriture manuscrite, Démétrios créa un grand nombre de ligatures, pour rendre ainsi fluide le texte imprimé[2].

Angelo Poliziano dédia aux deux éditeurs l'épigramme In Demetrium Cretensem et Dionysium Paravisinum, graecorum voluminum impressorum (Venise, 1498).

À Florence

Démétrios Damilas se rendit ensuite à Florence, avec ses caractères, qui lui servirent en 1488/1489 pour un grand accomplissement de la Renaissance italienne : une editio princeps des œuvres d'Homère - inclus Iliade et de Odyssée - qui a contribué à la renaissance des lettres grecques en Europe occidentale[3]. Cette œuvre fut réalisée sous la supervision du linguiste athénien Démétrios Chalcondyle qui, autour de 1478, écrivit à Giovanni Lorenzi - qui avait été son élève à l'Université de Padoue et qui à ce moment-là, à Rome, était familier du cardinal Marco Barbo : « Il se trouve, comme vous le savez, Démétrios le Crétois, un calligraphe sans pareil, qui les dépasse tous en précision » (« C'è qui, come sai, Demetrio cretese, calligrafo non inferiore ad alcuno, che supera tutti in accuratezza »)[4],[5].

Cette édition, financée par les frères Bernardo et Neri de' Nerli et par Giovanni Acciaiuoli, est considérée comme le plus beau livre grec imprimé en Italie en XVe siècle. Porte en avant texte, une lettre de Neri de' Nerli, dédiée a Pietro de' Medici et une préface de Chalcondyle aux lecteurs[6].

Damilas était aussi un excellent copiste et Chalcondyle lui demanda une copie de la Géographie de Strabon, commandée par Lorenzo de' Medici et qui fut exécutée sur l'exemplaire de Giovanni Lorenzi qui est aujourd'hui à la Bibliothèque nationale de Paris (Fonds grec, 1394).

À Rome

La présence à Rome de Damilas est signalée par les registres de la Bibliothèque apostolique vaticane : il demanda en prêt, le , un livre de Claude Ptolémée qu'il restitua le de la même année. Son nom est aussi présent dans les registres de prêt de la bibliothèque, jusqu'en 1504[7]. Le , avec un motu proprio, le pape Jules II lui donna la charge de scriptor des manuscrits grecs de la Bibliothèque vaticane : Damilas fut ainsi le premier copiste officiel - dans cette bibliothèque - pour la transcription des codex grecs[8]. En , il reçut 6 ducats d'or pour son travail de copiste.

Identification d'un amanuense

Le paléographe belge Paul Canart a identifié Damilas avec le fameux "Librarius Florentinus", qui avait copié de nombreux codes vaticans, avec une élégante écriture, ronde et souple, et qui avait été actif à Florence, comme à Rome. Cette identification a profité de la comparaison avec l'édition milanaise de Epitome de Constantin Lascaris, où était présente la préface de Démétrios Damilas[9].

Ce copiste et éditeur a marqué le passage - pour la langue grecque - entre le manuscrit et le moderne ars artificialiter scribendi, c'est-à-dire l'impression : il a été à la fois le copiste de chefs-d'œuvre manuscrits grecs de l'époque humaniste et l'auteur de volumes imprimés en caractères grecs. Paul Canart a précisé : « Il resterait, bien sûr, à enrichir la liste des manuscrits copiés par Damilas et à entreprendre leur étude codicologique détaillée, à établir un schéma d'évolution de son écriture, à comparer celle-ci non seulement avec l'écriture de César Stratègos, mais avec celle d'autres contemporains. »

Notes

  1. Detorakis 1994, p. 209.
  2. Rogledi Manni 1980, p. 41.
  3. Ridolfi 1958, p. 95-111.
  4. Manuscrit. Bibliothèque apostolique vaticane, vat. lat. 5641, f. 2r-v.
  5. Cammelli 1954, p. 89 à s.
  6. Rhodes 1984, p. 33 à s.
  7. M. Bertola, I due primi registri di prestito della Biblioteca Vaticana. Codices Vaticani Latini 3964-3966, Cité du Vatican, 1942, pages 60 à s., 84, 102.
  8. Dans le motu proprio de Jules II, 19 février 1506, il est appelé : Demetrio da Mediolano, greco oriundo.
  9. Paul Canart 1994, p. 281-347.

Bibliographie

  • (it) Giuseppe Cammelli, « Demetrio Calcondila », I dotti bizantini e le origini dell'Umanesimo, Florence, Le Monnier, no III, , p. 89 à s..
  • (it) Carla Casetti Brach, sv DEMETRIO da Creta, en Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 38, 1990.
  • (it) Roberto Ridolfi, La stampa in Firenze nel secolo XV, Florence, L. S. Olschki, , p. 95-111.
  • (it) A. Pertusi, « ᾿Ερωτήματα. Per la storia e le fonti delle prime grammatiche greche a stampa », Italia medioevale e umanistica, Padoue, Antenore, vol. V, , p. 321-328.
  • Paul Canart, « Démétrius Damilas alias le "Librarius Florentinus" », Rivista di studi bizantini e neoellenici, nos 14-16, 1977-1979, p. 281-347.
  • (it) Teresa Rogledi Manni, La tipografia a Milano nel XV secolo, Florence, L. S. Olschki, , p. 41.
  • (it) Dennis E. Rhodes, La stampa a Firenze: 1471-1550: omaggio a Roberto Ridolfi, Florence, L. S. Olschki, , p. 33 à s.
  • (en) Theocharis E. Detorakis, History of Crete, Heraklion, Mystys, .

Articles connexes

Liens externes

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