Critique du libéralisme libertaire

Critique du libéralisme libertaire est un ouvrage de Michel Clouscard, publié en 1986. L'auteur a permis sa ré-édition en 2006 aux éditions Delga.

Critique de l'infléchissement tendancieux du concept de liberté

Cet ouvrage veut prévenir le lecteur contre la subversion subtile du concept de liberté dans le débat public sous l'impulsion du modèle de société voulu par les possédants en régime capitaliste[1]. Il oppose donc une conception de la Liberté qu'il juge réactionnaire et dont il montre les fondements philosophiques, défendue ou reprise par de nombreuses figures intellectuelles et une autre, fondatrice du pacte égalitaire républicain.

Thèses

C'est donc l'étude de la généalogie philosophique et idéologique de la contre-révolution constituée par le libéralisme libertaire selon Michel Clouscard. De la Révolution Française à nos jours, les intellectuels français se sont écartés des conceptions fondatrices du contrat social qui prévalaient dans la conception républicaine depuis Rousseau. En effet, ce dernier qualifié par Kant de « Newton de la Morale[2] » a jeté les bases de la conception morale puisqu'il montre que l'utilité et le sens même du jugement moral trouve sa source dans le bénéfice à l'état sociable dans lequel l'individu aliène une part légitime de sa liberté mais en trouve l'intérêt dans le Bien Commun qu'il contribue ainsi à fonder. Rousseau, égalitariste radical, cherche à construire - de fait - l'opposé de l'indifférence envers l'autre défendu indirectement par les tenants du libéralisme existentiel et économique.

Clouscard entend donc montrer quelles sont les conceptions qui forment l'arrière-plan politique de la pensée philosophique d'auteurs comme Sartre, Lacan, Foucault, Barthes, Levi-Strauss, etc. Il cherche à mettre en lumière les liens entre des conceptions de l'histoire humaine, de l'individu ou de la liberté de désirer qui peuvent sembler séduisantes mais grèvent la nécessité de responsabiliser l'individu et entrent en contradiction avec la conception qu'un devoir doit être recherché pour qu'il y ait liberté et non le simple règne du plus fort.

Toute la critique de l'Ancien Régime doit donc être reconstituée selon Clouscard et on doit encore actualiser les figures intellectuelles contre lesquelles il faut polémiquer si l'on veut combattre le capitalisme dans ses principes même. Il ne s'agit pas d'un retour aux thèses de Rousseau, mais un hommage à son « génie dialectique[3] » pour discerner ce qui est commun derrière les différentes écoles de pensée qui fustigent ou ignorent le matérialisme dialectique et historique dont Rousseau est l'initiateur manifeste pour Clouscard. Alors l'ouvrage s'ouvre sur une ré-édition du projet critique de Rousseau contre les figures de l'intelligentsia contemporaine et ce, afin de dévoiler les bases philosophiques du rapport à l'autre qui peut régir les rapports sociaux et inter-subjectifs dans la modernité actuelle.

« Le "divin Jean-Jacques" nous a montré la voie : le socialisme doit être démocratique et l'intersubjectivité doit être psyché pour que l'homme se réconcilie avec lui-même[4]. »

Rousseau, genèse de la conscience moderne

Michel Clouscard resitue donc d'abord l'œuvre de Rousseau comme la genèse de la conscience moderne (laïque, autonome) dans le contexte de la connivence des deux idéologies dominantes de l'Ancien Régime. Il montre la dualité de complémentarité du matérialisme positiviste (notamment celui des Encyclopédistes), des naturalistes et des libertins (Sade, Restif de la Bretonne) d'une part et d'autre part des tenants soit de la théocratie absolutiste de droit divin (Grotius) soit des épigones des philosophie du droit naturel (notamment Hobbes).

« Rousseau va procéder à une critique radicale de l'Ancien Régime, en ce sens qu'il inclut le sujet de la critique — la bourgeoisie éclairée — dans l'objet de la critique — l'Ancien Régime[5] »

Notes et références

  1. Cf. la société civile contre l'État, Association pour Michel Clouscard.
  2. Bemerkungen, AK, XX 058 059, Remarques..., trad. B. Geonget, Vrin, 1994, p.140.
  3. « Quel commentateur, et Dieu sait qu'ils sont nombreux, a expliqué Rousseau par son génie dialectique ? », Critique du Libéralisme Libertaire, Paris, Delga, 2006, p.21.
  4. Critique du Libéralisme Libertaire, Paris, Delga, 2006, p.366.
  5. Critique du Libéralisme Libertaire, Paris, Delga, 2006, p.28.

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