Crise générale

La thèse d'une crise générale  General Crisis ») a été avancée par certains historiens modernistes, essentiellement anglo-saxons, pour qualifier une période allant du début du XVIIe siècle aux prémices du XVIIIe. L'expression désigne une série de conflits et un contexte global d'instabilité qui auraient touché l'Europe, et, pour une historiographie plus récente, le monde dans son ensemble. Cette idée, avancée au cours des années 1950 et 1960, a depuis fait l'objet d'amples débats historiographiques.

Définition et historiographie

L'expression de « crise générale » a été formulée initialement par Eric Hobsbawm, dans une série d'articles publiés en 1954 dans la revue Past & Present[1]. Il fut repris et développé par Hugh Trevor-Roper[2] qui lui donna son acception usuellement admise, notamment dans un ouvrage de 1967, The Crisis of the Seventeenth Century. Quand Hobsbawm ne voit de ce déclin qu'un aspect économique, Trevor-Roper en fait un état de crise généralisée, ayant non seulement une valeur politique et militaire, mais aussi religieuse et sociale. Pour lui, le XVIIe siècle fait état d'une « crise dans la relation entre la société et l’État »[3].

Trevor-Roper voit les fondements de cette crise au milieu du XVIIe siècle, qui voit poindre une vaste rupture politique, économique et sociale en Europe, causée par une série de mutations d'ordre démographique et religieux. Ainsi, les événements disparates que sont la Révolution Anglaise, la Fronde en France, la guerre de Trente Ans dans le Saint-Empire romain germanique, ou les révoltes contre la couronne d'Espagne au Portugal, en Catalogne ou à Naples, seraient autant de manifestations différentes d'un même problème. Pour l'historien, la cause fondamentale de la « crise générale » serait un conflit latent entre la nouvelle organisation des États, marqués par une bureaucratisation et une centralisation puissante et croissante, et un état de fait ancien qui serait celui de la noblesse territoriale, ancrée localement. Un aspect également important réside dans les mutations intellectuelles et religieuses suscitées par la Renaissance et la Réforme protestante.

La thèse a été l'objet de vifs débats au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Si certains, comme Geoffrey Parker, soutiennent l'idée d'une crise, les historiens d'obédience marxiste, comme Hobsbawm, ont réduit ce hiatus aux seuls domaines économiques et sociaux. D'autres, encore, nient tout idée d'une crise généralisée, soit en nuançant l'ampleur des atermoiements politiques ou sociaux, comme Immanuel Wallerstein qui parle plutôt de « changement d'allure[4] », soit en refusant toute vision holiste de ces crises particulières

Aspects principaux

La pluralité des expressions de cette « crise » a été l'un des principaux objets de controverse. Usuellement, le XVIIe siècle est perçu comme une ère de troubles politiques et de conflits militaires, mais les traces de ces troubles ont été soulignées dans l'économie[5], et même dans l'art[6]. De fait, la guerre de Trente Ans (1618-1648) apparait comme une rupture dans l'histoire militaire et politique, du fait de son effet sur les populations et de l'instabilité endémique dont elle fut la cause à l'échelle européenne[7]. Sa violence et son étendue donnent à voir aux populations les effets potentiels des guerres de ces nouveaux États modernes et centralisés. Les années 1640 ont été perçues comme l'acmé des instabilités politiques : la République des Deux Nations disparait temporairement, le premier empire colonial, l'Espagne doit faire face à une série de sécessions, et l'Angleterre entre dans sa Première Révolution. En France, le pouvoir royal est déstabilisé par la Fronde. Les insurrections et les révoltes populaires semblent avoir touché indifféremment tous les États européens: à l'échelle mondiale, le milieu du XVIIe siècle a vu se dérouler plus de guerres que n'importe quelle autre période de l'histoire écrite[8].

Le courant récent de l'histoire globale, a mis en valeur la dimension mondiale de cette crise. En 1644, la Chine Ming s'effondre sous le coup de mutations économiques, dans un contexte d'insurrection. Ce changement dynastique bouleverse l'évolution de l'organisation chinoise, déjà bureaucratique. De même, le Shogunat Tokugawa entre dans une logique d’insurrection, de répression et d'isolement diplomatique. Les points communs de ces mutations avec les bouleversements européens ont été mis en exergue[9].

Conflits et guerres

Sont fréquemment cités comme expression de cette « crise » :

Notes et références

  1. (en) Eric Hobsbawm, « The General Crisis of the European Economy in the 17th Century: I », Past & Present, no. 5 (May 1954), p. 33-53 ; and « The Crisis of the 17th Century: II », Past & Present no. 6 (November 1954), p44-65.
  2. (en) Trevor-Roper, Hugh. "The General Crisis of the Seventeenth Century" in Past and Present, Vol. 16 (1959).
  3. (en) Aston, T (directeur) : Crisis in Europe, 1560-1660. Routledge, London 1965, p 67.
  4. Wallerstein Immanuel. Y a-t-il une crise du XVIIe siècle ?. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 34e année, N. 1, 1979. pp. 126-144.
  5. (en) Jan de Vries, "The Economic Crisis of the Seventeenth Century after Fifty Years," Journal of Interdisciplinary History (2009) 40#2 pp. 151-194 in JSTOR
  6. (en) Peter Burke, "The Crisis in the Arts of the Seventeenth Century: A Crisis of Representation?" Journal of Interdisciplinary History (2009) 40#2 pp. 239-261 in JSTOR
  7. (en) Peter H. Wilson, The Thirty Years War: Europe's Tragedy (2011)
  8. Geoffrey Parker, "Crisis and Catastrophe: The Global Crisis of the Seventeenth Century Reconsidered," American Historical Review (2008) 113#4 pp 1053-1079.
  9. (en) William S. Atwell, "Some Observations on the 'Seventeenth-Century Crisis' in China and Japan," Journal of Asian Studies (1986) 45#2 pp 223-244
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