Design industriel
Le design industriel est l'activité qui consiste à imaginer et créer, visualiser et concevoir un objet ou produit (en fonction d'un projet ou dessein, d'un concept ou idée), son dessin (formes, style), ses matériaux (couleurs, textures), ses fonctionnalités (usages), ses valeurs (appropriation), son utilisabilité (confort), son ergonomie (sécurité), avec pour objectifs d'augmenter son attractivité (apparence), sa pertinence (utilité), son efficience (rendement), sa fiabilité (durabilité), en intégrant et utilisant les arts et les sciences, en considérant ou optimisant des processus d'industrialisation (fabrication, stockage, transport, commercialisation, recyclage, réutilisations de systèmes, procédés ou pièces).
Il en résulte une concordance entre une demande (besoin exprimé ou proposé) et une offre (solution esthétique et technique), un équilibre entre une faisabilité (possibilités / marketing : contraintes / réalisation) et une rentabilité (production et diffusion en nombre : réduction de coûts et augmentation de marges), en relations avec tout ou partie des intervenants au long du projet (marketing, design, études R&D, ingénierie, méthode, industrialisation, production, commercialisation, recyclage), idéalement à leurs bénéfices et jusqu'à la satisfaction des utilisateurs finaux.
Cette démarche méliorative (créative et méthodologique, intuitive et analytique), d'un designer ou d'une équipe (soit à la source de l'élaboration d'un projet, soit orientée par des critères marketing), parfois complétée de brainstormings ou méthodes d'idéation, permet de proposer un objet ou produit associant des qualités esthétiques choisies (perception, sensation), parfois des originalités inattendues ou transposées (évocations stylistiques, l'objet pour lui-même), avec des caractéristiques techniques innovantes (technologiques, précurseurs), parfois des capacités de prospective ou transformation (évolutions d'un marché, modifications périphériques autres) : ces avantages concurrentiels augmentent les valeurs d'estime, d'usage et marchande (face aux offres similaires, alternatives, existantes ou non).
Selon l'International Council of Societies of Industrial Design (ICSID), « le design est une activité créative dont le but est d'élaborer les différentes caractéristiques d'objets, de procédés, de services, et des systèmes dans lesquels ces derniers seront intégrés au cours de leur cycle de vie. En conséquence, le design est le facteur central de l'humanisation novatrice des technologies et le premier facteur des échanges économiques et culturels[1]. »
Le concept, le développement et la finalité d'un projet de design industriel prolongent ceux de l'artisanat (relevant de techniques et méthodes de corps de métiers transmises dans le temps, de savoirs-faire et exécutions manufacturés de même artisans, de pièces uniques ou séries limitées non produites simultanément), et diffèrent de ceux de l'art (relevant d'une sensibilité unique d'auteur, d'œuvres centrées sur son expression ou influencées par leur environnement, avec pour conséquence prévalente la contemplation ou le questionnement).
Selon que l'aspect d'un produit et son attractivité sont en priorité issus du positionnement marketing en amont de la conception (marque, codes, sémiotique, références, mode, tendances) on peut alors parler de l'activité de stylisme industriel (évocations de sens synthétisés, symbolique), tandis qu'en priorité résultants de la rationalisation de la fabrication en aval de la conception (élaborations simultanées de produits ou gammes, contraintes de normes, méthodes ou assemblages, réduction de pièces différentes / similaires, économie de matières et temps) on peut alors parler de l'esthétique industrielle d'un objet (minimalisme de simplifications formelles, pragmatique).
Sans référence à la production en série, le design industriel est nommé design objet ou design produit.
Le design intégré dans le département marketing
Depuis que le taux d'équipement des foyers sature (1981 environ dans les pays occidentaux[réf. nécessaire]), la stratégie de renouvellement est subie dans tous les secteurs pour maintenir l'écoulement de la production. La définition du « besoin » se transforme. Par exemple, nous passons du besoin d'avoir une voiture au besoin de changer de voiture. Ce bouleversement conduit par l'équipe marketing se traduit dans le cahier des charges fournis aux stylistes et ingénieurs.
Le designer devra ainsi faire appel à un registre de formes et couleurs éphémères, un paraitre correspondant à l'identité de l'entreprise, s'inscrivant dans la tendance (supposée par des bureaux de tendances). Les équipes ingénieurs seront contraintes quant à elles de développer des produits à durée de vie limitée[réf. nécessaire], par l'économie de matières ou l'épuisement des systèmes techniques programmés. Cette nécessité peut-être favorisée aussi par la politique (de l'entreprise ou d'État) : réparation des produits d'un coût excessif, pièces de rechange inexistantes, nouvelles normes de sécurité, etc. Renouveler un produit, c'est ce qui consiste donc à rendre obsolète symboliquement ou techniquement les produits précédents et futurs et marginaliser ses usagers.
Pour renouveler un produit, les équipes de projet suivent plusieurs étapes (théoriques et variables selon les entreprises) :
- Analyse de l'existant : elle permet de mieux comprendre l'enjeu en cours, de voir la qualité des produits existants, d'établir un positionnement. On liste les avantages et les inconvénients de la concurrence.
- Définition d'une cible : le service marketing définit un client cible (étude de marché). Cette cible est sensible à des codes stylistiques selon son âge, sexe, profession, niveau social, etc.
- Recherches : les designers commencent leurs recherches de formes, de concepts par des croquis, des roughs, des maquettes de principe dans le but d'aboutir à un ou plusieurs modèles répondant au cahier des charges de départ et respectant les procédés de fabrication.
- Développement Mise au point d'une série de prototypes par l'équipe d'ingénieurs de développement de produit. À cette étape, la forme est souvent très modifiée par le designer et l'ingénieur pour s'adapter aux contraintes que le styliste ignore.
- Présentation des propositions sélectionnés devant la direction de l'entreprise pour une validation finale avant le lancement en production.
Le design possédant une éthique autre que celle de l'entreprise[pourquoi ?], son rôle est aussi d'assurer l'attitude responsable et humaine du produit lors de sa conception, et parfois plus en amont lors de la définition du besoin, de la tendance, qui d'ailleurs se base sur une dimension scientifique, statistique et non empirique. Le designer peut donc intervenir dans d'autres étapes de la production que la recherche et le développement.
En Italie, les entreprises ont très souvent un conseiller artistique intégré. Son avis s'impose avec celui du designer dans l'ensemble des phases de renouvellement d'un produit.
Le design industriel comme « design engineering »
Terme utilisé dans les pays anglo-saxons, signifiant une activité de conception technique. C'est une science du design développée par l'ingénierie dont le but est de déterminer la structure homogène d'un produit pour résoudre l'ensemble des contraintes industrielles qui s'y rattachent. Cette activité consiste à penser un objet technique avec des contraintes de production et économiques très lourdes. Par exemple, un profil d'aile d'avion est « designé » par les contraintes aérodynamiques, c'est-à-dire objectivement.
Le design industriel comme art appliqué à l'industrie
Pouvant intervenir en fin de projet à partir d'un cahier des charges (ou à des étapes clés du processus de concrétisation d'un produit), ce design élabore la forme de tout ou partie d'un objet, par la synthèse du projet en fonction de nombreuses contraintes (économiques, techniques, ergonomiques, fonctionnelles, sémiologiques), dirigé ou suivi par une équipe de design interne à l'entreprise, de dessinateurs industriels, d'une agence externe ou de designers free-lances, en coordination avec des ingénieurs ou autres spécialistes.
Complémentaire du marketing (ou de la R&D), ce design permet une approche qualitative en parallèle, parfois plus stylistique que structurelle (sans toutefois être superficielle ou anecdotique), appliquée aux objets pratiques et appareils usuels de grande consommation (habitat, électronique), de loisirs (sport, outillage) ou spécialisés (équipement professionnel, instrumentation médicale, transports).
Le design industriel comme stratégie innovante
C'est un processus de management, conduit le plus souvent par un designer, qui a pour objectif de faire avancer un projet innovant, son cahier des charges et sa concrétisation (sous une forme tangible ou virtuelle) en s'assurant de maintenir une cohérence entre les diverses compétences et étapes d'avancements. Cette démarche est caractérisée par une recherche d'innovation qualitative et porteuse de sens à l'opposé des innovations strictement techniques, utilitaristes ou mercantiles (gadget).
En France, l'établissement d'enseignement supérieur et de recherche qui fait référence à cet égard est l'École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI) "Les Ateliers", Paris.
Ce design est d'autant plus rare :
- qu'il doit être soutenu par toute l'entreprise (du chef d'entreprise au marketing en passant par les ingénieurs et designers. Apple en est un exemple.
- qu'il exige un risque (commercial et marketing) puisqu'il recherche de l'innovation et que l'inconnu fait partie de la stratégie. Les voitures Twingo et Smart ont eu des débuts difficiles pour ces raisons.[réf. nécessaire]
Dans la voie du low-tech, une innovation n'est pas forcément technique. On peut concevoir des produits très innovants sans une technologie pointue. Le design en ce sens propose une définition plus étendue de l'innovation et du progrès à l'opposé de la conception techniciste. Par exemple, l'iPod shuffle, ou comment proposer un lecteur mp3 sans écran.
L'innovation numérique et la diffusion des technologies de l'information et de la communication (TIC et NTIC) donnent au design une place stratégique au cœur de la nouvelle industrie et des grandes questions sociétales, et valorisent à nouveau la question du « que produire ». Elle ouvre la voie à la création de nouveaux objets, de nouveaux services, de nouveaux usages, de nouvelles représentations.
Le design industriel comme discipline autonome
Cette discipline revendique son autonomie vis-à-vis des beaux-arts et de l'architecture par la théorie et la pratique, et renie le qualificatif d'art appliqué (signifiant un art mineur). Il s'agit d'un design d'auteur ou de recherche ayant fait la synthèse de l'industrialisation, qui utilise les produits industriels comme de la matière première, l'industrie n'étant pas une finalité mais un moyen. C'est la méthode dite « undo-industrial » (« défaire l'industrie »).
« Industriel » signifiant davantage un contexte, on parle aussi de design post-moderne ou post-industriel (voir : Mathieu Lehanneur). Ce design confronte le problème et une solution par des scénarios-fictions avant la production.
Disciplines
Courants et écoles de pensées
Le « Good Design » de Dieter Rams
Ce qui a fait de la marque allemande Braun une référence dans les années 1960, c'est la confiance accordée par les dirigeants à son directeur artistique, Dieter Rams. Le « bon design »[2] ne peut être exécuté que si toute l'entreprise lui donne sa confiance.
Les finalités pour l'entreprise restant la vente, pour le designer, c'est le bénéfice du citoyen. Le designer se doit ainsi de trouver un moyen de satisfaire ces deux objectifs, parfois en grande contradiction. Il doit aussi à la fois être rassurant et audacieux.
Récompense
James Dyson a créé le prix James Dyson Award destiné aux étudiants de niveau universitaire en design industriel, design-produit ou ingénierie de dix-huit pays. Ce concours récompense l'ingéniosité et la créativité. Les lauréats sont nationaux et un lauréat international est désigné chaque année
Notes et références
- (en) Definition of Design - International Council of Societies of Industrial Design (ICSID)
- (en) Dieter Rams: ten principles for good design - Vitsœ
Voir aussi
Bibliographie
- D. Schulmann, Le design industriel (« Que sais-je ? », n° 2623), Paris, PUF.
Articles connexes
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