Coré (Bible)

Coré ou Koré, (en hébreu קרח, Qora'h, et en arabe َقَـٰرُون, Karoun) est un personnage biblique et coranique, chef d'une rébellion contre Moïse et Aaron, pendant la traversée du Désert (Nombres, 16). Il donne son nom à la parasha Qora'h.

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Le récit biblique

Lévite éminent de la lignée de Qehath, auquel s'allient Dathan et Abiron, princes de la tribu de Ruben, Coré mène une rébellion contre l'autorité de Moïse et d'Aaron, arguant que tout le peuple étant saint, l'autorité ne pourrait demeurer en les mains des deux frères. Moïse s'en remet au jugement divin : que chacun, Aaron et Coré apportent une offrande d'encens, afin de déterminer laquelle sera agréée. Coré et ses gens sont engloutis par la terre, mais Nombres 26, 11[1] précise « Les enfants de Coré ne moururent pas ». Les enfants de Coré sont : Assir, Elqana et Abiasaph (dont un descendant est le prophète Samuel)[N 1].

Flavius Josèphe

Flavius Josèphe rend קרח par Korés ou Koresh tandis que la Septante choisit Kore.

Dans le Talmud

Commentaire de Rachi, d’après le Midrash Tanhuma (en) [2]

(…) Qu’a fait Qora’h ? Il s’est dressé pour rassembler deux cent cinquante chefs de tribunaux (…). Il les a revêtus de vêtements entièrement faits de laine d’azur et ils se sont présentés devant Moïse en lui demandant : « Un vêtement entièrement fait de laine d’azur a-t-il besoin de tsitsith ou bien en est-il dispensé ? » Moïse répondit qu’il en avait besoin. Ils se sont esclaffés : « Se peut-il que pour un vêtement fait d’une étoffe différente, un seul fil de laine d’azur suffise à le rendre apte à être porté, et qu’un vêtement fait entièrement de laine d’azur ne se rende pas apte forcément de lui-même ?

« Et leurs femmes et leurs fils et leurs jeunes enfants »  : Vois comme peut être désastreuse une querelle : Un tribunal humain ne punit que celui qui porte les signes de la puberté, et celui de Là-Haut ne punit qu’à partir de vingt ans. Ici en revanche ont péri même les nourrissons


Apologue du Midrash Tanhuma (en), repris dans Nombres Rabba (en)

Kora’h trouva cet argument au temps de Moïse et d’Aaron pour essayer de se rallier le peuple. Une veuve habitait avec ses deux filles. Elle possédait seulement un petit champ, juste assez grand pour les nourrir péniblement. Alors que la veuve commençait à labourer son champ, Moïse lui dit: Fais attention de ne pas labourer en attelant un âne et un bœuf ensemble car il est ordonné : « Ne laboure pas avec un bœuf ou un âne attelés ensemble », Devarim 22:10. Lorsqu’elle voulut semer, Moïse la prévint encore : Il est ordonné de « Ne pas semer ton champ de graines hétérogènes », Vayikra 19:19. Lorsqu’elle voulut récolter, Moïse l’avertit : - « Ne glane pas les épis tombés - lékète » ,Vayikra 19:9. - « Ne retourne pas prendre les gerbes oubliées - chik’ha », Devarim 24:19, - enfin « Ne moissonne pas les coins de ton champ - péah », Vayikra 19:9.

Au moment d’engranger son blé, Moïse lui demanda de prélever : - la « térouma-maaseer » pour le prêtre, Devarim 18:4, = 1 %. - le « maasser rishone » pour le Lévi, Bamidbar 18:24 = 10 % - enfin le « maasser chéni », Devarim 14:22 = 10 % des récoltes des 1re, 2e, 4e et 5e année du cycle de la shemitah qui devait être consommé dans le Sanctuaire.

La veuve en conclut qu’il n’était pas rentable pour elle de garder son lopin de terre. Elle vendit son champ et acheta deux brebis dans l’espoir de vivre du commerce de la laine.

Lorsque les brebis mirent bas, Aaron exigea leur premier-né puisque : « Consacre à l’Eternel ton premier-né parmi ton gros et ton menu bétail », Devarim 15:19. Plus tard, lors de la tonte, Aaron demanda la première toison : « Tu lui donneras .. la première toison de ton bétail », Devarim 18:4.

N’y tenant plus, la veuve ayant du mal à vivre après tous ces prélèvements, elle décida d’égorger ses brebis.

Immédiatement Aaron exigea sa part : « l’épaule, les mâchoires et l’estomac », Devarim 18 :3.

« Puisqu’il en est ainsi, je vais consacrer ce qui me reste au Sanctuaire » dit la veuve.

Aaron lui dit : « À présent, donne-moi tout car : « Tout ce qu’Israel déclare consacré t’appartiendra », Bamidbar 18:14.

En fait l’argument de Kora’h est valide si l’on ne voit que le début des processus. Le premier-né et la première tonte sont dus une seule fois puis le fruit du travail appartient à l’homme. Les prélèvements sont lourds la première année puis ils disparaissent au profit des Maasseroth qui sont récurrents mais plus supportables.


La rébellion de Qora'h est longuement commentée dans le traité Sanhedrin, folios 109b et 110[3]

Autres occurrences

קֶרַח, Qèra'h, signifie « gelée », « glace », en Genèse 31,40. Les commentateurs font remarquer la symètrie de Abel, vapeur et de Qora'h, glace : les deux états extrêmes de l'eau, tous deux engloutis par la terre.

קֹרַח, Qora'h est un fils d'Esaü en Genèse 36 (5 -14 -16 - 18))

קֵרֵחַ, Qéré'ha signifie « chauve », « pelé » en Lévitique 13, 40 et suiv, et 21, 5

Dans le Coran

La figure biblique de Coré figure aussi dans le Coran sous le nom de Qârûn. Il y apparaît à trois reprises et est cité avec Haman et Pharaon. Le récit s'éloigne du récit biblique[4],[5]. Pour Van Reeth, le récit coranique est construit comme une suite de réflexion après la lecture du récit biblique[6].

Qârûn est décrit comme un conseiller hébreu de Pharaon[5]. Le Coran insiste sur la richesse de Qârûn. Un groupe d'hommes forts est nécessaire, ne serait-ce que pour porter les clefs de ses trésors. Ce détail se retrouve dans la littérature talmudique[4] et chez Flavius Josephe[6]. D'autres éléments du récits évoquent davantage une source chrétienne[6]. Dans des légendes rabbiniques, le personnage de Coré est associé, comme dans le Coran, à celui d'Haman[5]. Il aurait été englouti, pour son orgueil et son étalage de richesse, par la terre[4],[5].

Il est quasiment impossible de comprendre le déroulement du texte coranique sans avoir connaissance du récit biblique[6]. Le récit coranique étant allusif, les traditions ont complété l'histoire "par des légendes assez foisonnantes". Ainsi, pour Tabari, sa richesse était du à la connaissance de l'alchimie et à la possession de la pierre philosophale[4].

Les récits font glisser l'accusation d’orgueil vers l'avarice de Qârûn et son refus de payer l'aumône légale. Cette question était, en effet, fondamentale lors de la fondation de l'Etat musulman. L'histoire de Qârûn doit être interprétée comme un avertissement[4]. Elle correspond pour Van Reeth au contexte des révoltes (guerres de Ridda) sous le règne d'Abou Bakr et des successeurs de Mahomet[6]. La péricope de la sourate 28 semble donc un ajout postérieur interpolé à cette époque[6].

Peinture

En 1481, le peintre italien Sandro Botticelli exécute une peinture murale qui orne la chapelle Sixtine et intitulée Le Châtiment de Coré, Dathan et Abiram.

Notes et références

Notes

Références

  1. Voir commentaire de Rachi
  2. Nombres Rabba cite de même l'apologue des tsitsit et lui ajoute un apologue sur la mezouza.
  3. En anglais ici
  4. Lory P., "Qârun", Dictionnaire du Coran, 2007, Paris, p.717-718.
  5. Boisliveau A.S., "Sourate 40", Le Coran des historiens, t.2b, 2019, p. 1325 et suiv..
  6. Van Reeth J. "Sourate 28", Le Coran des historiens, 2019, t. 2b, p.1023 et suiv.


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