Complot de Talleyrand et de Fouché

Le complot fomenté par Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord et Joseph Fouché durant les derniers mois de 1808, vise, à la suite de rumeurs de mort de Napoléon Bonaparte (en pleine guerre d'Espagne), à conserver le pouvoir en confiant la régence à l'impératrice Joséphine. Cette intrigue n'a pas l'occasion de se concrétiser : Napoléon, bien vivant et ayant eu vent de ces préparations (les deux complices agissent au grand jour), quitte précipitamment l'Espagne en pour revenir à Paris. Si les explications personnelles sont orageuses, les conséquences pour Talleyrand et Fouché restent limitées.

Déroulement

Joseph Fouché et Talleyrand étaient fâchés, c'est Alexandre Maurice Blanc de Lanautte (1754-1830), comte d'Hauterive qui les raccommoda au cours d'un déjeuner qu'il organisa en 1809, dans sa maison de campagne à Bagneux près de Paris.[1].

Intrigue

Talleyrand et Fouché cherchent le soutien de Joachim Murat, qui réagit par un silence prudent[2].

Voulant montrer leur nouvelle alliance et préparer les esprits, ils se promènent bras-dessus bras-dessous, ce qui ne manque pas de faire parler. Bientôt, la rumeur d'une intrigue se répand.

Réaction de Napoléon

La rumeur parvient jusqu'à Napoléon, en Espagne. Inquiété par la nouvelle, il abandonne immédiatement ses opérations militaires et se précipite à Paris, couvrant la distance en un temps record.

Le , Napoléon convoque Talleyrand (qu'il considère comme plus coupable que Fouché) à un conseil restreint de circonstance, et s'emporte contre lui, l'injuriant :

« Vous êtes un voleur, un lâche, un homme sans foi ; vous ne croyiez pas à Dieu ; vous avez, toute votre vie, manqué à tous vos devoirs, vous avez trompé, trahi tout le monde ; il n'y a pour vous rien de sacré ; vous vendriez votre père. Je vous ai comblé de biens et il n'y a rien dont vous ne soyez capable contre moi[3] »

Il accuse alors son ministre d'être l'instigateur de la guerre d'Espagne, et d'être aussi celui qui l'a incité à tuer le duc d'Enghien :

« Ainsi, depuis dix mois, vous avez eu l'impudeur, parce que vous supposez, à tort et à travers, que mes affaires en Espagne vont mal, de dire à qui veut l'entendre que vous avez toujours blâmé mon entreprise sur ce royaume, tandis que c'est vous qui m'en avez donné la première idée, qui m'y avez persévéramment poussé ! [puis pensant au duc d'Enghien :] Cet homme, ce malheureux, par qui cependant ai-je été averti du lieu de sa résidence ? Qui m'a excité à sévir contre lui ? Étranger à la mort du duc d'Enghien ! Mais oubliez-vous que vous me l'avez conseillé par écrit ? Étranger aussi à la guerre d'Espagne ? Mais oubliez-vous que vous m'avez conseillé de recommencer la politique de Louis XIV ? Oubliez-vous que vous avez-été l'intermédiaire de toutes les négociations qui ont abouti à la guerre actuelle ? Quels sont vos projets ? Que voulez-vous ? Qu'espérez-vous ? Osez le dire ! Vous mériteriez que je vous brisasse comme du verre ; j'en ai le pouvoir ; mais je vous méprise trop pour en prendre la peine ! Oh ! tenez, vous êtes de la merde dans un bas de soie[3] ! »

Cette dernière phrase, la plus célèbre et maintes fois répétées, est probablement apocryphe : le lieu, la date et l'identité de celui qui la prononce sont incertains[4].

Conséquences

Napoléon retire son poste de grand chambellan à Talleyrand[5] et ce dernier est convaincu d'être arrêté, mais reste impassible : il aurait dit à la sortie du conseil : « Quel dommage, Messieurs, qu'un aussi grand homme ait été si mal élevé[6] ». Au contraire de Fouché qui joue profil bas, il se présente toujours à la cour et ce dès le lendemain de la fameuse scène[7], fait jouer les femmes auprès de Napoléon[8].

Références

  1. Alexis-François Artaud de Montor, Histoire de la vie et des travaux politiques du comte d'Hauterive, Paris, 2e édition, 1839, impr. Adrien Le Clere & Cie, p.265.
  2. Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand : Le Prince immobile, Paris, Fayard, , 796 p. (ISBN 2-213-61326-5), p. 398
  3. André Castelot, Napoléon, librairie académique Perrin, , 277 p.
  4. Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand : Le Prince immobile, Paris, Fayard, , 796 p. (ISBN 2-213-61326-5)
    note 5, p. 400
  5. Georges Lacour-Gayet (préf. François Furet), Talleyrand, Paris, Payot, (1re éd. 1930), 1453 p. (ISBN 2-228-88296-8), p. 661
  6. Georges Lacour-Gayet (préf. François Furet), Talleyrand, Paris, Payot, (1re éd. 1930), 1453 p. (ISBN 2-228-88296-8), p. 662
  7. Georges Lacour-Gayet (préf. François Furet), Talleyrand, Paris, Payot, (1re éd. 1930), 1453 p. (ISBN 2-228-88296-8), p. 663
  8. Georges Lacour-Gayet (préf. François Furet), Talleyrand, Paris, Payot, (1re éd. 1930), 1453 p. (ISBN 2-228-88296-8), p. 664
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