Communication de crise

La communication de crise est un des domaines de la communication institutionnelle, qui comprend aussi la communication interne, la communication externe, les relations publiques, les relations presse et la publicité. Elle a un caractère particulier, elle est transversale et concerne l'ensemble des domaines de la communication.

La communication de crise est également l'une des composantes de la gestion de crise. Elle recouvre deux branches : la communication directement utile à la gestion de crise (alerte des clients ou des populations, consignes, communication de coordination des opérations), qui vise à réduire les impacts directs de la crise ; et la communication sur les enjeux, qui vise à limiter les polémiques et à protéger la réputation d'une organisation en crise[1].

Sa mise en œuvre est du ressort du service communication, en concertation directe et permanente avec le ou les dirigeants de l'organisation (entreprise privée, institution publique, association) et la cellule de crise.

Crise

Définition

Une crise correspond à la phase ultime d’une suite de dysfonctionnements, laquelle met en péril la réputation et la stabilité d'une organisation[2]. D'autres auteurs mettent plutôt l’accent sur le caractère déstabilisant de la crise.[citation nécessaire] Ils soulignent la présence de changements profonds dans les paramètres de l’environnement humain et physique, de telle sorte que les gens ne savent plus comment se comporter.

La crise se caractérise par l’intrusion de nouvelles parties prenantes qui exigent qu’on leur rende des comptes, comme les pouvoirs publics, les associations de consommateurs… Il convient de noter l’importance des enjeux que peut avoir ce bouleversement en termes d’image, également de chiffre d’affaires, de motivation des salariés ou encore de méfiance des fournisseurs à l’égard de l’organisation. La crise se matérialise par une saturation des capacités de communication face à l’afflux des demandes. Selon Sahite GAYE, « Il est une règle d’or en communication de risque et de crise : la première urgence est de penser. Penser le contexte. La communication n’est jamais un système fermé ; il est ouvert sur son environnement »[3].

Caractéristiques

Selon Thierry Libaert, directeur scientifique de l'Observatoire international des crises et chercheur au LASCO, la crise se caractérise par la présence d’acteurs pouvant être inhabituels (la presse, les élus locaux, les pouvoirs publics, les associations, la justice, etc.), un flux inhabituel et surdimensionné d’informations. Elle entraîne une mise sous tension généralisée due à l'accélération du temps selon la nature de la situation (urgence accrue…). La plupart du temps, une crise engendre des incertitudes et favorise la circulation de rumeurs[4].

Cycle de vie d'une crise

Selon Sahite GAYE, les crises sont complexes et elles n'obéissent pas à une linéarité qui permet de les séquencer. Toutefois, on peut retenir, depuis les années 80, ces phases :

Phase de gestation

Cette phase est caractérisée par une série de dysfonctionnements et d'erreurs qui sont autant de signaux. Si ces signaux sont détectés, compris et pris en compte par l'organisation et ses dirigeants, la crise peut être anticipée et ses effets minimisés.

Phase aigüe

Durant cette phase, il est essentiel d'avoir un suivi presse pour savoir comment réagir aux propos des médias. Il convient d'opérer un travail de rapprochement entre les informations, les acteurs et la surcharge de médiation pour garder une vision globale de la situation.

Phase chronique

Lors de cette phase, les médias se focalisent sur le sujet de la crise. La durée du traitement médiatique dépend alors des autres sujets d'actualité pouvant détourner l'attention des médias.

Phase de cicatrisation

Le cycle de vie de la crise s'achève. Il y alors une atténuation de la crise, les médias s'en désintéressant depuis un moment. Cette phase ne doit pas être négligée : la crise peut à tout moment resurgir.

Parties prenantes

Les parties prenantes (anglais : stakeholders) sont des acteurs sensibles, du fait de leur implication, de leur rôle et de leur statut dans le déroulement de la crise.

Pour ces différents acteurs, les enjeux sont différents et spécifiques selon les crises. Il faut donc observer pour chaque dispositif de crise les différents profils des parties prenantes ainsi que l'influence qu'ils peuvent avoir sur l'organisation, qu'ils soient internes ou externes à celle-ci. Chaque partie prenante peut évoluer dans son rôle lors du développement de la crise.

Les parties prenantes peuvent avoir trois rôles essentiels[5] : une position d’opposant, un rôle d’appui ou un relais d’information.

Élaboration du scénario de crise

La technique d'élaboration des scénarios de crise est utilisée en management. Un scénario est une démarche intellectuelle qui consiste à se représenter la crise afin d’envisager des règles de conduite, de raisonnements inhabituels voire déstabilisants. Quatre méthodes d’élaboration de scénarios[5] peuvent être retenues :

  • Méthode historique : fondée sur des scénarios convergents, elle consiste à utiliser le retour d’expérience en s'appuyant sur des évènements passés. Elle peut par exemple être utilisée dans les secteurs pétrolier, de la chimie, et du nucléaire.
  • Méthode du portefeuille de crises : fondée sur des scénarios plus élargis, cette méthode s’appuie sur le contexte de l’entreprise pouvant être confrontée à une multitude d’évènements. Il convient de prendre en compte la faible probabilité d’un évènement et également de son impact.
  • Méthode dialectique : liée à des scénarios de rupture, la méthode dialectique est fondée sur un processus d’imagination de multiples situations en interaction. Ce travail de réflexion doit prendre en compte tous types d'éléments ainsi que les tabous. La démarche de réflexion s'appuie sur un raisonnement contradictoire à partir de croyances fortement ancrées.
  • Méthode métaphorique : technique de créativité, elle consiste à transposer un évènement comme cadre de crise pour son entreprise.

La communication de crise est entrée dans une nouvelle ère depuis l'avènement d'internet et en particulier des réseaux sociaux (Facebook, Twitter…). Désormais, consommateurs, militants, citoyens disposent de médias accessibles, disponibles en permanence pour exprimer leur mécontentement et mobiliser leurs pairs : blogs, forums des grands sites, en plus des réseaux sociaux. Les médias traditionnels, utilisent de plus en plus le web comme source d'information. Ce nouveau contexte augmente la pression sur les entreprises, les institutions : il renforce l'accès à l'information, les exigences de réactivité et modifie les modalités transactionnelles. On parle dans ce contexte de médias sociaux pour la gestion des urgences (MSGU). Dans le même temps, la crise est probablement l'avenir de la communication[6]. C'est ce que considèrent de plus en plus de professionnels de la communication dont le rapport au temps et le travail en mode crise constituent les principales évolutions d'un métier de plus en plus stratégique.

6 points à analyser lors d'une crise

Avant de se lancer dans la gestion de crise, il faut au préalable analyser la situation en se servant des 6 points suivants :

  1. Déterminer le niveau de crise : quelle est la gravité de la situation ?
  2. La connaissance du problème : l'organisation a-t-elle toutes les informations sur les causes et les conséquences de la crise ?
  3. Les possibles risques encourus : la crise se déroule t-elle en même temps qu'un autre événement majeur ?
  4. Le type de médiatisation : quels médias parlent de la crise ?
  5. Le déroulement prévisible de la crise : l'organisation peut-elle anticiper les conséquences de la crise ?
  6. Le partage des responsabilités : quels sont les acteurs responsables de la crise ? Comment se positionnent-ils face à la crise ?

Alerte aux populations

Définition et caractéristiques au sens de l'UNISDR

Au sens de la stratégie internationale de prévention des catastrophes des Nations unies (en), l'alerte rapide est l'« ensemble des capacités nécessaires pour produire et diffuser en temps opportun et utile des bulletins d’alerte permettant à des individus, des communautés et des organisations menacées par un danger, de se préparer et d’agir de façon appropriée en temps utile pour réduire le risque de dommage ou de perte ». L'UNISDR précise que cette définition englobe l’éventail des facteurs nécessaires pour assurer une réponse efficace aux avertissements. Un système d'alerte précoce comprend quatre éléments clés : la connaissance des risques ; le suivi, l'analyse et la prévision des risques ; la communication ou la diffusion d'alertes et de mises en garde ; et des capacités locales à répondre à l’avertissement reçu. L'expression « système d'alerte intégré » est également utilisée pour souligner que les systèmes d’alerte doivent inclure toutes les étapes allant de la détection des dangers jusqu'à la réponse mise en place au niveau communautaire[7].

Réseau national d'alerte (RNA)

Lors d'un accident majeur ou d'une grande catastrophe (nuage toxique, accident nucléaire,…), les sirènes du Réseau national d’alerte (RNA) permettent, de jour comme de nuit, d'attirer rapidement l'attention des populations pour qu'elles prennent les mesures de sauvegarde appropriées. C’est un signal unique au niveau national[8],[9]

Le RNA est constitué d'environ 4 500 sirènes et a pour but d'alerter la population en cas de danger immédiat. Les sirènes émettent alors un signal, le Signal national d’alerte (SNA) modulé, montant et descendant, est composé de trois séquences d'une minute 41 secondes, séparées par un silence de cinq secondes. La fin de l'alerte est annoncée par un signal continu de 30 secondes. Le RNA ne peut donc pas être confondu avec le signal d'essai d'une minute seulement, diffusé à midi le premier mercredi de chaque mois ou avec les déclenchements brefs utilisés par certaines communes pour l'appel des pompiers.

L'alerte de la population au moyen des sirènes peut être complétée par d'autres dispositifs comme les sirènes ou haut-parleurs montées sur des véhicules, très utiles dans les zones rurales ou isolées.

En , le Ministère de l'Intérieur a commencé à déployer un nouveau moyen de déclenchement des sirènes dans le cadre du Système d'alerte et d'information des populations (SAIP). Ce dernier remplacera à terme le RNA sur l'ensemble du territoire national.

Système d’alerte et d’information des populations (SAIP)

Il s'agit d'un système déployé de 2013 à 2018. Plusieurs phases d'études, d'expérimentation, de contractualisation et de réalisation, ont été menées de 2009 à 2012, le développement étant assuré par la société Deveryware. Le déploiement du SAIP[10], lancé dès 2013, est organisé en trois temps[11].

Le SAIP doit mobiliser plusieurs vecteurs d'alerte et d'information de la population : des sirènes, des SMS via la technologie de la diffusion cellulaire qui évite l'engorgement des réseaux, et un service de diffusion de l'alerte à des opérateurs, relayant avec leurs propres moyens ces informations (notamment panneaux à message variable et radios)[11].

Cette application suscite des polémiques. Gaël Musquet, un hacker en résidence à la Fonderie, considère que c'est une réponse technologique inappropriée et préconise la technologie de la diffusion cellulaire, plus efficace et respectueuse de la vie privée[12].

Lors de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice, l’application SAIP n'a signalé qu'à 1 h 34 du matin, l'événement survenu la veille avant 23 h 0 alors que les réseaux sociaux ont été réactifs. SAIP avait été critiquée pour son public restreint à certaines plates-formes et sa vulnérabilité à la saturation des réseaux 3G ou 4G, le hacker spécialiste de la gestion de crise numérique Gaël Musquet prônant l’activation du protocole de diffusion cellulaire, comme d'autres pays européens, pour alerter tous les possesseurs de téléphone portable présents dans un secteur sans recours à une application[13]. Lors de l'attentat du 20 avril 2017 sur l'avenue des Champs-Élysées, l'application n'a délivré aucune alerte[14].

Durant l'été 2017, le Sénat publie un rapport dirigé par Jean Pierre Vogel qui est très critique sur le SAIP, rappelant qu'il avait conçu dans l'urgence après les attentats de pour être opérationnel pour l'Euro 2016. Téléchargé par 900 000 personnes, ce taux de pénétration est insuffisant pour garantir une information suffisante de la population, qui devrait être de 10% soit 5 millions de cibles pour être efficace. L'application n'est pas disponible sur les systèmes Blackberry et Windows alors qu'iOS implique de laisser l'application en activité permanente[15].

Le rapport déplore au-delà du SAIP la priorité donnée en 2009, réaffirmée en 2016, à la rénovation des sirènes d'alerte au détriment des téléphones portables. De 2012 à 2019, 80 % des crédits prévus sur un financement de 44,7 millions d’euros échelonné sont consacrés aux sirènes (ainsi que 36,8 millions d’euros restant à planifier à partir de 2020), quand la téléphonie mobile ne se voit consacrer que 11 % des crédits[15].

Le rapport regrette que la technologie permettant de diffuser un message sur l’ensemble des téléphones mobiles présents sur une zone d’alerte [Cell Broadcast] ait été abandonné en 2015 pour SAIP, qui nécessite un téléchargement préalable[15].

Le SAIP n'émet pas de nouveau lors des attaques du 23 mars 2018 à Carcassonne et Trèbes[16]. En , le Gouvernement abandonne SAIP pour se reposer sur Google, Facebook et Twitter[16]. Il est prévu de s'appuyer sur le système Safety Check de Facebook qui a montré son efficacité depuis sa création en 2014, tandis que SAIP a accumulé les faux pas[17].

Voir aussi

Notes et références

  1. Heiderich 2010
  2. Libaert 2010
  3. Sahite GAYE, « Covid 19 et communication gouvernementale : revenir aux fondamentaux ! », SudOnLine, (lire en ligne)
  4. Libaert 2010
  5. Roux Dufort 1999
  6. Frédéric Fougerat, « La crise est probablement l'avenir de la communication », Quotidien, (lire en ligne)
  7. (fr) UNISDR (en), « Terminologie pour la prévention des risques de catastrophe », sur unisdr.org,
  8. « Décret n° 2005-1269 du 12 octobre 2005 », legifrance,
  9. « Arrêté du 23 mars 2007 », legifrance, (lire en ligne)
  10. « Quelles sont les principales caractéristiques du SAIP ? », sur ministère de l'Intérieur (consulté le )
  11. Ministère de l'Intérieur, « Qu’est-ce que le SAIP ? », sur https://www.interieur.gouv.fr/Alerte/Alerte-ORSEC/Qu-est-ce-que-le-SAIP (consulté le )
  12. Camille Gévaudan, « Appli alerte attentats : «Il faut que la France respecte les standards internationaux» », sur liberation.fr,
  13. Camile Gévaudan, « SAIP, l'appli d'alerte aux attentats qui ne se presse pas », Liberation, (lire en ligne, consulté le )
  14. Camille Gévaudan, « Attentat aux Champs-Elysées : cafouillage dans la gestion de crise numérique », sur liberation.fr,
  15. Soazig Le Nevé, « Le Sénat s’inquiète d’un système d’alerte à la population bien peu alerte », acteurspublics.com, (consulté le )
  16. William Audureau, Morgane Tual et Perrine Signoret, « Le gouvernement abandonne l’application d’alerte attentat SAIP », sur lemonde.fr, (consulté le )
  17. Julien Lausson, « SAIP : le gouvernement renonce à l'appli defectueuse et se tourne vers les réseaux sociaux - Politique », sur Numerama, (consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • Thierry Libaert, Communication de crise, Edition Pearson, 2018.
  • [Libaert 2010] Thierry Libaert, La communication de crise, Dunod, , 3e éd.
  • [Roux Dufort 1999] Christophe Roux Dufort, Gestion de crise, un enjeu stratégique pour les organisations, De Boeck,
  • [Heiderich 2010] Didier Heiderich, Plan de gestion de crise, Dunod,
    Le livre laisse une large place à la communication de crise.
  • Régis Reveret et Jean-Nicolas Moreau, Les médias et la communication de crise, Economica,
  • Michèle Gabay, La nouvelle communication de crise : Concepts et outils, Stratégies,
  • Michèle Gabay, Communiquer dans un monde en crise : Images, représentations et médias, L'Harmattan,
  • Jean-François Moine et Josette Colombo, Communiquer en situation de crise : Avec l’autre, avec l’équipe, avec l’environnement, ESF,
  • Michel Ogrizek, Jean-Michel Guillery, La communication de crise (coll. « Que sais-je ? »), Paris, PUF, 1997 (partiellement en ligne sur Gallica).
  • Seeger M.W (2002) Chaos and crisis: propositions for a general theory of crisis communication. Public Relations Review, 28,329-337 (résumé).
  • Devirieux C.J (2007) Pour une communication efficace: entre les personnes, dans les groupes, avec les médias, en temps de crise, PUQ, 2007, (ISBN 2760514803 et 9782760514805), 195 pages (résumé)

Articles

Articles connexes

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