Communauté européenne de la santé

La Communauté européenne de la santé (CES) est un projet inabouti de communauté européenne développé dans les années 1950. Ce projet était porté par le gouvernement français qui le destinait aux pays de l’OECE[alpha 1],[1]. Celui-ci, même s’il n’a jamais abouti, s’inscrit dans le contexte des années 1950, période de début de l’intégration européenne, et l’apparition de plusieurs communautés européennes, la CECA, la CEEA et la CEE, qui forment un nouveau niveau de pouvoir politique supranational[2].

Historique

Le 24 septembre 1952, le conseil des ministres français adopte le projet de création d’une Communauté européenne de la santé (CES), proposé par le ministre Paul Ribeyre, qu’il nomme officieusement « pool blanc »[1]. Les 12 et 13 décembre 1952, le gouvernement français soumet le projet aux États membres de l’OECE lors d’une conférence préparatoire à Paris, en vue d’un prochain traité qui aurait permis d’adopter formellement le principe d’une Communauté européenne de la santé[1]. C’est Robert Schuman, considéré comme l’un des « pères de l'Europe »[3], qui introduira cette conférence par un discours.

Cette conférence préparatoire débouche sur l’adoption d’une résolution le 13 décembre 1952, laquelle ancre le projet dans la dynamique d’intégration plus globale qui se déploie au même moment dans d’autres secteurs[4].

Objectifs du projet de communauté

L’objectif le plus évident est sans aucun doute l’objectif sanitaire. La finalité est d’améliorer l’efficacité des dispositifs sanitaires des potentiels États membres en rendant leurs systèmes de santé plus performant en adoptant des politiques supranationales et continentales[5]. Cependant, selon A. Davesne et S. Guigner, ce projet de Communauté européenne de la santé s'inscrit également dans les enjeux européens d'alors, visant à créer une interdépendance entre les États afin de maintenir la paix sur le continent et de créer une réelle solidarité entre les pays[5].

La résolution adoptée par la conférence préparatoire de Paris du 12 et 13 décembre dispose en effet[4] :

« … considérant qu’une paix durable ne peut être assurée que par une solidarité de fait. Que les conquêtes dans le domaine de la santé et du bien-être social constituent les réalisations les plus propres à établir cette solidarité de fait [….] cette coopération doit être réalisée dans les plus brefs délais … »

 Résolution du 13 décembre 1952[6]

Le projet de « pool blanc » s’aligne donc sur celui par la Communauté européenne du charbon et de l'acier née l’année précédente par la signature du traité de Paris de 1951. Le nom de « pool blanc » faisant d’ailleurs référence à celui de « pool noir » donné à la CECA[7].

Fonctionnement

Le projet de « pool blanc » base son modèle institutionnel sur celui de la CECA. Il prévoit la création d’une autorité supranationale, la « Haute autorité de santé », dont le rôle sera d’exécuter le traité et d’incarner la Communauté. La CES se positionne donc bien au-dessus des États dans une optique supranationale.

Échec du projet

Selon Alban Davesne et Sébastien Guigner, les raisons de l'abandon du projet sont complexes et dépendent de l'angle d'analyse du contexte (fonctionnaliste, intergouvernementaliste ou intergouvernementaliste libéral)[8] :

  • les réticences initiales de certains États qui préféraient les cadres de coopération et de coordination existants tels que l'Organisation mondiale de la santé, le Conseil de l'Europe, etc. ;
  • dans le cas de la Suisse et du Royaume-Uni, une opposition au projet reposant sur la supranationalité ;
  • la stratégie française, qui introduisit sa proposition rapidement et convoqua une réunion sur le sujet dans un court délai (les États n'auraient eu qu'une semaine pour lire le projet), et la réponse des autres États qui n'acceptèrent d'en discuter qu'un an après. Ce délai vit la situation interne en France changée, les Socialistes ne soutiennent plus le projet et les Gaullistes et communistes s'y opposent, ce qui entraîna un rejet du projet par ses proposants[9].
  • l'opposition supposée de certains groupes pharmaceutiques, inquiet ds nouvelles contraintes sanitaires que la CES pourraient engendrer et les enjeux liés aux minima sociaux[10].

Selon Cassan, la raison de l'échec de la CES serait également dû à un rejet, par les gouvernements, de la supranationalité[11].

Notes

  1. Il s'agissait alors de l'Autriche, de la Belgique, du Danemark, de la Grèce, de l'Islande, de l'Italie, du Luxembourg, de la Norvège, des Pays-Bas, de la République fédérale d’Allemagne, du Portugal, du Royaume-Uni, de la Suède, de la Suisse et de la Turquie.

Sources

Références

Bibliographie

  • Gérard Bossuat, Histoire de l'Union européenne : fondations, élargissements, avenir, Paris, Belin,
  • Sylvain Schirmann, Robert Schuman et les Pères de l'Europe : cultures politiques et années de formation. Actes du colloque de Metz du 10 au 12 octobre 2007 organisé par la Maison de Robert Schuman et le Réseau des Maisons des Pères de l'Europe, Bruxelles, Peter Lang,
  • « Résolution adoptée à la conférence préparatoire à la Communauté européenne de la santé du 13 décembre 1952 », Notes et documents concernant la Communauté européenne de la santé, Notes et études documentaires, Paris, no 1718,
  • Alban Davesne et Sébastier Guigner, « La Communauté européenne de la santé (1952-1954) : Une redécouverte intergouvernementaliste du projet fonctionnaliste de « pool blanc » », Politique européenne, L'Harmattan, no 41, (ISBN 9782343020600, DOI 10.3917/poeu.041.0040, lire en ligne)
  • Marys Cassan, L’Europe communautaire de la santé, Paris, Economica,

Compléments

Lectures approfondies

  • Sébastien Guigner, L’institutionnalisation d’un espace européen de la santé  : entre intégration et européanisation, Université de Rennes 1,
  • (de) Stephan Pumberger, Der Weiße Pool. Der Plan zur Schaffung einer Europäischen Gesundheitsgemeinschaft, Université de Vienne,
  • (en) Linda Risso, « The (Forgotten) European Political Community 1952-1954 », European Foreign Policy Conference, Londres, LSE, (lire en ligne)

Article connexe

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