Celles qui attendent

Celles qui attendent est un roman de fiction de l'auteure sénégalaise Fatou Diome.

Celles qui attendent
Auteur Fatou Diome
Pays Sénégal
Genre Roman
Version originale
Langue Francais
Version française
Éditeur Flammarion
Date de parution 2010
Nombre de pages 245

Il a été publié en 2010 aux éditions Flammarion et a reçu la distinction de la Rentrée littéraire[1] ainsi que le prix Solidarité 2012[2] de l'Union Harmonies Mutuelles.

Résumé

L'histoire

Arame, Bougma sont deux femmes qui vivent sur une île du Saloum au Sud-Est du Sénégal. Chaque journée est une lutte pour survivre.

Arame a été mariée de force à un homme ayant l’âge de son père. Vaincu par l’arthrose, ploie de douleurs à chaque mouvement.

Elle a deux fils cependant l’aîné a péri en mer laissant deux femmes et de nombreux enfants. En regagnant le domicile familial, ses deux belles-filles lui ont laissé leurs enfants. Ainsi ne comptant sur personne et n’ayant aucun revenu, Arame fait de son mieux pour nourrir toute la famille. Si elle ne va pas chez Abdou le boutiquier pour avoir quelques kilos de riz à crédit, elle attend la marée basse pour ramasser des coquillages qui agrémenteront le dîner. Quant à son deuxième fils, il est parti à Dakar pour trouver du travail.

Bougma est l’amie d’Arame et deuxième femme d’un mari polygame qui ne peut plus subvenir à ses moindres besoins. Son fils aîné Issa est un pêcheur dont les prises ne suffisent pas à nourrir sa mère et ses neveux. Face à l’avenir incertain de leur progéniture, Arame et Bougma projettent de financer leur émigration clandestine vers l’Europe. Cependant, avant son départ pour l’Espagne, Issa épouse Coumba sur les conseils de sa mère alors que Lamine épousera Daba son amour de jeunesse après son départ. Respectueuse des traditions, Arame avait tout arrangé et Daba a rejoint le domicile de sa belle-mère.

Une fois en Espagne et sans papier, Issa et Lamine vivent dans la précarité, alternant de petits boulots leur permettant l’envoi de petites sommes d’argent à leurs mères et épouses ou bien en s’adonnant à la prostitution masculine.

Après une interminable attente de cinq ans ponctuée de brefs coups de fil pendant les premières années, Issa retourne au bercail avec son épouse espagnole et ses trois enfants métis au grand dam de la fidèle Coumba qui, à peine mariée s’est vue privée de son mari et dont le retour annonçait une réparation de tout ce qu’elle a subi dans la concession familiale.

Daba tombe enceinte pendant l'absence de son mari. Mère d’une petite fille de quelques mois, elle redoutait le retour de son mari.

Les deux émigrés sont attendus et fêtés par tout le village Issa retourne en Europe avec sa famille laissant de nouveau Coumba seule et enceinte tandis que Lamine adopte la fille de Daba, célèbre leur mariage en grande pompe, rénove la maison familiale et reste au village pour y travailler.

Thématiques de l'ouvrage

Thématiques

- Les différents thèmes abordés dans ce roman sont la condition féminine, l’émigration, l’exil, la survie, la polygamie et la traditions.

L’attente

Dans son roman, Fatou Diome présente une société patriarcale où paradoxalement les femmes sont au centre de tout. Elles pensent à tout, s’occupent de tout y compris de l’avenir de leur progéniture. Dans ce village de pêcheurs, la présence des hommes est rappelée au lecteur par quelques téméraires qui bravent l’océan pour nourrir leurs familles mais surtout par le tableau les montrant jouer aux cartes toute la journée sous le manguier, devant l’épicerie d’Abdou ou bien se faisant servir ou invectiver l’épouse rebelle.

L’attente est le lot de toutes ces femmes dont nous partageons les joies, les peines et même les pensées les plus intimes.

Bougna, Arame, Coumba et Daba gardent l’espoir malgré leur résignation à attendre le fils et l’époux partis à l’aventure.

« Arame, Bougna, Coumba, Daba, mères et épouses de clandestins, portaient au fond des pupilles des rêves gelés, des fleurs d'espoir flétries et l'angoisse permanente d'un deuil hypothétique; mais quand le rossignol chante, nul ne se doute du poids de son cœur. Longtemps, leur dignité rendit leur fardeau invisible. Tous les suppliciés ne hurlent pas

On dirait même que l’attente est le fil conducteur de leur vie. Elles attendent que les fils et les époux rentrent de longues nuits de pêche ou périssent en mer comme le fils aîné d’Arame. Cette dernière doit attendre toute la journée que ses petits-fils rentrent de l’école pour calmer leur faim avec le kilo de riz qu’Abdou l’épicier a bien voulu, encore une fois, lui donner à crédit.

Attendre, c’est aussi le lot de Bougna qui entre deux tours fulmine contre son mari polygame qui l’a reléguée à l’arrière-plan depuis l’arrivée de la troisième femme. Ainsi Bougna passe ses journées à chercher un moyen de faire survivre sa progéniture.

Complices et très proches, certaines après-midi, Bougna et Arame attendent la clémence de Dame Nature et attendent la marée basse pour ramasser ces coquillages qui agrémenteront le dîner.

Arame attend, secrètement et honteuse, la mort de son mari, cet homme aussi âgé que son père, cet homme qu’elle a épousé malgré elle. Sénile et vaincu par l’arthrose ses nuit et ses jours sont rythmés par les insultes et menaces proférées à l’encontre de son épouse et de ses petits-fils.

Arame, Bougna, Coumba et Daba attendent leurs fils et époux, parées d’un manteau de courage, d’amitié, d’endurance mais surtout de l’espoir de revoir Issa et Lamine.

Malgré l’interminable attente de ces personnages, le lecteur se surprend à dévorer des pages de ce roman en compagnie de ces femmes et de tout ce qu’elles accomplissent. La belle plume de Fatou Diome, la finesse de son analyse, les sentiments et émotions des personnages rendent ces derniers forts attachants.

Par ailleurs, ce roman dénote aussi que celles qui attendent savent aussi prendre leur destin en main. C'est ainsi que dans le secret des palétuviers, Arame et Bougna pleines de rêves et d’espoir projettent de financer la traversée de leurs fils vers l’Europe.

Les nombreuses comparaisons maritimes, la description du village à différents moments de la journée et la présentation des traditions ancestrales témoignent d’une grande connaissance de ce milieu par exemple :

"L'Atlantique poursuivait obstinément sa danse païenne, mais ses fantaisies perpétuelles n'ébranlaient pas l'île : elle était là, fière, immobile, comme une belle acariâtre qui refuse un tango." 2

L’émigration

Aussi nous donne-t elle à travers un discours militant des pistes de compréhension de l’émigration clandestine vue de l’intérieur. Paradoxalement, les premières à en souffrir - Arame et Bougna - en sont les initiatrices.

Fatou Diome dénonce la misère et le désœuvrement qui poussent les jeunes à braver l’océan à bord d’embarcations de fortune.


ces enfants détournés de la vie paysanne et trop mal outillés pour escompter un destin de bureaucrate, ne voyant aucun chemin susceptible de les mener vers un avenir rassurant [...], se jettent dans l’Atlantique, se ruent vers l’Europe.


Elle attire aussi l’attention sur leurs conditions de vie en tant que clandestins ou plus communs en tant que « sans papiers ».

« (...) l'Europe! La faim, le froid, le racisme, la solitude, les petits boulots, l'esclavage économique! »4

Comme Issa et Lamine, de nombreux jeunes pensent trouver L’Eldorado au prix de leur vie. Leur désenchantement n’a d’égal que l’environnement hostile et inconnu dans lequel ils sont violemment projetés. La lutte quotidienne pour la survie impose certains pratiques plus ou moins dignes. Ils vont même jusqu’à vivre de leurs corps. Alors que de l’autre côté de l’Atlantique, mères et épouses attendent un hypothétique coup de fil, un mandat ou un retour triomphal.

« Les coups de fil s'étaient largement espacés. Les femmes accusèrent le coup. Mais on finit toujours par s'inventer une manière de faire face à l'absence. Au début, on compte les jours puis les semaines, enfin les mois. Advient inévitablement le moment où l'on se résout à admettre que le décompte se fera en années; alors on commence à ne plus compter du tout. Si l'oubli ne guérit pas la plaie, il permet au moins de ne pas la gratter en permanence. N'en déplaise aux voyageurs, ceux qui restent sont obligés de les tuer, symboliquement, pour survivre à l'abandon. Partir c'est mourir au présent de ceux qui demeurent. »

« Barça ou Barsakh » proclament-ils. Littéralement, rejoindre l’Espagne ou périr. Barsakh, déformation de « Al Barzakh » (référence coranique) désigne le temps situé entre la mort d’une personne et sa résurrection le jour du Jugement dernier. Cette détermination est à la mesure de la détresse de ces jeunes.

De brefs ou longs passages politiques à la mesure de l’engagement de l’auteur peuvent surprendre le lecteur et montrent que l’émigration n’est pas le problème du Sénégal mais de toute l’Afrique.

Notes et références

  • Celles qui attendent , Fatou Diome, Flammarion, 2010.
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