Cadastre de France

Le cadastre de France est un ensemble de plans et fichiers administratifs qui recense toutes les propriétés foncières situées dans chaque commune française, et qui en consigne la valeur afin de servir de base de calcul à certains impôts.

Le plan cadastral tel que nous le connaissons aujourd’hui trouve son origine conceptuelle dans les premières années de la Révolution ; toutefois il faut attendre l’émergence d’un État fort et – surtout – centralisé pour que naissent les premières tentatives de « cadastration » en masse du territoire national[1].Dans le but de remédier aux injustices fiscales de l'Ancien Régime, le cadastre a été réalisé pour l'ensemble du territoire national dans la première moitié du XIXe siècle, et on qualifie ce cadastre de « napoléonien ». Ainsi sous le Consulat puis sous l’Empire, une administration du Cadastre se met en place pour parvenir à achever la cadastration du pays vers la fin des années 1850. Avec une vocation purement fiscale (i.e. définir l’assiette de recouvrement de l’impôt foncier), le plan cadastral n’est dès son origine en aucun cas un plan de propriété. Cependant il en a, en quelques sortes, toujours constitué les prémices[1].

Étymologie

Le terme « cadastre » provient du grec byzantin κατάστιχον via le vénitien catastico puis l'italien catasto, catastro, et le provençal cathastre[2].

Raison d'être

Le cadastre a plusieurs fonctions qui sont d'ordre :

Fiscal

Le rôle fiscal du cadastre concerne notamment les impôts locaux.

Technique

Le cadastre est largement accessible, cet ensemble d'informations étant couramment utilisé par ceux qui ont besoin de plans des propriétés immobilières ou par ceux qui souhaitent connaître les propriétaires de biens immobiliers. Il s'agit toutefois de simples informations, qui ne constituent pas la preuve de la propriété de quelqu'un ou des dimensions d'une propriété.

Le cadastre est une composante essentielle du RGE (« Référentiel à Grande Échelle » de l'IGN), ainsi que des SIG (« Systèmes d'Information Géographique »).

Les entreprises ont besoin de ce plan de grande qualité technique : Distributeurs d' énergie, entreprises de collecte des eaux usées, etc.

Les communes, les services publics, qu'ils soient en régie ou autres, ont besoin de ce plan de qualité.

Foncier

C'est l'outil qui permet d'identifier les biens immeubles à l'aide d'un numéro de parcelle dans une section de plan (une ou plusieurs lettres) dans une commune dans un département.

Ce numéro de parcelle est unique.

Ce numéro est le seul numéro permettant une identification au service des hypothèques, qui en France dépend du ministre du budget.

La division de parcelle ou sa subdivision en lots est soumise à des règles particulières.

Ainsi les notaires délivrent systématiquement un extrait du plan cadastral, qu'ils impriment gratuitement dans l'étude, pour que les parties identifient sur le plan les biens vendus.

Certains agents immobiliers consultent le plan cadastral pour identifier également les bâtiments présents au plan.

Les avocats, les géomètres-experts et architectes urbanistes sont aussi des utilisateurs ayant recours au plan cadastral.

Ces fonctions fiscales et foncières du cadastre expliquent que le service qui en a la charge (le Bureau GF 3A[3]) dépende du ministère du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'État.

Histoire

Les premiers cadastres apparaissent dans l’Égypte antique avec la délimitation des parcelles par des calculs mathématiques, en réponse aux crues du Nil. On en retrouve également des traces dans l'antiquité sumérienne (Babylone, vers 2340-2200 avant notre ère[4]), grecque et romaine.

En France, les États généraux tenus sous Charles VIII avaient demandé l'établissement du cadastre dans tout le Royaume, sans grand succès puisque cette demande apparaît de nouveau dans de nombreux cahiers de doléance de 1789.

De nombreux essais avaient néanmoins été effectués avant 1790, mais le cadastre général de la France n’existait pas lorsque l’Assemblée constituante fit de la contribution foncière la base de son système fiscal.

Un exemple de cadastre Napoléon : celui de Lugny, chef-lieu de canton de Saône-et-Loire, dressé en 1809.

Les bases juridiques de ce cadastre furent définies par les lois d’août et septembre 1791, prévoyant de lever des plans de masse présentant la circonscription de la commune et sa division en sections, elles-mêmes divisées en parcelles qui composaient le territoire de chaque commune. L'article 1er du décret de la loi du 16 septembre 1791 précise :

« Lorsqu'il sera procédé à la levée du territoire d'une commune, l'ingénieur chargé de l'opération fera d'abord un plan de masse qui présentera la circonscription de la commune et sa division en sections, et formera ensuite les plans de détail qui composeront le parcellaire de la commune[5]. »

Le cadastre napoléonien ou ancien cadastre est un cadastre parcellaire unique et centralisé, institué en France par la loi du , à partir du « cadastre-type » défini le . C'était un outil juridique et fiscal, permettant d’imposer équitablement les citoyens aux contributions foncières. Il fut levé par les méthodes de l'arpentage et sa révision a été rendue possible par la loi du .

Aucun système de mise à jour des informations figurants au plan n’avait été imaginé. Seuls comptaient le suivi nominatif des redevables de l’impôt (i.e. matrice cadastrale). Au cours de l’entre deux guerres, le besoin d’actualisation du plan devient criant, l’âge des planches pouvant dépasser facilement les 100 ans. Il va sans dire que la physionomie des « terrains productifs » a pu considérablement changer (successions familiales, morcellement de propriétés, ravages de guerre…)[1].

Un arrêté du 12 Brumaire an XI prescrivit d’étendre ces travaux à toutes les communes, puis une instruction ministérielle de 1805 ordonna de faire des expertises parcellaires à l’aide des plans par masses de culture.

Des commentaires de la loi du 15 septembre 1807 indiquent qu'elle était destinée à « Mesurer sur une étendue de plus de sept mille neuf cent et un myriamètres carrés plus de cent millions de parcelles… ; confectionner, pour chaque commune, un plan où sont rapportées ces cent millions de parcelles, les classer toutes d’après le degré de fertilité du sol, évaluer le produit imposable de chacune d’elles ; réunir au nom de chaque propriétaire les parcelles éparses qui lui appartiennent ; déterminer, par la réunion de leur produit, son revenu total et faire de ce revenu un allivrement qui sera désormais la base de son imposition… »[6].

Napoléon a l'ambition d'établir un « état-civil » de la propriété : « Le géomètre, dans ses divers rapports avec les propriétaires, doit leur développer les avantages que procure le cadastre, d'abord en assurant l'égalité de la répartition de la contribution foncière, et la fixité de l'allivrement qui fera la base de leur cotisation ; ensuite, en déterminant les limites de leurs propriétés, de manière à prévenir les contestations et les procès qui se renouvelaient sans cesse » (Article 167, Recueil méthodique des lois et décrets sur le cadastre de la France, 1811).

Avec ces travaux gigantesques apparaît une nouvelle profession, le « géomètre du cadastre », qui prend sa place entre les géomètres privés de l'époque et les ingénieurs-géographes. La hiérarchie des géomètres du cadastre est stricte : le géomètre en chef ou ingénieur-vérificateur se trouve à la tête d'un groupe de géomètres de première classe et géomètres de seconde classe. Le géomètre de première classe, ou géomètre tout court, désigne celui qui fait les plans, calcule les surfaces à partir des plans et peut éventuellement établir des liens avec les travaux de géodésie des ingénieurs-géographes. L'arpenteur ou géomètre de seconde classe n'est chargé que de levés ponctuels de parcelles. Un expert, contrôleur des contributions directes, leur est adjoint, chargé de l'évaluation des terres mais n'ayant aucune formation d'arpentage et de géométrie.

En 1946 est créé l’ordre des géomètres-experts, dont les membres sont depuis restés les principaux artisans des modifications parcellaires portées au plan cadastral, qu’elles soient ponctuelles (document d’arpentage devenu document modificatif du parcellaire cadastral, ou massives (remembrements devenus aménagement foncier agricole et forestier environnemental[1].

Aspect juridique

En France, le cadastre a une valeur essentiellement fiscale, puisqu'il sert de base au calcul de l'impôt foncier. Il ne possède pas de valeur juridique (sauf en Alsace-Moselle, voir ci-dessus), la propriété au sens du droit étant fixée par des plans d'arpentage et les bornages établis par les géomètres-experts. Cependant, faute de documents (graphiques notamment), il peut s'avérer une présomption de preuve de la propriété.

Signalons aussi que dans l'ancien duché de Savoie, le premier cadastre local (dont les illustrations cartographiques sont appelées Mappes sardes), dressé entre 1728 et 1738, a également reçu valeur juridique en raison de son établissement selon une procédure contradictoire.

En milieu rural, le plan de remembrement est incorporé dans la documentation cadastrale et lui confère ainsi un aspect juridique conservé par le service du cadastre : doubles de lettres de section commençant généralement par Y ou Z YA, YB, YC…

Présentation

Le cadastre français est divisé en communes, chaque commune étant elle-même subdivisée en sections, et chaque section en feuilles. Sur chaque feuille figure une ou plusieurs parcelles, unité de la propriété foncière.

État actuel

Le cadastre actuel est dans un état très divers. Certaines sections, à lettre unique, datent de plusieurs décennies et sont imprécises, à la fois géographiquement (éléments topographiques mal placés) et fiscalement (limites inexactes). Ces sections ont été élaborées de 1930 à 1960 environ, souvent à partir du plan cadastral napoléonien, lui-même établi entre 1807 et 1850. D'autres feuilles, en revanche, confectionnées à partir de 1960, possèdent une excellente géométrie.

En Alsace-Moselle, la plupart des communes disposent de cadastres papier hérités de l'administration allemande. Ils ont la particularité de permettre le calcul de chacun de ces points, car tous les points sont cotés. Ils s'affranchissent donc de l'erreur de lecture des documents uniquement graphiques. La numérisation de ces documents aboutit généralement à un résultat très précis.

Depuis 1998[7], certaines collectivités avaient entrepris, en partenariat avec les centres des impôts fonciers (CDIF), la numérisation voire la vectorisation de leur cadastre, selon la norme EDIGEO, afin de l'utiliser comme référentiel dans leur système d'information géographique. Le département du Calvados a réalisé une numérisation départementale, associé à la « remise en géométrie » (recalage) sur une orthophotographie[8].

La Direction générale des Finances publiques a lancé en 2002 un projet national de dématérialisation de l'ensemble des 602 188[9] feuilles du plan cadastral français. Cette opération (dite PCI ou Plan Cadastral Informatisé) s'est déroulée en partenariat avec les collectivités locales (PCI-Vecteur), parfois sans leur aide (PCI-Image) et dans ce dernier cas par simple scannage, et a pris fin en 2006. La vectorisation n'est toutefois pas encore achevée.[Quand ?]

Contenu

Le cadastre est tenu pour chaque commune française[10].

Il comprend un ensemble de plans, tenus au 1/500e ou au 1/1000e, pour les zones urbaines sur les plans récents, au 1/1250e pour les zones urbaines sur des plans anciens, au 1/2000e pour des zones rurales sur des plans récents, au 1/2500e ou au 1/5000e pour des zones rurales sur des plans anciens, où sont représentés toutes les parcelles et les constructions qui y sont édifiées, sur la base de levés réalisés par les géomètres du cadastre, ainsi qu'un tableau d'assemblage, qui représente la division de la commune dans les diverses sections cadastrales qui la composent.

Les références cadastrales d'une parcelle comprennent donc la section (désignée par une lettre lorsque le plan napoléonien a simplement été mis à jour et deux lettres lorsqu'il a été renouvelé ou refait entièrement) et le numéro de la parcelle. C'est ainsi par exemple que la parcelle 519 de la section K du cadastre d'une commune donnée sera désignée comme « parcelle K 519 ».

Le cadastre comprend également la documentation littérale où sont décrits chaque élément de propriétés, leur évaluation fiscale pour le calcul des impôts locaux (taxe d'habitation et taxe foncière), appelée valeur locative cadastrale, et l'indication du ou des propriétaires. Ces éléments découlent des déclarations faites par les propriétaires lorsqu'ils réalisent des travaux, ainsi que des données mentionnées dans les actes de vente.

Mise à jour

La mise à jour du parcellaire est faite à la diligence et aux frais des parties, un géomètre expert effectue contre rémunération cette mise à jour par un document d'arpentage.

La mise à jour des bâtiments et des détails topographiques (ponts, voirie…) est gratuite, annuelle, effectuée par les Géomètres-cadastreurs des Finances publiques (appelé couramment géomètres du cadastre) par des mesures effectuées sur le terrain.

Les déplacements des géomètres du cadastre sont annoncés en mairie par affichage, les géomètres sont porteurs d'une carte professionnelle et d'un arrêté préfectoral.

Cette mise à jour « au fil de l'eau » confère au plan cadastral une très haute valeur reconnue par tous les utilisateurs.

Données

La direction générale des finances publiques diffuse en licence ouverte le plan cadastral informatisé. Ce jeu de données fait partie du service public de la donnée[11].

Consultation

Depuis 2008[12], les plans cadastraux sont consultables gratuitement sur Internet par le biais du Service de consultation du plan cadastral (SCPC) à l'adresse cadastre.gouv.fr[13]. Ce service gratuit permet d'imprimer un extrait du plan cadastral, la liste des parcelles correspondantes avec leur adresse et leur surface, ainsi qu'un plan de situation[14]. Tous les départements français sont consultables. Les données du département de la Moselle, de la Guyane et de Mayotte sont toutefois encore incomplètes.

Les données supplémentaires, notamment l'identité des propriétaires de chaque parcelle, ne peuvent être obtenues qu'auprès des services municipaux de la commune concernée ou du CDIF (centre des impôts foncier) dont dépend le bien. Cette consultation des informations cadastrales en mairie, encadrée par la CNIL[15], est définie par le décret du 20 janvier 2012[16].

Les services départementaux du cadastre communiquent gratuitement aux personnes concernées un extrait du plan et la documentation littérale associée (matrice cadastrale ou relevé de propriété), ayant alors valeur officielle.

Depuis 2003, les géomètres-experts, les notaires, les agents de la Direction générale des Finances publiques, et de l'École nationale du cadastre ont accès à un Serveur professionnel de données cadastrales (SPDC)[17].

En 2009, la DGFiP autorise (sous certaines conditions) l'utilisation du plan cadastral pour le projet de cartographie libre OpenStreetMap[18]. Les bâtiments et les parcelles sont issus du plan cadastral, seul plan à grande échelle de qualité.

Notes et références

  1. « SOGEFI Ingénierie Géomatique - SIG et solutions Web », sur SOGEFI, Ingénierie géomatique (consulté le )
  2. Entrée « Cadastre », partie étymologie, dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le portail du CNRTL.
  3. « Le Bureau GF 3A. Cadastre », sur l'annuaire de l'administration française (Service-Public.fr) (consulté le )
  4. http://www.math.ens.fr/culturemath/histoire%20des%20maths/htm/Proust12/problemes-de-partage.html
  5. Rapport présenté à son Excellence le Ministre secrétaire d'État des finances, par le Commissaire royal du cadastre p. 10
  6. « Historique du cadastre », sur cadastre.connaitre.org (consulté le )
  7. CNIG, « Compte-rendu de la Commission topo-foncière du 3 juin 1998 », sur cnig.gouv.fr (consulté le )
  8. Calvados, cadastre et cartographie Revue Géomatique-Expert no 40 - Janvier 2006
  9. « Consulter et commander des feuilles du plan cadastral », sur budget.gouv.fr (consulté le )
  10. À l'exception toutefois de la commune de Suzan dont le cadastre est englobé dans celui de la commune de La Bastide-de-Sérou, et des communes de l'Île-de-Sein et de l'Île-Molène, qui ne disposent d'aucun cadastre (voir IGN, « BD parcellaire - Descriptif de contenu - Version 1.2 », sur ign.fr, , p. 14), les habitants de ces deux îles n'étant pas soumis à l'impôt foncier.
  11. https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/plan-cadastral-informatise/
  12. « Reportage : le cadastre en ligne », sur modernisation.gouv.fr (consulté le )
  13. Arrêté du 21 janvier 2008 portant création par la direction générale des impôts d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Service de consultation du plan cadastral (SCPC) », JORF no 24 du 29 janvier 2008, texte no 36, NOR BCFL0801902A, sur Légifrance.
  14. Le cadastre en ligne (vidéo)
  15. CNIL Fiche pratique : Fichiers cadastraux et systèmes d’information géographique
  16. « Accès à l'information : Informations cadastrales », Semaine juridique (JCP), édition générale, note 111, no 5, , p. 204 (ISSN 0242-5777)
  17. Arrêté du 2 avril 2003 portant création par la direction générale des impôts d'un traitement automatisé d'informations nominatives dénommé « serveur professionnel de données cadastrales (SPDC) », JORF no 93 du 19 avril 2003, p. 6999, texte no 27, NOR ECOL0300050A, sur Légifrance.
  18. Cadastre Français/Conditions d'utilisation

Annexes

Bibliographie

  • Le Cadastre. Guide des sources, par Paul-Marie Grinevald. – Paris, Comité pour l’Histoire Économique et Financière de la France, 2003. 21 × 29,7 cm, 230 p. (Nouvelle édition revue et augmentée, 2005. 21 × 29,7 cm, 357 p.) Troisième édition en préparation sur le site du Comité pour l'histoire économique et financière de la France, novembre 2006.
  • Coordonné par Pierre Clergeot, Cent millions de parcelles en France, Publi-Topex, , 124 p. (ISBN 978-2-9519379-5-6).
  • Utiliser le cadastre en généalogie, Marie-Odile Mergnac, Archives & Culture, Paris, 2011, 80 pages
  • Michel Pommiès, Manuel de l'ingénieur du cadastre, Imprimerie impériale, Paris, 1808 (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

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