Brigitte Lainé

Brigitte Lainé, née le dans le 20e arrondissement de Paris et morte le dans le 15e arrondissement de la même ville, est une archiviste et historienne de l'art française. Archiviste paléographe, elle est responsable des archives judiciaires des Archives de Paris de 1977 à 2008, après avoir dirigé les archives départementales de la Vendée.

Pour les articles homonymes, voir Lainé.

Elle est connue pour avoir témoigné lors du procès opposant l'homme politique Maurice Papon à l'historien Jean-Luc Einaudi.

Biographie

Formation

Élève de l'École nationale des chartes[1], Brigitte Lainé y obtient le diplôme d'archiviste paléographe en 1966 après avoir soutenu une thèse d'établissement intitulée La vie économique et sociale à Collioure de 1360 à 1490[2],[3].

Carrière professionnelle

Brigitte Lainé est nommée directrice des services d'archives de la Vendée en 1966[4],[5], avant d'être mutée aux Archives départementales de la Seine-Maritime en 1972, puis nommée aux Archives de Paris en 1977, où elle reste jusqu'à son départ en retraite en 2008[3].

Elle est nommée responsable avec son collègue Philippe Grand des archives judiciaires de Paris. Cela les amène à collecter, trier et classer les documents du Palais de justice, souvent en mauvais état et remisés dans les « greniers »[6] et un « labyrinthe de caves »[7]. Brigitte Lainé n'hésite pas à solliciter l'aide du premier président de la cour d'appel pour mener à un bien ce travail qui occupe l'ensemble de sa carrière[8] ; elle parvient, avec Philippe Grand, à trier et inventorier les dossiers correctionnels et d'appel correctionnel des Quatrième et Cinquième Républiques[9]. Elle est également seule responsable du traitement des archives du tribunal de commerce et des vingt tribunaux de justice de paix[9]. Elle met enfin au jour des trésors patrimoniaux oubliés dans les caves du Palais de la Cité, à l'instar de « deux grands cartons de disques 78 tours... intitulés Radio-Paris », dont le tiers n'était pas présent dans la collection de l'Institut national de l'audiovisuel[7].

Elle porte également une grande attention à l'exécution de sa mission de service public en conseillant et orientant de nombreux lecteurs dans leurs recherches aux Archives de Paris[6]. Sa connaissance des fonds parisiens lui vaut une « réputation scientifique » internationale[9].

Procès en diffamation de Jean-Luc Einaudi

En 1999, l'homme politique Maurice Papon poursuit en diffamation l'historien Jean-Luc Einaudi. Celui-ci affirme en effet au sujet des répressions policières du 17 octobre 1961 qu'il s'agit d'« un massacre » perpétré « par des forces de police agissant sur ordre de Maurice Papon »[10]. Pour sa défense, Jean-Luc Einaudi a besoin de prouver sa thèse à l'aide des Archives judiciaires de la ville de Paris ; mais toutes ses demandes de dérogations sont refusées. Il décide alors de faire citer Brigitte Lainé et Philippe Grand comme témoins, en tant qu'archivistes en charges des documents judiciaires[11]. Le , Brigitte Lainé décrit devant la Cour, « d'après la centaine de dossiers d'instruction subsistants, les divers modes d'exécution des Algériens »[11]. Ce témoignage, corroboré par un écrit de Philippe Grand destiné au tribunal, permettent à l'historien de gagner son procès[5],[12].

Menaces de sanctions et retrait des attributions

En raison de leurs témoignages, Brigitte Lainé et Philippe Grand sont menacés de sanctions disciplinaires pour manquement au devoir de réserve. Le risque de sanction pénale est rapidement écarté en raison du fait qu'un témoignage devant un magistrat exonère de toute obligation de secret[13]. À la suite d'un article[14] du journal Libération au sujet de cette affaire, de nombreux chercheurs étrangers ayant travaillé avec Brigitte Lainé signent un appel dans ce même journal pour protester contre les menaces de sanctions qu'elle encourt et pour réclamer que «Brigitte Lainé reçoive des Archives de France non des brimades mais des louanges» pour son témoignage devant le tribunal qui «relève [...] de sa conscience professionnelle»[15].

Une demande de blâme à l'encontre des deux archivistes est cependant transmise au ministère de la Culture[13]. Aucune suite n'est donnée à cette demande, mais le ministère n'intervient pas non plus lorsque, plus d'un an après, le directeur des Archives de Paris, François Gasnault, retire aux archivistes leurs attributions[13].

Réhabilitation

Cette situation reste inchangée jusqu'en 2001, date à laquelle elle dépose une requête devant le tribunal administratif de Paris pour contester la décision de sa direction. Dans le même temps, à l'initiative du groupe Les Verts, le conseil de Paris demande que les deux archivistes retrouvent leurs attributions[13]. En 2003, le tribunal administratif de Paris donne raison à Brigitte Lainé, en déclarant que ses attributions lui avaient été retirées «irrégulièrement par le département de Paris»[16] et en qualifiant la décision du directeur des Archives de Paris de «sanction disciplinaire déguisée»[13]. Cependant le jugement administratif n'est pas appliqué et le maire de Paris est condamné le 4 mars 2004 à lui verser une astreinte de 100 euros par jour si le jugement n'est pas exécuté[17]. En septembre 2005, elle retrouve enfin ses attributions, mais sans réhabilitation professionnelle[17].

Retraite

Admise à faire valoir ses droits à la retraite en [18], elle poursuit ses recherches aux Archives de Paris et publie en 2011 un guide du fonds sur lequel elle a travaillé pendant trente-deux ans : Guide des sources judiciaires. Les juridictions ordinaires et d’exception du département de la Seine puis du département de Paris et des départements du ressort de la cour d’appel de Paris. Fonds 1790-2010[19]. Cet ouvrage se voit décerner le Prix Berger de l’Académie des inscriptions et belles-lettres[20].

Mort et hommages

Brigitte Lainé meurt le des suites d'un cancer[21].

Les Archives de Paris soulignent « son esprit d’indépendance et de liberté, sa conscience politique, l’amènent parfois à tenir des positions lourdes de conséquences, mais qu’elle assume entièrement. Quoi qu’il en soit, après heurs et malheurs, l’héritage qu’elle laisse aux Archives de Paris est colossal et mérite d’être rappelé et honoré »[20] tandis que l'École des chartes passe sous silence sa fonction de témoin lors du procès qui a opposé Maurice Papon à l'historien Jean-Luc Einaudi[17].

La promotion 2020 des élèves conservateurs de l'Institut national du patrimoine choisit de porter le nom de « Brigitte Lainé », qu'ils décrivent comme ayant exercé « son métier de conservatrice du patrimoine en étant passionnément dévouée à son travail », devenant ainsi un « modèle inspirant de conscience professionnelle »[22].

Distinctions

Décoration

Prix

Publications

  • Le conseil de prud'hommes du département de la Seine, 1844-1940 (1762-1971) : D1U10 articles 1-1053, vol. 1, Paris, Archives de Paris, , 210 p. (ISBN 2-86075-010-X).
  • (Avec Françoise Bouleau-Koca et Christian Oppetit), Le Chapitre impérial, royal et national de Saint-Denis, Bobigny, Conseil général de Seine-Saint-Denis, , 259 p. (ISBN 978-2906525191).
  • (Avec Michèle Bimbenet-Privat), « Reconstituer le trésor de Saint-Denis ? Les acquisitions d'orfèvrerie ancienne (XVIe et XVIIe siècles) sous la Monarchie de Juillet », Bulletin Monumental, no 165 (2), , p. 195-207 (DOI 10.3406/bulmo.2007.1441).
  • Guide des sources judiciaires : Les juridictions ordinaires et d’exception du département de la Seine puis du département de Paris et des départements du ressort de la cour d’appel de Paris. Fonds 1790-2010 – Documents XIVe -XXe siècles, Paris, Direction des services d’archives de Paris, , 672 p. (ISBN 978-2-86075-015-8).
  • L'iconographie de Saint Denis, premier évêque de Paris, XII°-XIX° siècles : contribution à la publication des textes médiévaux conservés aux Archives de Paris, Paris, Archives de Paris, , 56 p. (ISBN 978-2-86075-020-2).

Notes et références

  1. « Chronique. École des chartes », Bibliothèque de l'École des chartes, no 120, , p. 344 (lire en ligne, consulté le ).
  2. « Chronique. École des chartes », Bibliothèque de l'École des chartes, no 124 (2), , p. 654 (lire en ligne, consulté le ).
  3. « Décès de Brigitte Lainé (prom. 1966) », École nationale des chartes, (lire en ligne, consulté le )
  4. « Chronique. Archives », Bibliothèque de l'École des chartes, no 124 (2), , p. 660 (lire en ligne, consulté le ).
  5. Fabrice Riceputi, « Brigitte Lainé ou l’honneur des archivistes français », sur Histoire coloniale et postcoloniale, (consulté le )
  6. Philippe Grand 2018-2019, p. 418
  7. Philippe Grand 2018-2019, p. 421
  8. Philippe Grand 2018-2019, p. 419
  9. Philippe Grand 2018-2019, p. 420
  10. Françoise-Marie Santucci, « Une archiviste en disgrâce pour avoir éclairé la vérité. », Libération, (lire en ligne)
  11. Philippe Grand 2018-2019, p. 423
  12. Benoît Lagarrigue, « Brigitte Lainé : bannie à cause de Papon », sur Le Journal de Saint-Denis (JSD), (consulté le )
  13. Jean-Pierre Thibaudat, « L'honneur retrouvé des deux archivistes », Libération, (lire en ligne)
  14. liberation.fr
  15. « Appel. Soutenons Brigitte Lainé. », Libération, (lire en ligne)
  16. « Les archivistes qui avaient témoigné contre Papon seront réhabilités », La Croix, (lire en ligne)
  17. Clémence Jost, « Brigitte Lainé : l'archiviste qui dérangeait Papon dérange-t-elle encore après sa mort ? », Archimag, (lire en ligne, consulté le )
  18. Arrêté du 28 mai 2008 portant admission à la retraite.
  19. Philippe Grand 2018-2019, p. 417
  20. « Décès de Brigitte Lainé, conservateur en chef honoraire aux Archives de Paris », sur Archives de Paris, (consulté le )
  21. Françoise Bouleau Koca et Georges Khamis, « Notre amie Brigitte Lainé vient de nous quitter », sur Diocèse de Saint Denis en France, (consulté le )
  22. « La promotion 2020 a choisi de porter le nom de Brigitte Lainé », sur www.inp.fr (consulté le )
  23. Décret du 13 juillet 2015 portant promotion et nomination.

Voir aussi

Bibliographie

Médias en ligne

Liens externes

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