Attaque anglaise

L'attaque anglaise est une disposition de pièces dans la défense sicilienne, une ouverture du jeu d'échecs. Elle est caractérisée par les coups Fe3, Dd2, f2-f3, g2-g4 et h2-h4, joués par les blancs, l'ordre pouvant varier; les Blancs effectuent souvent également le grand roque. L'attaque anglaise peut être utilisée contre la variante Najdorf, la variante de Scheveningue et la variante Taïmanov. Par ailleurs, le placement des pièces blanches y est similaire à l'attaque yougoslave de la variante du Dragon, plus ancienne.

Cet article utilise la notation algébrique pour décrire des coups du jeu d'échecs.
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Dispositif utilisé par les blancs dans l'attaque anglaise.

L'attaque anglaise contre la variante de Scheveningue

Cette variante survient après les coups 1. e4 c5 2. Cf3 d6 (ou e6) 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 e6 (ou d6) 6. Fe3 a6 dans la variante de Scheveningue, et encore plus fréquemment par l'ordre de coups 1. e4 c5 2. Cf3 d6 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 a6 6. Fe3 e6 de la variante Najdorf. Toutefois, dans l'ordre de coups de la variante de Scheveningue, les noirs peuvent essayer d'économiser le coup a6 pour préparer le plus vite possible le coup émancipateur d6-d5, par exemple 1.e4 c5 2.Cf3 d6 3.d4 cxd4 4.Cxd4 Cf6 5.Cc3 e6 6.Fe3 Cc6 7.f3 Fe7 8.Dd2 0-0 9.0-0-0 d5.

La variante 6. Fe3 a6 7. f3, ou 7. Dd2 suivi de f3, devint un système à part entière vers 1984-1985, lorsque les jeunes maîtres de Leningrad, Konstantin Asseïev, Leonid Youdassine et Aleksandr Khalifman, puis les grands-maîtres anglais, John Nunn, Nigel Short et Murray Chandler commencèrent à l'utiliser[1]. Khalifman et Kasparov remarquent que la variante était jusque-là complètement inexplorée ; le coup 6. Fe3 dans son ensemble était jugé comme inadéquat contre la Najdorf, à la fois trop lent par rapport aux suites directes 6. Fg5 et 6. Fc4 et peu fondé positionnellement, car n'entrant pas dans un schéma solide avec un petit roque rapide[2].

Dans son livre Comment jouer les débuts semi-ouverts, Anatoly Karpov détaille les différents plans noirs :

« Les Noirs ont deux suites principales à leur disposition : développer l'aile-dame en jouant Dc7, b7-b5 et Cb8-d7 ( ou Cb8-c6) ou bien sortir le fou Ff8-e7, exécuter le petit roque et réagir au centre par la poussée d6-d5[3]. »


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Position après les coups 6. Fe3 e6 7. f3 b5 8. g4 h6 9. Dd2 Cbd7 10. 0-0-0 Fb7 11. h4 b4 12. Ca4

Vers la fin des années 1990, la théorie a largement exploré les conséquences de 6. Fe3 e6 7. f3 b5 8. g4 h6 9. Dd2 Cbd7 10. 0-0-0 Fb7 11. h4 b4 12. Cce2, avec un certain manque de positions prometteuses pour les blancs après 12... d5 13. Cf2 ou 13. Fh3[4]. Aussi, vers 1998-1999, les blancs s'orientent vers d'autres coups de cavalier. 12. Cb1, quoique jouable et quelquefois testé, est probablement trop passif, aussi un débat théorique virulent s'engagea-t-il dans la ligne 12. Ca4 (cf diagramme). Kasparov tout d'abord inscrivit une victoire spectaculaire contre Topalov et sembla réfuter toute la variante 12. Ca4 en continuant par 12... Da5 13. b3 Cc5 14. a3 Cxa4 15. axb4 Dc7 16. bxa4 d5 17. e5 Cd7 18. f4 Cb6 19. a5 Cc4 20. Dc3 De7![5]. Plus tard dans la même année, le jeune Grichtchouk proposa l'amélioration 19. f5 et remporta ainsi deux parties[6], relançant le débat; Kasparov lui-même, jouant avec les blancs contre Topalov[7], obtint une nouvelle victoire en adoptant le coup 19. Th3 initié par Bologan. Kasparov porte le jugement global suivant sur la ligne critique avec 12. Ca4 :

« J'ai joué cette position à la fois avec les blancs et avec les noirs. En particulier, j'ai gagné deux parties très importantes contre Topalov : la première avec les noirs à Linares 1999, et la seconde avec les blancs à Wijk-aan-Zee 2001. La faiblesse des défenses autour du roi blanc est évidente, mais le roi noir n'est pas à l'abri non plus, et il est ainsi difficile d'affirmer que la compensation pour le pion est suffisante. On considère aujourd'hui que, dans les complications sauvages qui surviennent ici, les atouts des blancs sont supérieurs.  »

 Gary Kasparov[8].

Conformément à ce jugement, les noirs évitent la plupart du temps de raviver le débat sur 19. f5 ou 19. Th3, et choisissent de dévier plus tôt, par exemple en jouant Tc8 au 13e ou 14e coup[9]. Un autre essai est 12. Ca4 d5. Ce coup reçut une critique favorable dans The English Attack[10], mais dans une partie disputée l'année suivante contre Erenburg, l'auteur se vit opposer la forte réplique 13. Fh3 dxe4 14. g5 hxg5 15. hxg5 exf3 16. Cxe6! fxe6 17. Ff5![11]. Principalement, les noirs ont déplacé la discussion vers d'autres systèmes.

Kasparov d'abord a ravivé les systèmes où les noirs ne jouent pas h6, et placent immédiatement un de leurs cavaliers à b6 : 6. Fe3 e6 7. f3 b5 8. g4 Cfd7 9. Dd2 Cb6[12]. Après 10. 0-0-0 C8d7, la correction du système noir dépend en partie du sacrifice de pièce inventé par Grichtchouk, 11. Cdxb5 :

Alexandr Grichtchouk (2671) - Semion Dvoïris (2563) [B80] Open Aeroflot, Moscou (3),

1.e4 c5 2.Cf3 d6 3.d4 cxd4 4.Cxd4 Cf6 5.Cc3 a6 6.f3 e6 7.Fe3 b5 8.g4 Cfd7 9.Dd2 Cb6 10.0-0-0 C8d7 11.Cdxb5 (11. Fg5 et 11. Df2 étaient les coups usuels) axb5 12.Cxb5 Txa2 (12... Fa6 a été préféré dans les parties ultérieures) 13.Rb1 Ta8 14.Cxd6+ Fxd6 15.Dxd6 Ca4 16.Fb5 De7 17.Dd4 e5 18.Dd5 Cc3+ 19.bxc3 Tb8 20.Td3 0-0 21.c4 Cb6 22.Dc5 Df6 23.g5 1-0

Les Noirs préfèrent maintenant éviter le débat et jouent simplement 10... Fb7, transposant dans la variante 8... Fb7 9. Dd2 Cfd7 10. 0-0-0 Cb6.

Si les Blancs retardent g2-g4 et jouent d'abord 8. Dd2, alors il est possible de placer l'autre cavalier à b6 : 8. Dd2 Cbd7 9. g4 Cb6[13].

Topalov a quant à lui développé les lignes où les noirs jouent précocement b4, souvent dès le 8e coup : 8. g4 h6 9. Dd2 b4[14], ou 8. Dd2 b4[15].

L'attaque anglaise contre la variante Najdorf

Le dispositif d'attaque anglaise peut également être joué contre le coup thématique e7-e5 de la variante Najdorf. Dans ce cas-là, les blancs placent leur cavalier d4 à b3 : 1. e4 c5 2. Cf3 d6 3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 a6 6. Fe3 e5 7. Cb3.

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Position après 6. Fe3 e5 7. Cb3 Fe6 8. f3.

Commentant la partie Shirov - Kasparov, Tilburg 1997[16], le grand maître Luc Winants souligne les qualités du dispositif blanc après 6. Fe3 e5 7. Cb3 Fe6 8. f3 (cf diagramme) : d'une part, le pion central e4 est solidement défendu par le pion f3 qui sert également de support à une marée de pions à l'aile-roi avec g4, h4, g5, etc.; d'autre part, les blancs peuvent agir aussi bien à l'aile-roi, comme déjà mentionné, qu'à l'aile-dame, grâce aux deux fous braqués dans cette direction. Le coup classique des noirs b7-b5 crée de nombreuses faiblesses de case dans ce secteur que les blancs peuvent utiliser à leur profit; par exemple en jouant Cc3-d5, puis en capturant d'un pion en d5 afin de créer un avant-poste à c6 que le Cb3 peut ensuite occuper par Cb3-a5-c6.

Un modèle d'exploitation des faiblesses noires à l'aile-dame, en particulier de la case c6, est fourni par la partie suivante :

Vladimir Kramnik (2777) - Veselin Topalov (2735) [B90] Linares 21e tournoi de Linares (7),

1.e4 c5 2.Cf3 d6 3.d4 cxd4 4.Cxd4 Cf6 5.Cc3 a6 6.Fe3 e5 7.Cb3 Fe6 8.f3 Cbd7 9.Dd2 b5 10.0-0-0 h5 11.Cd5 Fxd5 12.exd5 g6 13.Rb1 Cb6?! 14.Dc3! Fe7 15.Dc6+ Cbd7 16.Fb6!! Dxb6 17.Dxa8+ Cb8 18.Ca5! Cfd7 19.Cc6 Fg5 20.Da7 Cxc6 21.Dxb6 Cxb6 22.dxc6 Re7 23.Td3 Tc8? 24.Ta3 Ca4 25.c4! Txc6 26.Fe2 Tb6 27.cxb5 axb5 28.Fxb5! Txb5 29.Txa4 f5 30.Td1 Fe3 31.a3 d5 32.b4 d4 33.Ta5! Txa5 34.bxa5 Rd6 35.Rc2 e4 36.fxe4 fxe4 37.Te1! 1-0 (ponctuation de Ľubomír Ftáčnik[17])

L'attaque anglaise contre la variante Taïmanov

Jusqu'à la fin des années 1990, on considérait que la variante Taïmanov était la plus solide des variantes de la défense sicilienne, car il était presque impossible pour les blancs de jouer un schéma avec grand roque dans ce dispositif. L'attaque anglaise était considérée ici comme inefficace, car les noirs, n'ayant pas encore joué d7-d6, en profiteraient pour jouer directement le coup libérateur d7-d5, résolvant ainsi les problèmes[18]. Mais ce jugement a été quelque peu révisé au cours de la dernière décennie et les blancs entrent maintenant volontiers dans l'attaque anglaise même contre la variante Taïmanov. Le jeu se déroule ainsi : 1.e4 c5 2.Cf3 e6 3.d4 cxd4 4.Cxd4 Cc6 5.Cc3 a6 6.Fe3 Dc7 7.Dd2 Cf6 8.0-0-0 Fb4 9.f3, et ici les noirs évitent à présent le coup libérateur 9... d5, qui n'a pas tenu ses promesses, au profit de coups comme 9... Ce5, 9... Ce7 ou 9... Ca5.

Notes et références

  1. (en) Aleksandr Khalifman, Opening for White according to Anand, Volume 13, p.6.
  2. Garry Kasparov, How to play the Najdorf, volume 2
  3. Anatoli Karpov, Comment jouer les débuts semi-ouverts, Armand Colin, 1994, p.42
  4. John Nunn & Joe Gallagher, The Complete Najdorf: Modern Lines, Batsford, 1998, p. 205-209
  5. Topalov - Kasparov, Linares 1999
  6. Grichtchouk - Popov, et Grichtchouk - Ibrahimov, 1999
  7. Kasparov - Topalov, Wijk-aan-Zee 2001
  8. Garry Kasparov, How to play the Najdorf, volume 3
  9. Anand - Kasparov, match rapide Russie contre le reste du monde, 2002
  10. (en) Tapani Sammalvuo, The English Attack, Gambit, 2004
  11. Erenburg - Sammalvuo, FSGM September, 2005
  12. Anand - Kasparov, Chess@iceland, 2000
  13. Leko - Kasparov, Linares 2005
  14. Kramnik - Topalov, Wijk-aan-Zee 2005
  15. Kramnik - Topalov, MTel masters 2005
  16. Luc Winants, analyse dans ChessBase Magazine 61
  17. Ľubomír Ftáčnik, analyse dans ChessBase Magazine 100
  18. (fr) Zoran Ilic, La variante Taïmanov de la défense sicilienne, in Europe-Échecs n°473, décembre 1998, p.51

Bibliographie

  • (en) John Nunn & Joe Gallagher, The Complete Najdorf: Modern Lines, Batsford, 1998 ;
  • (en) Tapani Sammalvuo, The English Attack, Gambit, 2004
  • (en) de Firmian & Fedorowicz, The English Attack, Batsford, 2004
  • (en) Aleksandr Khalifman, Opening for White according to Anand, Volume 13, Chess Stars, 2010 ;
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