Astroblème de Charlevoix

L'astroblème de Charlevoix désigne les restes d'un ancien cratère d'impact météoritique qui est situé dans la région de Charlevoix, au Québec (Canada). Avec un diamètre de 54 km, c'est, en date d'avril 2019, le onzième plus grand site d'impact identifié sur Terre, et le troisième plus grand au Canada[1], derrière ceux de Sudbury (Ontario) et de Manicouagan (Québec).

Astroblème de Charlevoix

Image Radarsat de Charlevoix, de l'Agence spatiale canadienne
Localisation
Coordonnées 47° 32′ 00″ N, 70° 18′ 00″ O
Pays Canada
Province Québec
Géologie
Âge Incertain. Entre 450 et 350 millions d'années, selon les études.
Type de cratère Météoritique
Impacteur
Nature Rocheux ou ferreux ?
Diamètre Entre 2 et 4,5 km
Vitesse 10 à 20 km⋅s−1
Angle
Densité 2 700 à 7 000 kg/m3
Cible
Nature Roches ignées et métamorphiques du bouclier canadien, probablement recouvertes à l'époque d'une couche de roches sédimentaires des basses-terres du St-Laurent.
Densité 2 800 kg/m3
Dimensions
Diamètre 54 km
Découverte
Découvreur Jehan Rondot (1965)
Géolocalisation sur la carte : Québec

Dénomination: "Cratère" ou "Astroblème"?

L'impact s'est produit il y a des centaines de millions d'années[2]. Dans les dizaines de milliers d'années qui ont suivi l'impact météoritique de Charlevoix, le terme « cratère » aurait vraisemblablement été approprié. Le terme « astroblème » est utilisé ici car il réfère à une très ancienne structure d'impact qui a subi, depuis les centaines de millions d'années, l'effet de divers agents d'érosion[3] ainsi que des mouvements de la croûte terrestre.

Localisation et caractéristiques physiques

L'astroblème de Charlevoix est situé en bordure du fleuve Saint-Laurent, approximativement à mi-chemin entre la ville de Québec et l'embouchure du fjord du Saguenay. En provenance de l'extérieur de la région, trois routes principales permettent d'entrer dans l'astroblème de Charlevoix :

  1. En provenance de la ville de Québec (au sud-est) par la route 138 en direction nord-est, on entre dans la partie sud-est de l'astroblème au moment où la route commence à descendre et ce, sur quelques kilomètres avant d'arriver à la ville de Baie-Saint-Paul. Ceci constitue une distance d'environ 75 km des Chutes Montmorency, à la sortie de la ville de Québec ;
  2. En provenance du village de Baie-Sainte-Catherine situé à l'embouchure du fjord du Saguenay, au nord-est, on entre dans la partie nord-est de l'astroblème par la route 138 en passant des hauteurs du village de Cap-à-l'Aigle vers La Malbaie située au niveau du fleuve. Ceci constitue une distance d'environ 63 kilomètres de Baie-Sainte-Catherine ;
  3. En provenance de l'arrondissement de La Baie (Ville-de-Saguenay), au nord, par la route 381, on entre dans l'Astroblème lorsque la route descend du Parc national des Grands-Jardins vers le village de Saint-Urbain. Ceci constitue une distance d'environ 100 km.

Environ 60 % de cet astroblème d'approximativement 54 km de diamètre s'étend sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, l'autre 40 % étant situé sous l'eau du fleuve. La partie de l'astroblème située au nord du fleuve est relativement bien conservée alors que la partie sous le fleuve est fortement érodée. La partie de l'astroblème située au nord du fleuve constitue un excellent site d'étude car l'ensemble des couches géologiques perturbées ou créées par l'impact sont d'accès aisé[4]. Par contre, c'est une structure grandement érodée car presque tout le remplissage subséquent à l'impact par des dépôts allochtones a été enlevé. En effet, il est estimé que 300 à 400 m du plancher du cratère ont été érodés[5]. On compte en effet les glaciations, la gélifraction, l'érosion hydrique et éolienne comme des exemples d'agents d'érosion ayant grandement modifié la géomorphologie de Charlevoix.

L'astroblème est situé dans le bouclier canadien, dans la province géologique du Grenville, mais on y retrouve aussi des parties de la plateforme des Basses-Terres du St-Laurent. Il est important de mentionner que l'Isle-aux-Coudres, tout comme la partie de la rive sud du Saint-Laurent face à Charlevoix, appartiennent à la province géologique des Appalaches. Ces régions n'étaient pas encore localisées à cet endroit lors de l'impact; elles se sont graduellement avancées vers Charlevoix durant les dizaines de millions d'années suivant l'impact. La limite entre les Appalaches et le Bouclier canadien s'appelle la faille Logan. Les déplacements le long de cette faille seraient arrêtés depuis des centaines de millions d'années[6].

Au centre de l'astroblème, à mi-chemin entre Baie-Saint-Paul et La Malbaie, culmine le mont des Éboulements, à 768 mètres d'altitude. Ce pointement central, caractéristique des cratères complexes, est constitué majoritairement d'anorthosite et de charnockite, et est le résultat du rehaussement (ou « rebond ») du fond du cratère de transition immédiatement après l'impact. Ce pointement central est l'un des mieux préservés au monde.

Le mont des Éboulements, pointement central de l'Astroblème de Charlevoix, photographié à l'automne à partir des hauteurs de Pointe-au-Pic.

Découverte par des études géologiques

Jehan Rondot, géologue et découvreur de l'Astroblème de Charlevoix.
Les premiers cônes de percussion trouvés par Jehan Rondot dans un affleurement de charnockite près du village de St-Hilarion.

L'origine météoritique du relief charlevoisien a été reconnue en 1968 par la Commission géologique du Canada après les investigations menées à partir de 1966 par Jehan Rondot, alors géologue au Ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec[7],[8],[9]. Bien que la structure circulaire de l'astroblème dans le relief soit bien visible sur les cartes topographiques et les photographies satellitaires, l'origine météoritique du relief n'a été confirmée que lors de la découverte de cônes de percussion par Jehan Rondot en 1966. L'imagerie satellitaire était, à l'époque, beaucoup moins accessible qu'elle ne l'est aujourd'hui.

« Pendant l’été 1965, je fus amené à cartographier une zone de brèche de grande étendue entre le lac Ste-Agnès et le Mont des Éboulements et de nombreux dykes de brèche que j'assimilais à des mylonites. La zone bréchique, apparemment à trois dimensions égales, ne pouvait pas correspondre à une zone de cisaillement. De plus, certaines fractures présentaient des stries divergentes que ne possèdent pas les mylonites. Ce type de brèche fut identifié comme un shatter cone par un collègue, Jean-Pierre Bassaget, diagnostique confirmé par John Murtaugh, avec qui il travaillait. L’origine météoritique donnait une explication à cette zone de brèche ainsi qu'aux clivages et figures planaires, du quartz observé dans quelques plaques minces, et à l'affleurement d'impactite d'abord cartographié comme pseudotachylite. La structure de Charlevoix a donc été découverte par des observations terrain et son origine révélée par des comparaisons avec les observations faites sur d’autres grandes structures, plutôt que par la morphologie qui est cependant la plus marquée de toutes les grandes structures. »

 Jehan Rondot[10]

Dyke de mylolisthénite (impactite de réajustement) ayant emprunté une zone de faiblesse préexistante entre du calcaire et du granite.

Il ne restait à Rondot qu'à compléter ses investigations pour évaluer la taille de l'astroblème, ce qu'il fait entre 1967 et 1968. L'astroblème de Charlevoix est le premier dont l'origine météoritique a été confirmée grâce à la découverte de cônes de percussion[9].

Cônes de percussion dans leur environnement, secteur de Cap-à-la-Corneille, sur l'estran du fleuve St-Laurent.

La brèche d'impact que Rondot a découverte s'apparente grandement en apparence à la suévite trouvée dans d'autres sites d'impacts dans le monde. Il nomma ce type de brèche mylolisthénite, du grec μνλων « moulin » et ολίσθημα « glisser ». En effet, le mode de formation de la mylolisthénite est différent de la suévite qui elle, constitue des retombées post-impact. La mylolisthénite se forme le long des plans de décrochements, entre les mégablocs d'effondrements. Une étude statistique de leur orientation indique que ces brèches de faille ont emprunté largement les zones de faiblesse préexistantes[11]. Elle est formée de morceaux plus ou moins finement broyés de calcaire, de grès et de pseudotachylite noire (verre de roche fondue). Parfois on peut voir une couche de cuisson sur certains des plus gros fragments dans la mylolisthénite[12]. Retrouvée sous forme de dykes, la position de l'Astroblème de Charlevoix en bordure du Fleuve Saint-Laurent permet à l'estran d'être à nu. En effet, le frottement des glaces l'hiver et le mouvement perpétuel des marées "nettoient" les affleurements rocheux. Cette situation rend facile l'observation de ces dykes de mylolisthénite à marée basse.

Datation de l'impact

Un astéroïde typique, (253) Mathilde, photographié par la sonde NEAR Shoemaker en 1997.
Vue d'artiste d'un impact météoritique de très grande envergure.

Même si l'astroblème de Charlevoix a été étudié depuis des décennies, il n'y a pas de données concluantes qui ont été obtenues pour résoudre deux questions : 1 - Quand, exactement, l'impact s'est produit ? 2 - Quelle est la nature réelle de la météorite qui a frappé[13],[14] ?

Les datations K/Ar effectuées dans les années 1970 sur un affleurement de suévite (impactite de retombées) dans le secteur de Ste-Marie-de-Charlevoix donnent un âge de 372 et 342 millions d'années (Ma), soit à la fin du Dévonien supérieur[15].

D'autres datations effectuées dans les mêmes années sur de la pseudotachylite (impactite de fusion) prélevée au Lac de la Tourelle, près du sommet du Mont des Éboulements, révèlent un âge de 335 Ma. Deux mylolisthénites (impactites de glissements de mégablocs) ont quant à elles été datées à 332 et 321 Ma[15].

Un ouvrage grand public de 2003 portant, entre autres, sur l'Astroblème de Charlevoix, spécifie une datation de 357 Ma ± 15 %, donc de 410 à 303 Ma[4].

Les datations effectuées plus récemment au 40Ar/40Ar sur une roche de St-Irénée contenant du verre de fusion, à environ 3 kilomètres du point d'impact, semblent montrer moins d'incertitude dans les résultats, avec un âge de 397,5 ± 2,5 Ma, soit autour de la transition entre le Dévonien inférieur et moyen[2].

Une nouvelle étude[16], publiée en 2019 par équipe de chercheurs germano-américaine, suggère un impact encore plus ancien qu'autrefois évalué. En effet, la datation à l'Uranium-Plomb de zircons choqués prélevés dans des anorthosites du Mont des Éboulements, date l'impact aux périodes de l'Ordovicien supérieur ou, de manière moins probable, du Silurien inférieur. La datation de l'impact apportée par leurs résultats est effectivement de 450 ± 20 Ma.[16]

Caractéristiques physiques de l'impacteur

Selon les premiers calculs effectués dans les années 1960 et 1970 par Jehan Rondot, la météorite à l'origine de la formation de l'astroblème de Charlevoix était probablement de type rocheuse et d'environ 2 kilomètres de diamètre, d'une masse de 15 milliards de tonnes arrivant à une vitesse de 10 à 15 km/s. Ceci confère une énergie cinétique maximale d'environ 1,27 × 1021 joules.

En 2007, Jehan Rondot parle d'une énergie d'environ 1,5 × 1021 joules[11], ce qui impliquerait, par exemple, une vitesse d'impact encore un peu plus grande qu'initialement calculée. Aujourd'hui par contre, en utilisant le simulateur d'impacts météoritiques de la Purdue University nommé Impact: Earth![17] avec l'énergie évaluée par Jehan Rondot, le cratère serait de l'ordre de 25 km de diamètre, ce qui est passablement plus petit que les 54 km mesurés sur le terrain.

Selon ce simulateur, une météorite rocheuse frappant à 20 km/s devait plutôt avoir un diamètre d'environ 4,5 km, donc une masse aux alentours de 130 milliards de tonnes pour pouvoir créer un cratère complexe du diamètre de l'Astroblème de Charlevoix. Il est important de spécifier que rien n'indique, hors de tout doute, que la météorite était de type rocheuse. En effet, elle était peut-être plus petite, mais ferreuse. L'énergie d'une telle collision est environ 20 fois plus grande que celle des premières estimations.

L'énergie dégagée au moment de l'impact dépend donc du modèle utilisé. Elle serait d'environ 300 000 mégatonnes de TNT (ce qui est équivalent à environ 21 millions de fois l'énergie dégagée par la bombe nucléaire Little Boy larguée sur Hiroshima) selon le premier modèle. Elle serait plutôt de 6 000 000 de mégatonnes de TNT selon le modèle récent, ce qui est équivalent à 430 millions de fois la même bombe.

Énergie d'un objet en mouvement et énergie de la météorite de Charlevoix

Les différences d'énergies entre les premiers calculs d'impacts effectués dans les années 1970 et ceux d'aujourd'hui sont relativement grandes. Plusieurs groupes de recherche ont travaillé sur différents sites d'impacts météoritiques mondiaux depuis les premières études sur Charlevoix. Des différences en apparence pas si importantes dans les caractéristiques de la météorite d'impact ont un effet majeur sur son énergie. Ceci s'explique grâce aux lois de la physique mécanique.

En effet, l'énergie du mouvement d'une masse est appelée énergie cinétique. Cette énergie est proportionnelle à la masse d'un corps (m), ainsi qu'à sa vitesse élevée au carré (v2).

Il est important de mentionner que la masse varie rapidement avec l'augmentation du diamètre d'un objet. En effet, pour un objet de forme approximativement sphérique, le volume est proportionnel au rayon élevé au cube (r3). La masse elle, est directement proportionnelle au volume.

Considérons donc les deux corps calculés pour Charlevoix, en supposant qu'ils se déplacent à la même vitesse, mais que le deuxième a un diamètre 2,25 fois plus grand que le premier (2 versus 4,5 km). Sa masse (proportionnelle au volume), sera 2,253=11,4 fois plus grande.

De plus, les simulations informatiques[17] montrent que la vitesse d'impact était peut-être plus rapprochée de 20 km/s plutôt que de 15 km/s, vitesse utilisée dans le premier modèle. Une vitesse 1,33 fois plus grande conférera donc 1,332=1,78 fois plus d'énergie.

Ces deux calculs expliquent pourquoi il y a environ un facteur 20,25 (11,4 x 1,78) entre les énergies impliquées dans les 2 simulations.

Absence de fragments de la météorite d'origine

Oxydation à la surface d'une météorite tombée en Chine en 1516 (Nantan). Après quelques milliers d'années laissée dans l'environnement, elle aurait fini par disparaître.

Une recherche effectuée par une équipe scientifique, et dont les résultats ont été publiés en 2008, avait pour but de trouver des traces de l'impacteur dans des roches autrefois fondues de l'Astroblème de Charlevoix. Suite à l'analyse de leurs échantillons, certains indices tendent vers un impacteur qui aurait été une Chondrite de type L. Les auteurs sont toutefois extrêmement prudents dans leurs conclusions car les résultats sont statistiquement faibles. Ils recommandent donc que de nouvelles recherches soient menées à ce sujet[14].

En ce sens, il peut sembler surprenant de constater qu'aucun fragment d'une aussi grosse météorite n'ait été retrouvé. Notons que cette absence de fragments n'est pas exclusive à Charlevoix. En effet, c'est la même chose pour tous les grands sites d'impacts mondiaux.

En fait, l'absence de fragments de la météorite d'origine dans un grand et vieux site d'impact comme celui de Charlevoix est le résultat de deux causes. Premièrement, lorsque l'impacteur frappe la croûte terrestre, il subit un choc et des températures immenses. Cela a tendance à faire fondre et même vaporiser la météorite. Deuxièmement, puisque toutes les météorites contiennent au moins une certaine quantité de fer, l'érosion (oxydation) vient à bout de faire disparaître rapidement les fragments qui auraient pu subsister[18].

Formation du cratère complexe de Charlevoix

Le cratère Copernicus sur la Lune est un excellent exemple de cratère complexe. L'absence d'érosion et d'activité interne (volcanisme, tectonique) sur la Lune nous permet de bien distinguer la remontée centrale et les effondrements périphériques, même 800 millions d'années après l'impact.
Le Mont des Éboulements s'est formé durant la courte phase de réajustement de la croûte terrestre à la suite de l'impact de la météorite, un peu à la manière dont l'eau réagit après qu'un objet y est tombé.

Les cratères de type complexes sont caractérisés par des terrasses d'effondrement sur la périphérie, un plancher relativement plat et un massif montagneux au centre, appelé pointement central. Ils constituent en quelque sorte les cratères de dimensions moyennes, situés entre les cratères simples et les bassins à anneaux multiples. On en retrouve sur toutes les planètes rocheuses du Système solaire, ainsi que sur la Lune, et les lunes glacées. Le type de cratère formé dépend de la masse de la météorite, de sa vitesse d'impact, de la gravité de la planète ou de la lune frappée, et du type de surface frappée.

Sur la Terre, les cratères de type complexes ne se forment que lorsque la météorite qui tombe a un diamètre d'au moins 200 m[19], mais le type de roche frappée a aussi de l'influence sur le résultat. En effet, pour une même taille d'impacteur, les cratères dans la roche sédimentaire sont systématiquement environ 5 % plus grands que ceux créés dans la roche cristalline[17]. Le type exact de roches, cristallines ou sédimentaires, dans lequel l'impact a eu lieu dans Charlevoix est inconnu. L'impact s'est peut-être même produit en milieu marin peu profond.

Ceci étant dit, peu importe le milieu dans lequel l'impact a eu lieu, l'énergie libérée lors de l'impact sur Charlevoix était amplement suffisante pour créer un cratère de type complexe.

Dans ce type d'impact, la météorite ne pénètre guère d'une profondeur supérieure à 2 fois son diamètre avant que son immense énergie cinétique ne soit transférée à la cible. Ce dégagement d'énergie surpasse les forces fondamentales des roches sous le grand cratère initialement excavé, appelé cratère de transition. Ce dernier, trop profond pour son diamètre, passe rapidement de la phase d'excavation initiale aux phases de modification. Le résultat est que dans les dernières étapes de la modification du cratère, il y a des interactions complexes entre les effets de l'onde de choc dans le sol, la gravité, la cohésion de la roche impactée, et les modifications caractérisées par les mouvements vers l'extérieur, l'intérieur, et vers le haut de grands volumes de roches sous le cratère. Le processus de formation de ces cratères complexes n'est donc pas connu dans les moindres détails. Le résultat est que la roche qui était autrefois en profondeur sous le cratère de transition remonte pour former le pointement central. Au même moment, les roches de la périphérie s'effondrent vers l'intérieur le long de failles pour former des terrasses d'effondrement[18].

Les étapes de la formation d'un cratère de type complexe, comme celui de Charlevoix[20].

Plus spécifiquement pour l'impact sur Charlevoix, on calcule que durant la phase initiale d'excavation, la profondeur de la cavité a atteint environ 12 km. Le cratère de transition avait alors un diamètre d'environ 35 km. Ce dernier est donc rapidement entré en phase de modification pour finir avec un diamètre d'environ 54 km, et une profondeur d'environ 1 000 m[17]. Lors de la phase de modification, d'énormes effondrements ont eu lieu, particulièrement sur la périphérie, avant d'en arriver au cratère complexe final.

Selon les calculs, l'ensemble de ce processus ne prendrait pas plus que quelques minutes. Ceci est presque instantané selon les durées géologiques typiques[18].

Effets de l'impact

En fonction de la distance à l'impact, il est possible de calculer les effets qui auraient été subis grâce au simulateur d'impact de la Purdue University[19].

Distance
de l'impact
(km)
Détails de la radiation thermique Éjectas Onde de choc Effets simiques
100
(Distance à la ville de Québec)
Arrivée : 2,95 secondes après l'impact. 1 570 fois plus brillant que le Soleil, les vêtements brûlent, la majorité du corps subit des brûlures au 3e degré. La végétation brûle. Arrivée : 2,4 minutes

Épaisseur moyenne d'éjectas : 12,4 m
Diamètre moyen des fragments : 0,363 m

Arrivée : 5,05 minutes

Vitesse de l'onde : 4 880 km/h
Pression : 386 psi

9.1 sur l'échelle de Richter.

Destruction quasi totale des meilleures structures.

250

(Distance de
Trois-Rivières)

Arrivée : 2,95 secondes après l'impact. 229 fois plus brillant que le Soleil, les vêtements brûlent, la majorité du corps subit des brûlures au 3e degré. La végétation brûle. Arrivée : 3,85 minutes.

Épaisseur moyenne d'éjectas : 0,9 m
Diamètre moyen des fragments : 0,033 2 m

Arrivée : 12,6 minutes

Vitesse de l'onde : 1 505 km/h
Pression : 50,8 psi

Dommages moyens aux structures bien construites.

L'impact de Charlevoix : cause d'une extinction massive des espèces marines ?

Brachiopode fossilisé dont l'espèce s'est éteinte au Dévonien.
Position approximative des continents au Dévonien.

La publication des résultats d'une recherche en 1992[21] révélait la découverte d'une couche de microtectites dans un affleurement rocheux du Bassin de Dinant, dans une section de commune en Belgique nommée Senzeilles. On en a retrouvé depuis dans un autre site belge nommé Hony. La datation des microtectites les associait à la limite entre les étages Frasnien et Famennien du Dévonien supérieur, soit à environ -372 millions d'années. Une des plus grandes extinctions massives des espèces marines se serait produite à ce moment, avec la disparition d'au moins 70 % de ces espèces. Les espèces les plus affectées étaient liées aux récifs et au benthos de faible profondeur[21].

Plusieurs mécanismes terrestres ont été suspectés comme étant des causes potentielles de cette extinction de masse, mais il existe de sérieuses divergences dans ces modèles. L'hypothèse d'un impact météoritique a donc aussi été envisagée comme étant responsable de cette extinction massive[21].

De par leur taille, leur âge approximatif et leur position respective au moment de l'impact, les cratères du Lac Siljan en Suède, de Woodleigh en Australie, ou de Charlevoix au Canada sont des candidats possibles. Par contre, aucune preuve suffisamment étoffée n'identifie l'un des trois cratères comme étant responsable de l'extinction. En effet, des incertitudes persistent sur l'âge des cratères, l'épaisseur de la couche d'éjectas qui se serait déposée (liée à la distance de l'impact), ainsi que la composition de la roche frappée (liée à la composition des microtectites). Notons qu'à l'époque, ce qui allait devenir l'Amérique du Nord était beaucoup plus près de ce qui allait devenir l'Europe. L'impact de Charlevoix s'est produit à environ 2 300 km des sites géologiques belges étudiés[22].

Ceci étant dit, ce sujet ne fait pas du tout consensus dans la communauté scientifique. En effet, une étude de 2003 spécifie clairement qu'une association entre l'impact de Charlevoix et l'extinction du Frasnien/Famennien n'est plus soutenable, car l'impact de Charlevoix, selon plusieurs études relativement récentes, serait plus ancien que cette extinction[23].

Occupation humaine, faune et flore

L'astroblème est situé en bordure du Bouclier canadien. Dans la région de l'astroblème, le Bouclier canadien est une structure montagneuse de six cents à mille mètres d'altitude peu propice à des établissements humains. En réduisant la hauteur du sol au niveau du fleuve ou à quelques centaines de mètres, l'astroblème a créé des vallées et un plateau central accueillants où habite 90 % de la population de la région de Charlevoix.

L'astroblème a aussi créé un environnement où se côtoient des rivières, des vallées, des plateaux de faible altitude et le haut plateau du Bouclier canadien, ce qui a permis l'apparition d'une faune et d'une flore des plus diversifiées. L'UNESCO a reconnu le caractère exceptionnel de la région en lui attribuant le statut international de réserve de biosphère en 1989[24].

Zone sismique de Charlevoix

Localisée à 100 kilomètres en aval de la ville de Québec, la zone sismique de Charlevoix (ZSC) est la plus active de l'Est du Canada. Un séisme de Charlevoix se produit à tous les jours et demi en moyenne[25]. Puisque la plupart des séismes se produisent sous le fleuve St. Laurent, entre le comté de Charlevoix sur la rive Nord et le comté de Kamouraska sur la rive Sud, cette région est aussi souvent nommée Zone Sismique de Charlevoix-Kamouraska[25].

Depuis 1977, un réseau local de sismographes de sept postes centré sur la zone active surveille les tremblements de terre. Le réseau actuel de la ZSC détecte plus de 200 tremblements de terre par an. La fréquence des séismes historiques et le rythme actuel des séismes plus petits fait de la ZSC la zone à plus haut péril sismique de l'Est du Canada continental[25].

La plupart des séismes sont concentrés le long ou entre des failles de l'océan Iapetus (également appelés le paleo-rift du St-Laurent). Les tremblements de terre de la ZSC se produisent dans le bouclier canadien, entre la surface et 30 kilomètres de profondeur, sous la ligne de Logan et les Appalaches[25].

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer cette activité sismique intraplaque dans une région où on ne devrait pas s'attendre à avoir autant de tremblements de terre, mais aucune ne fait encore consensus[6]. La Faille Logan, l'impact météoritique, le rift du St-Laurent, l'ajustement isostatique ainsi que le paléo-rift d'Iapetus sont toutes des causes potentielles qui ont été étudiées.

Par contre, il n'y a pas présentement de réponse définitive quant aux causes de la séismicité dans Charlevoix. Il semble bien cependant qu'on ne puisse dissocier la sismicité de cette région de celle des autres régions de l'est du Canada, et qu'il faudra trouver une explication qui tienne compte de la situation dans son ensemble. En ce sens, un couplage de l'hypothèse des failles ancestrales du rift d'Iapetus et des fractures reliées à la chute d'une météorite paraît être la réponse la plus adéquate en ce qui concerne la sismicité de la région de Charlevoix[6].

Une grande quantité d'articles scientifiques ont été publiés sur le sujet[26].

Visites guidées

En juillet et en août, à partir de Baie-Saint-Paul, il est possible de participer quotidiennement à des visites commentées de l'Astroblème organisées par un organisme scientifique à but non lucratif nommé Randonnées nature Charlevoix. Ces visites permettent de découvrir la géologie de la région, l'origine de l'Astroblème, les aménagements humains qui sont rendus possibles grâce à l'astroblème ainsi que la flore diversifiée de la région qui est aussi la conséquence de sa présence.

Durant le reste de l'année, les mêmes visites sont organisées sur demande.

L'Astroblème de Charlevoix photographié à partir du belvédère du Mont du lac des Cygnes, situé sur la périphérie du cratère d'impact, dans le Parc national des Grands-Jardins.

Centre d'interprétation/musée

Cône de percussion dans le calcaire précambrien exposé à l'Observatoire de l'Astroblème de Charlevoix. Il a été trouvé dans les années 1960 par un groupe du Centre écologique de Port-au-Saumon.
Observatoire de l'Astroblème de Charlevoix, situé dans le Vieux Club House du Fairmont le Manoir Richelieu, à La Malbaie.

Un centre d'interprétation consacré à l'Astroblème de Charlevoix est en opération pour le grand public à La Malbaie durant l'été. Inauguré en 2014 grâce à un consortium d'organismes nommé Carrefour des savoirs de Charlevoix, le centre, nommé Observatoire de l'Astroblème de Charlevoix, a vu le jour grâce entre autres aux fonds investis par l'Entente de partenariat régional en tourisme, la MRC de Charlevoix-est, la Conférence régionale des Élus et la Réserve de la biosphère de Charlevoix. L'hôtel Fairmont le Manoir Richelieu héberge gracieusement dans son ancien Club House ce centre d'interprétation.

On y brosse un portrait historique de l'évolution des connaissances acquises mondialement sur les impacts météoritiques, puis on peut visiter une salle d'exposition où de nombreux spécimens d'impactites de Charlevoix y sont exposés. On peut ensuite constater la similitude des impactites charlevoisiennes avec plusieurs spécimens provenant d'un peu partout dans le monde. La collection d'impactites exposée est l'une des plus imposantes au monde. On y retrouve aussi une petite collection de tectites et de météorites provenant de différents endroits sur Terre.

Une maquette tridimensionnelle représentant Charlevoix à échelle 1: 25 000 permet aux visiteurs d'avoir une vue d'ensemble du relief de la région. La maquette, blanche, est utilisée pour projeter des images contenant différentes informations à l'aide d'un projecteur.

Cône de percussion charlevoisien de 182 kg exposé à l'Observatoire de l'Astroblème de Charlevoix.

En 2015, le Carrefour des savoirs de Charlevoix contracte Sciences@CECC pour gérer les activités du centre d'interprétation. Il s'agit d'un organisme à but non lucratif affilié au Centre d'études collégiales en Charlevoix, la plus haute institution d'enseignement de la région. Fondé en 2009, le but de l'organisme est de contribuer au développement de la culture scientifique dans la région de Charlevoix. Des étudiants du collégial travaillent au centre d'interprétation durant l'été en tant qu'animateurs scientifiques.

En 2016, l'Observatoire de l'Astroblème de Charlevoix est acquis par Sciences@CECC, et l'organisme en assure les opérations depuis.

Le projet de Géoparc de Charlevoix

L'Astroblème de Charlevoix est l'un des astroblèmes les mieux préservés au monde, en plus d'être très facilement accessible car il est habité. Il constitue selon plusieurs un paysage géologique de portée internationale. L'organisme Sciences@CECC travaille donc à mettre en place, d'ici 2023, le Géoparc de Charlevoix, selon le modèle des Géoparc mondiaux UNESCO. En date de mai 2021, l'organisme en est à fédérer différentes entreprises récréotouristiques régionales dans un contexte d'activités à volet éducatif qui jettent les bases du futur Géoparc de Charlevoix. L'idée est de commencer à opérer en tant que géoparc à partir de l'été 2021, pour ensuite recevoir une délégation de la Commission canadienne pour l'UNESCO, qui fera ses recommandations à l'organisation. Si tout se passe comme prévu, une délégation des Géoparcs mondiaux UNESCO sera invitée à venir visiter le Géoparc de Charlevoix à l'été 2023, pour espérer obtenir la labellisation UNESCO à partir de 2024.

Notes et références

  1. (en) « Earth impact database » (consulté le )
  2. (en) Buchner et al., « An Early/Middle Devonian 40ar/39ar Age For The Charlevoix Impact Structure (Quebec, Canada) – An Approach Closer To Reality », 75th Annual Meteoritical Society Meeting,
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  4. Rondot Jehan, Les impacts météoritiques, Charlevoix et le Ries, MNH, , 184 p. (ISBN 978-2-921912-88-4)
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  18. (en) Bevan M. French, Traces of catastrophe, Washington DC, Lunar and planetary institute, , 120 p., p. 24
  19. (en) « Impact: Earth », sur Impact: Earth! Purdue University (consulté le )
  20. Schéma provenant d'un panneau d'interprétation de l'Observatoire de l'Astroblème de Charlevoix.
  21. (en) Claeys, Casier et Margolis, « Microtektites and Mass Extinctions: Evidence for a Late Devonian Asteroid Impact », Science, no 257, , p. 1102-1104
  22. (en) Billy P. Glass • Bruce M. Simonson, Distal Impact Ejecta Layers : A Record of Large Impacts in Sedimentary Deposits, New York, Springer, , 716 p. (ISBN 978-3-540-88261-9), p. 6.2.3 Evidence for an Impact Ejecta Layer Nearthe Frasnian–Famennian Boundary
  23. (en) J. Whitehead, S. Kelly, S.C. Sherlock, R.A.F. Grieve, J.G. Spray et C.A. Trepmann, « Structural and Geochronologic Constraints on the Timing of the Charlevoix Impact, Quebec, Canada », Third International Conference on Large Meteorite Impacts (2003), Abstract #4084, (lire en ligne)
  24. L'article Réserve mondiale de la biosphère de Charlevoix
  25. « Les zones sismiques dans l'Est du Canada », sur www.seismescanada.rncan.gc.ca (consulté le )
  26. Bibliographie sur la Zone sismique de Charlevoix-Kamouraska, Ressources naturelles du Canada, 12 février 2016

Voir aussi

Articles connexes

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