Sergent-Marceau

Antoine Louis François Sergent, dit Sergent-Marceau, né le à Chartres et mort le à Nice, est un peintre et graveur français.

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Personnalité politique de la Révolution française, conventionnel, il fut impliqué dans les massacres de septembre 1792. Après son mariage avec la sœur du général Marceau, il accola le nom de son épouse au sien.

Biographie

Le graveur

Fils unique d'Antoine Sergent, un modeste arquebusier de Chartres, et de Catherine Madeleine Frémy, il perd sa mère très tôt[1].

Il fait ses études à Chartres où il se révèle être un dessinateur habile. En 1768, il part à Paris étudier la gravure chez Augustin de Saint-Aubin durant trois ans, puis retourne à Chartres en tant que graveur et professeur de dessin[2].

Pendant près dix ans, il grave des médailles, des armoiries, des estampes pour bréviaires[3] et entreprend la réalisation d'un plan de Chartres qui reste inachevé[4]. Il s’occupe aussi de gravures héraldiques.

Vers 1784, il quitte Chartres pour Paris et commence l’exécution d’une galerie de gravures en couleur représentant des scènes et des personnages célèbres de l’histoire de France[5]. Il était en relation, depuis sa jeunesse chartraine, avec plusieurs personnages qui jouèrent un rôle capital dans l'histoire de la Révolution française, notamment Jacques-Pierre Brissot et Jérôme Pétion.

Révolution

Dès le début de la Révolution, il accompagne les mouvements populaires. Électeur en 1789, président du district de Mauconseil, il y tient le rôle de juge et de commissaire de police[6]. En 1790, il devient président du district de Saint Jacques l'Hôpital. Il s'affilie à la société des Jacobins où il fait la connaissance du Duc de Chartres[7]. À la fin de l'année 1790, il en devient le secrétaire, poste qu'il occupera de longues années. À la fin de cette même année, il devient président de la section du Théâtre-Français, dite section des Cordeliers.

En 1791, il est nommé officier municipal et se voit confier le département de police[8], conjointement avec Étienne-Jean Panis qui devint un ami intime, et Perron et Vignier qui penchaient pour la monarchie constitutionnelle. Il s'occupe entre autres de l'entretien des prisons[9]. En mai-, il est chargé de licencier la garde constitutionnelle de Louis XVI[10].

Il est accusé par ses détracteurs d'avoir pris une part active, avec Pétion, à l'invasion des Tuileries le 20 juin 1792 mais s'en défendra en affirmant qu'il est arrivé juste pour « protéger les jours du roi »[11].

Dans les journées précédant le 10 août 1792, il fournit des armes aux Marseillais venus en réclamer[12]. Il prend une part active à la journée du [13]. Après le triomphe de l'insurrection, avec Panis, il fait fermer les grilles et procède à l'inventaire des lieux. Il sera par la suite soupçonné de pillage[10].

Le , il organise la cérémonie funèbre en l'honneur des martyrs de la Révolution, en particulier ceux tombés lors de l'attaque des Tuileries. Cette commémoration guerrière appelle à la vengeance[14].

Septembre 1792

Sergent est mêlé aux massacres de septembre. Quoiqu’il ne fasse pas partie de la Commune de Paris nommée le , il continue à siéger au Comité de surveillance dont sont écartés Perron et Vigner dès le , remplacés par Pierre Jacques Duplain et Didier Jourdeuil[15]. Marat y joue un rôle actif dès le début[16] même s'il n'en fait officiellement partie que le [17]. Sergent, qui désapprouve son introduction[18] lui attribue la responsabilité de l'incitation à l'émeute qui conduit aux massacres de septembre. Le , Sergent, selon ses dires[19] arrive trop tard pour empêcher la foule de massacrer les prisonniers. C'est cependant lui qui donne l'ordre, avec Panis, de nettoyer toutes les traces du massacre et rémunère des ouvriers pour s'acquitter de cette tâche. Ce fait lui sera plus tard reproché, et il fut soupçonné d'avoir rémunéré l'assassinat[20]. De plus, sa signature apparait au bas de la circulaire qui incitait à perpétrer des massacres équivalents dans le reste de la France :

« […] La commune de Paris se hâte d'informer ses frères de tous les départements qu'une partie des conspirateurs féroces détenus dans ses prisons ont été mis à mort par le peuple […] Sans doute la nation entière […] s'empressera d'adopter ce moyen si nécessaire de salut public […][21]. »

Dès le , Sergent se défend de l'avoir signée et impute à Marat la totale responsabilité des faits[22].

Il est également impliqué dans le pillage du Garde Meuble des 16 et <[10].

Le , le conseil général girondin suspend le comité de surveillance[23].

Accusé d'avoir conservé par devers lui, des objets appartenant à des victimes des massacres du , en particulier une agate, Sergent affirme avoir acheté cette agate lors d'une mise en vente des dépouilles du massacre et la restitue, mais cet écart lui vaut le sobriquet de Sergent Agate dans le rang de ses détracteurs[24].

Une commission d'enquête parlementaire réclamée par la convention est chargée de poursuivre les auteurs des crimes des 2 et . Le , un arrêté du conseil général de la commune l'accuse ainsi que Panis de « bris de scellés et disparition d'objet de valeurs ». Selon Noël Parfait, ces accusations tireraient leur origine de la lutte engagée à cette époque entre les Girondins et les Montagnards[25].

À la convention

Élu député de la Convention par le département de la Seine, il siège sur les bancs de la Montagne[26]. Dès , il est adjoint à la commission conservatrice des monuments des arts[27]. C'est à ce poste qu'il prend des mesures pour que soient évitées les dégradations commises sur les monuments historiques, symboles, pour certains, de l'ancien régime. En 1793, il propose la création du musée national de peinture et sculpture, et encourage la création du conservatoire de musique (projet de Marie-Joseph Chénier). Toujours avec Chénier, il fait promulguer une loi sur la défense du droit d'auteur[26].

Dès le début de son mandat, il s'oppose à ce que soit créée une loi visant à punir les provocateurs des massacres de septembre. Il obtient la suppression de la croix de Saint-Louis[28]. Il est un des plus acharnés lors du procès de Louis XVI et fait partie de ceux qui votèrent pour la mort du roi[25].

Le , il participe, selon lui à son corps défendant[29], au coup d'état provoquant la chute des Girondins. Suspecté par Robespierre de sensibilité cordelière[30], il s'éloigne de la scène politique jusqu'au 9-Thermidor. Il change ses prénoms d'Antoine François au profit de celui d'Androphile (« ami des hommes »)[31]. Il poursuit son activité jusqu'au , proposant la prolongation de quatre mois à un an de la durée d'études dans les écoles normales, prenant la défense des membres des anciens comités[32]. Après le , il est accusé d'avoir encouragé le peuple lors de l'insurrection, on ressort alors la circulaire du comité de surveillance et les accusations de détournement. François Sergent prend la fuite[26].

Mariage, exils

Adolescent, il tombe amoureux d'Emira Marceau (alors prénommée Marie), demi-sœur de François Séverin Marceau, qu'il voit et observe de la fenêtre de la maison de son ami Foreau, fils d'un notaire de Chartres[33]. Mais son père, veuf, s'est remarié et elle ne s'entend pas avec sa belle-mère qui n'a que six ans de plus qu'elle[34] ; en décembre 1768, à 15 ans, Marie Marceau, est alors mariée par son père à Nicolas Denis Champion, dit Champion de Cernelle[35], procureur à Chartres[36],[37]. Les époux Champion-Marceau se séparent en 1768 et elle part vivre dans un couvent où elle réside jusqu'en 1786. En 1796, après qu'Emira Marceau ait divorcé, devant l'officier de l'état civil de Chartres le [38], il l'épouse à Paris et accole à son nom celui de sa femme, sœur consanguine du célèbre général Marceau, se faisant dorénavant appeler « Sergent-Marceau »[26]. Il s'installe, en Suisse, à Bâle où il reprend ses activités de graveur. L’amnistie de brumaire an IV lui permet de revenir en France, ce qu'il fait en 1797.

Après le 30 prairial de l'an VII (), le général Bernadotte le nomme commissaire du gouvernement près de la régie des hôpitaux militaires, poste qu'il occupe pendant quatre ans[39]. Mais le coup d'État du 18 brumaire le place comme personnage dangereux pour le nouveau régime. Après l’attentat de la rue Saint-Nicaise, il est arrêté et emprisonné.

Rendu à la liberté après une brève détention, il est autorisé à quitter la France et il part vivre en Italie, difficilement, de son art, et de la pension que sa femme peut obtenir du gouvernement impérial, en 1809, comme sœur du général Marceau-Desgraviers.

En 1824, année du début du règne de Charles X, il se fixe à Nice. En 1834, la mort de son épouse le prive de la pension qui permettait au vieux couple de survivre[40]. Il reçoit alors une pension de Louis-Philippe Ier[41].

Il meurt, aveugle, à Nice, le .

N'ayant pas eu d'enfant, il a adopté avec son épouse, un neveu de cette dernière : Agatophile Berchette[42].

Œuvres

Chartres

  • Christ en croix, la vierge et la trinité, gravure pour un missel.
  • Vue de la cathédrale de Chartres, 1783.
  • Vue de l'abside de l'église Saint André de Chartres.

Paris

Exils

  • Portrait de madame Royale, duchesse d’Angoulême, 1795.
  • Portrait en pied du général Marceau, 1798.
  • Tableau de l'univers et des connaissances humains.
  • Costumi di populi antichi e moderni.
  • Notices historiques sur le général Marceau, 1820.
  • Iconologie, 1821.
  • Monuments du musée Chiaramonti, 1822.

Notes et références

  1. Noël Parfait, Notice biographique sur A.-F. Sergent, graveur en taille-douce, député de Paris à la Convention nationale, Chartres, Garnier imprimeur-libraire, 1848, p. 6 : « Son père, issu d'une famille d'artisans, exerçait la profession d'arquebusier, peu lucrative à cette époque, surtout en province ».
  2. Noël Parfait, op. cit., p. 7.
  3. Breviarum Carnotense - Pars Verna, bréviaire chartrain, gravure La Cathédrale de Chartres par Sergent, chez Claude Simon, Paris, 1783.
  4. Noël Parfait, op. cit., p. 10.
  5. Noël Parfait, op. cit., p. 11.
  6. Noël Parfait, op. cit., p. 12.
  7. Biographie universelle (Michaud) ancienne et moderne, Volume 39, article Sergent(Antoine François), Madame C. Desplaces, 1854, p. 96.
  8. Noël Parfait, op. cit., p. 14.
  9. Noël Parfait, op. cit., p. 15.
  10. Michaud, op. cit., p. 97.
  11. Noël Parfait, op. cit., p. 16.
  12. Louis Blanc, Histoire de la révolution française, Volume 7, Société typographique Belge, 1855, p. 33.
  13. Noël Parfait, op. cit., p. 17.
  14. Blanc, op. cit., p. 118.
  15. Louis Mortimer Ternaux, Histoire de la Terreur: 1792-1794, Volume 3, M. Lévy, 1868, p. 92 (lire en ligne).
  16. Philippe Le Bas, Augustin François Lemaitre, France : Dictionnaire encyclopédique, Volume 5, p. 425 (« où dominait Marat même avant d'en faire partie »).
  17. Louis Mortimer Ternaux, Histoire de la Terreur : 1792-1794, Volume 3, M. Lévy, 1868, p. 216 (lire en ligne).
  18. Noël Parfait, op. cit., p. 19.
  19. Noël Parfait, op. cit., p. 23.
  20. Blanc, op. cit., p. 183.
  21. Noël Parfait, op. cit., p. 76.
  22. Noël Parfait, op. cit., p. 33.
  23. Noël Parfait, op. cit., p. 35.
  24. Blanc, op. cit., p. 221.
  25. Noël Parfait, op. cit., p. 41.
  26. Michaud, op. cit., p. 98.
  27. Noël Parfait, op. cit., p. 45.
  28. Noël Parfait, op. cit., p. 39.
  29. Noël Parfait, op. cit., p. 47.
  30. Christine Le Bozec, Éric Wauters, Pour la Révolution française: en hommage à Claude Mazauric, Publication Univ Rouen Havre, 1998, p. 379 (lire en ligne).
  31. Acte de quittance reçu par maître Landron, notaire à Chartres le 22 nivôse an II (11 janvier 1794) : Citoyen Antoine François ou Androphile Sergent, député à la Convention nationale, demeurant à Paris, archives départementales d'Eure-et-Loir, cote 2 E 16 480.
  32. Noël Parfait, op. cit., p. 53.
  33. Noël Parfait, op. cit., p. 7 : « De la chambre de son ami, l'artiste de quinze ans voyait souvent, assise près d'une fenêtre en face, travaillant à quelque ouvrage de couture ou lisant vers la tombée du jour, une jeune fille encore presque enfant par son âge, mais déjà femme par l'épanouissement de sa beauté. Cette jeune fille, entrevue ainsi, avait allumé dans le cœur de Sergent un amour qui ne devait s'éteindre qu'avec lui. »
  34. L'Écho républicain de la Beauce et du Perche, 9-10 avril 1960 : "Au Rotary-Club de Chartres, M. René Gobillot a fait une intéressante conférence sur la vie et l'œuvre de Sergent-Marceau"
  35. « Emira Marceau ou Marie-Louise-Champion_de_cernel/ notice de la BnF ».
  36. Noël Parfait, op. cit., p. 8 : « Son père lui avait choisi pour époux, parmi tous les prétendants, M. Champion de Cernel, procureur à Chartres. »
  37. Voir aussi : acte de continuation d'inventaire des biens de Denis Champion, en date des 4, 9 messidor et 4 thermidor an X, reçu par maître Jacques Febvrier, notaire à Chartres. Archives départementales d'Eure-et-Loir, cote 2 E 10 283. Nicolas Denis Champion est mort à Chartres le 17 mars 1826 à l'âge de 80 ans.
  38. Acte de transaction et distribution avec les créanciers de Nicolas Denis Champion, ancien magistrat, reçu par maîtres Boisseau et son confrère, maître Bresdin, notaires à Chartres, le 9 décembre 1812. Archives départementales d'Eure-et-Loir, cote 2E2 290 (minutes de Me Bresdin).
  39. Noël Parfait, op. cit., p. 59.
  40. Selon une autre source : "L'Empereur leur accorde en 1810, en mémoire de Marceau une pension de 1.200 livres. La pension sera encore servie par Louis-Philippe"
  41. Noël Parfait, op. cit., p. 64.
  42. Noël Parfait, op. cit., p. 62.
  43. Aggloroanne, « Musée des beaux-arts et d'archéologie Joseph Déchelette - Site officiel », sur Site Internet de Aggloroanne (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

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