Anna J. Cooper

Anna Julia Cooper, née Anna Julia Haywood, ( - ) est une écrivaine, enseignante, conférencière et l'une des plus éminentes érudites afro-américaine de l'histoire des États-Unis. Après avoir soutenu une thèse d'histoire à la Sorbonne en 1924, Cooper est devenue la quatrième femme afro-américaine à obtenir un doctorat. Elle a également été un membre éminent de la communauté afro-américaine de Washington, ainsi qu'un membre de la sororité Alpha Kappa Alpha.

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Enfance et éducation

Anna Julia Cooper[1] est née esclave à Raleigh (Caroline du Nord) en 1858, est la fille de Hannah Stanley Haywood[2], une esclave de la maison de l'éminent propriétaire George Washington Haywood. On pense que, soit ce dernier, soit son frère, Fabius J. Haywood, est son père biologique[3]. Anna a deux frères plus âgés nommés Andrew J. Haywood et Rufus Haywood, et travaille comme domestique dans la maison Haywood[4].

En 1868, lorsque Cooper a neuf ans, elle reçoit une bourse d'études et commence ses études au St. Augustine's College (en)[5] à Raleigh, fondé par des membres du diocèse épiscopal de Caroline du Nord afin de former les enseignants nécessaires à l'éducation des anciens esclaves et de leurs familles. C'est le révérend J. Brinton qui lui a donné sa bourse, pour l'aider à payer ses dépenses[6]. Selon Mark S. Giles, un biographe d'Anna Cooper, « les niveaux d'éducations offerts à St. Augustine's allaient du primaire au secondaire, y compris les échanges de compétences de formation. »[4].

Pendant les quatorze ans passés à St. Augustine's, elle se distingue comme une étudiante brillante et ambitieuse, que ce soit dans le domaine des arts libéraux ou dans des disciplines analytiques telles que les mathématiques et la science. Ses cours de langue incluent le latin, le français et le grec ; elle étudie aussi la littérature anglaise, les mathématiques et les sciences. Bien que l'école ait un cursus spécial réservé aux femmes surnommé le « Ladies Cours » et que l'administration décourage fortement aux femmes de poursuivre dans les cours de niveau supérieur, Anna Cooper se bat pour avoir le droit de suivre ceux réservés aux hommes, en démontrant sa capacité scolaire[4]. Elle brille tellement dans ses études universitaires qu'elle est en mesure de servir de tuteur pour les élèves plus jeunes, ce qui l'aident à payer ses dépenses scolaires. Pendant cette période, St. Augustine's met l'accent sur la formation des jeunes hommes pour le ministère chrétien, et les prépare à une formation supplémentaire de quatre ans en université. Un de ces hommes, George A. C. Cooper, deviendra plus tard son mari pendant deux ans, jusqu'à sa mort[4].

A la fin de ses études, elle reste à l'institution en tant qu'enseignante. Elle enseigne, en 1883-1884, l'antiquité, l'histoire moderne, l'anglais et la musique vocale et instrumentale. Elle n'est pas inscrite en tant qu'enseignante en 1884-1885, mais le devient en 1885-1886, comme "enseignante en Histoire, en éloquence, etc"[7]. La mort précoce de son mari lui a finalement permis de continuer à enseigner ; si elle était restée mariée, on aurait pu lui enjoindre à se retirer pour devenir une femme au foyer[4].

Après la mort de son mari, elle entre à l'Oberlin College en Ohio, où elle continue de suivre les cours réservés aux hommes. Ses camarades furent Ida Gibbs (en) et Mary Church Terrell. Après avoir brièvement enseigné à l'université de Wilberforce, elle retourne à St. Augustine en 1885. Elle est ensuite retournée à Oberlin où elle obtient une maîtrise en mathématiques en 1887. Elle a déménagé par la suite à Washington DC, devenant professeur à la M Street High School (en), puis directrice en 1901[8].

Anna Cooper a contribué dans le domaine des sciences sociales, particulièrement en sociologie. Elle est parfois surnommée "la mère du black feminism"[9].

« Une voix du Sud »

Durant ses années comme enseignante et directrice à la M Street High School, Anna Cooper termine son premier livre : A Voice from the South: By A Woman from the South, publié en 1892. Elle a aussi prononcé des discours soutenant les droits civils et les droits de la femme[10]. Cet ouvrage est considéré comme l'une des premières manifestations du Black feminism des années 1960. Le livre met en avant le droit à l'autodétermination et à l'élévation sociale pour les femmes afro-américaines à travers l'éducation. Sa thèse centrale est que l'éducation et le progrès moral et spirituel des femmes noires permettra d'améliorer la réputation générale de toute la communauté afro-américaine. Elle montre que la nature violente des hommes les empêche souvent d'atteindre les objectifs de l'enseignement supérieur ; il est donc important d'encourager les femmes à accéder aux études[11]. Cette position a été critiquée par certains comme une vision soumise au culte de la domesticité (en) en vigueur aux États-Unis au XIXe siècle, mais d'autres y voient l'un des fondements du féminisme noir au XIXe siècle[11]. Anna Cooper énonce qu'il est du devoir des femmes noires instruites de soutenir leurs camarades défavorisées pour atteindre leurs objectifs. Cet essai aborde aussi d'autres sujets, allant du racisme et des réalités socio-économiques des familles noires à l'administration de l'Église épiscopale.

Les années suivantes

Anna Cooper est non seulement une auteure et une enseignante, mais elle est aussi une oratrice. Certains de ses discours ont été tenus au Congrès mondial des femmes représentatives en 1893 à Chicago (dans lequel elle est l'une des trois femmes noires invitées à parler) et à la Pan-African Conference de Londres en 1900[10]. En 1914, à l'âge de 56 ans, elle commence des cours pour obtenir son diplôme de doctorat à l'université Columbia, mais est contrainte d'interrompre ses études en 1915 quand elle adopte les cinq enfants de son demi-frère après la mort de leur mère. Plus tard, elle est en mesure de transférer ses acquis à la Sorbonne, qui n'accepte toutefois pas sa thèse de l'université Columbia, un travail sur Le Pèlerinage de Charlemagne. En une décennie, elle réussit cependant à finir ses recherches et à écrire sa thèse, terminant son cursus en 1924. Elle soutient à La Sorbonne[12] sa thèse de doctorat ès lettres L'attitude de la France sur la question de l'esclavage entre 1789 et 1848 en 1925[13]. À l'âge de soixante-sept ans, Anna Cooper devient ainsi la quatrième femme noire dans l'histoire américaine à obtenir un doctorat en philosophie.

Bien que la revue des anciens de son post-doctorat à l'Oberlin College publie son éloge en 1924 en disant : « La classe de '24 est honorée par les réalisations de cette ancienne étudiante universitaire de couleur », quand elle essaye de présenter son travail sur Le Pèlerinage de Charlemagne l'année suivante, elle n'est pas acceptée[14].

Le , Anna Cooper meurt à Washington, à l'âge de 105 ans[15]. Son hommage a lieu dans une chapelle sur le campus du St. Augustine's College, où a commencé sa carrière universitaire.

Elle repose aux côtés de son mari au cimetière de Raleigh en Caroline du Nord[16].

Héritage

Les pages 26 et 27 de chaque nouveau passeport américain contient la citation suivante : « La cause de la liberté n'est pas la cause d'une race ou d'une secte, d'un parti ou d'une classe - elle est la cause de l'humanité, le droit fondamental de l'humanité même » - Anna Julia Cooper.

En 2009, le United States Postal Service publie un timbre commémoratif en l'honneur de Cooper.

Anna Cooper est célébrée le avec Elizabeth Evelyn Wright (en) sur le calendrier de l'Église épiscopale des États-Unis.

Un "Projet Anna Julia Cooper" a été fondé en 2014 et dirigé par Melissa Harris-Perry[17],[18].

Notes et références

  1. (en) « Anna Julia Cooper | American educator and writer », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  2. (en-US) « Annie Cooper | Encyclopedia.com », sur www.encyclopedia.com (consulté le )
  3. (en-US) « Anna Julia Haywood Cooper, 1858-1964 · Leadership Gallery · The Church Awakens: African Americans and the Struggle for Justice », sur www.episcopalarchives.org (consulté le )
  4. Mark S. Giles, « Special Focus: Dr. Anna Julia Cooper, 1858-1964: Teacher, Scholar, and Timeless Womanist », The Journal of Negro Education, vol. 75, , p. 621-634
  5. Kathryn T. Gines, « Anna Julia Cooper », dans The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Metaphysics Research Lab, Stanford University, (lire en ligne)
  6. (en) Zora Martin-Felton, A woman of courage: a story of Anna J. Cooper, Washington, Education Department, Anacostia Neighborhood Museum of the Smithsonian Institution, (OCLC 53457649), p. 14
  7. « Catalogue of St. Augustine's Normal School, 1882–99 », sur Internet Archive, (consulté le )
  8. Margaret Busby, Anna J. Cooper, London, Jonathan Cape, 1992, p. 136.
  9. « Foundations of African-American Sociology », sur Hampton University Department of Sociology, Hampton University (consulté le ) From Melvin Barber, Leslie Innis et Emmit Hunt, African American Contributions to Sociology
  10. (en) Mary Helen Washington, A Voice from the South : By A Woman from the South, New York, Oxford University Press, , XXVII-LIV p. (ISBN 978-0-19-506323-3)
  11. (en) Joy Ritchie et Kate Ronald, Available Means : An Anthology of Women's Rhetoric(s), Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, , 163-164 p. (ISBN 978-0-8229-5753-9)
  12. « Anna Julia Cooper Episcopal School / Richmond, Virginia », sur annajuliacooperepiscopalschool.org (consulté le )
  13. Notice de la thèse dans le catalogue du Sudoc
  14. .
  15. « Anna Julia Cooper », sur faculty.webster.edu (consulté le )
  16. (en-US) « Dr. Anna Julia Haywood Cooper », sur Find a grave
  17. « About Melissa Harris-Perry », sur MelissaHarrisPerry.com, (consulté le )
  18. « Director », Anna J. Cooper Project official site, (consulté le )

Ouvrages complémentaires

  • (en) Patricia Hill Collins. Black Feminist Thought: Knowledge, Consciousness, and the Politics of Empowerment, 2nd ed. Routledge, 2000.
  • (en) Anna Julia Cooper. A Voice From the South. Oxford University Press, 1990.
  • (en) Karen A. Johnson Uplifting the Women and the Race: The Educational Philosophies and Social Activism of Anna Julia Cooper and Nannie Helen Burroughs Garland Publishing, 2000.
  • (en) Charles Lemert (en). The Voice of Anna Julia Cooper: Including A Voice From the South and Other Important Essays, Papers, and Letters. Rowman & Littlefield, 1998.
  • Section spéciale sur Anna Julia Cooper dans African American Review (en), 43:1 (printemps 2009) :
    • (en) Beverly Guy-Sheftall, Black Feminist Studies: The Case of Anna Julia Cooper
    • (en) Vivian M. May, Writing the Self into Being: Anna Julia Cooper's Textual Politics
    • (en) Shirley Moody-Turner & James Stewart, Gendering Africana Studies: Insights from Anna Julia Cooper
    • (en) Karen A. Johnson, In Service for the Common Good': Anna Julia Cooper and Adult Education
    • (en) Shirley Moody-Turner, A Voice beyond the South: Resituating the Locus of Cultural Representation in the Later Writings of Anna Julia Cooper

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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