Alexandre Douala Manga Bell

Le prince Alexandre Ndoumb'a Douala Manga Bell, né le à Kamerunstadt (Kamerun, sous administration allemande) et décédé le dans la même ville devenue Douala, est un souverain et homme politique camerounais (naturalisé français), chef supérieur du clan Bell des Douala[1], qui fut membre de la première et de la seconde Assemblée nationale Constituante (Cameroun) et député du Cameroun de 1946 à 1958.

Pour les articles homonymes, voir Douala (homonymie) et Bell.

Il est le fils de Rudolf Douala Manga Bell, pendu par les Allemands en 1914[2] pour avoir résisté à la spoliation foncière.

Biographie

Enfance et débuts

Fils du prince Rudolf, il est issu de l'aristocratie Douala. Il est éduqué dans l'austérité de l'Allemagne impériale.

C'est un petit homme maigre et énergique, « histrion de génie, ludion farfelu qui jouait tous les rôles avec le talent mimétique inégalable de l'homme africain », selon le portrait qu'en fait l'administrateur Guy Georgy.

Carrière politique

Il prend le parti de la France, le nouveau colonisateur.

Les Français ont besoin de son nom, symbole populaire de la résistance à l'occupant. L'administration tire rapidement les conclusions de cette facile équation : elle le finance pour le faire rentrer dans le rang, jouer de son influence à Douala et tenir de beaux discours à l'Assemblée nationale ou à la tribune de l'ONU

Palais du roi Manga Bell à Douala (1905-1918)

Il s'affilie au MRP, seul parti défendant le système colonial "à l'ancienne", après son élection. Il pratique alors un certain double discours : alors qu'il se tient à distance du combat pour l'abolition du travail forcé à Paris, il s'en attribue la paternité au cours d'une tournée triomphale lors de son retour au Cameroun.

L'une de ses seules interventions au Parlement consiste à dénoncer « les éléments étrangers [communistes] qui ont poussé les Camerounais à se révolter », lors des émeutes de à Douala, où une centaine de manifestants sont tués dans la répression. Sur la question des réformes institutionnelles, il soutient l'idée d'un double collège (l'un formé par les colons et l'autre par les indigènes), souhaitant promouvoir des élus Blancs afin de rester seul représentant des Africains[3].

Il est le seul des douze députés africains à ne pas signer en le manifeste appelant à la création d'une structure panafricaine, le Rassemblement démocratique africain[3]. Il est envoyé à la tribune de l'ONU en 1952 afin d'y défendre le rôle de la France au Cameroun, qui était alors contesté par Ruben Um Nyobe. Sa « servilité » y est d’ailleurs remarqué par Francis Huré, assistant du représentant de la France à l'ONU, qui dit de lui : « Il répétait tout le temps : "je suis votre nègre de service, alors ne me bousculez pas !", c'était tout à fait habituel[3] ». Polyglotte, il est capable de parler le français, l'anglais et l'allemand[3].

Controverses et réputation

Le prince cherche souvent à renflouer ses finances.

Fêtard, éloquent, et capable de « réciter du Virgile en marchant sur les mains », selon l'expression de Paul Audat, Douala Bell se révèle très utile.

Polyglotte expert du double langage, capable de vanter à l'ONU l'action de la France en anglais, en allemand et en français, est un homme à choyer. Il entre un jour à cheval au cabaret parisien Le Lido en demandant un seau de champagne pour ravitailler son véhicule.

Il tue son propre fils de deux coups de fusil à Douala à la suite d'une dispute en 1947. L'Assemblée Nationale examinera une demande en autorisation de poursuites contre un membre de l'Assemblée (Annexe au procès verbal n° 3245 de la séance du 4 février 1948). Et le rapport d'enquête (n° 5119 de l'Assemblée Nationale du 30 juillet 1948) établi par la Commission chargée d'examiner cette demande, a conclu à l'unanimité qu'elle n'a pas trouvé dans le dossier des raisons subjectives d'une inculpation; que les éléments délictuels ne semblent pas exister étant donné que le geste accompli a été provoqué par une intervention qui avait pour but de faire respecter l'autorité du père et du chef; qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter purement et simplement la demande de poursuites transmises par le Procureur de la République.

Mais Douala Bell approuve tout ce que fait la France en Indochine, en Algérie ou à l'ONU.

Sa désorganisation totale, sa francophilie caricaturale, sa passion pour les femmes et les boissons alcoolisées et autres frasques récurrentes[3] le marginalisent progressivement à la fin des années 1950. Il est inhumé dans le monument funéraire des rois Bell, construit en 1936 à Douala, à son initiative[4].

Notes et références

  1. Richard A. Joseph, Le mouvement nationaliste au Cameroun : les origines sociales de l'UPC, Karthala, 1986, p. 97 (ISBN 9782865371570)
  2. Emmanuel Batamag, « Cameroun : qui était Son Altesse Royale le Prince René Douala Manga Bell ? », 4 janvier 2013
  3. Thomas Deltombe, Manuel Domergue, Jacob Tatsita, KAMERUN !, La Découverte,
  4. Monument funéraire des rois Bell,

Annexes

Bibliographie

  • François Narcisse Alain Kouo Issedou, Rois et Chefs Douala, Editions Fanfan, Douala, 2007, 181 p.
  • Rouben Valéry, « Du sang royal à l'Assemblée nationale », in Noir Blanc Rouge - Trente-cinq noirs oubliés de l'histoire de France, La Librairie Vuibert, 2014, 304 p.
  • Thérèse Vilcsinszky Kuoh, Alexandre Douala Manga Bell. Profil d'un homme, Université Paris 4, 1997, 3 vol., 330 p. (thèse)

Articles connexes

Liens externes

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