Alexander Taylor
Alexander Taylor (1802-1879) est un médecin écossais, installé à Pau en 1837, qui a contribué à la notoriété et au développement de la ville de Pau, en publiant en 1842 un traité vantant les mérites de son climat : De l’influence curative du climat de Pau et des eaux minérales des Pyrénées sur les maladies.
Biographie
Une rencontre déterminante
Alexander Taylor est né en 1802 en Écosse, dans la ville d’Aberdeen. Il obtient son diplôme de docteur en médecine à l’Université d’Édimbourg.
C’est fortuitement qu’il découvre la ville de Pau. En 1833, à 31 ans, il fait partie, en qualité de médecin, du corps expéditionnaire britannique déployé à San Sebastián, au Pays basque espagnol, pendant la guerre carliste de succession au trône d’Espagne. Exposé aux ravages de la dysenterie et du typhus, il finit par être lui-même contaminé, et gravement atteint, se retrouve évacué vers Bayonne.
Convalescent, il vient se soigner à Pau à l’automne 1837, où il rejoint un certain nombre de ses concitoyens, chez qui la ville jouissait déjà d’une réputation flatteuse[1]. En quelques semaines, il recouvre totalement la santé, et en ressort convaincu que le climat de la ville a eu un effet déterminant dans sa guérison rapide.
Le docteur décide alors de s’installer en Béarn[2] et ouvre en 1838 un cabinet médical pour soigner une clientèle britannique qui s’est accrue au cours des années 1820-1830. En parallèle avec ses consultations, il entreprend la rédaction d’un ouvrage consacré aux vertus du climat palois, et le fait paraître en 1842 sous le titre : De l’influence curative du climat de Pau et des eaux minérales des Pyrénées sur les maladies.[3]
Un rôle de précurseur
Dans son traité, le Dr Taylor développe une analyse approfondie en comparant le climat de Pau avec celui de plusieurs villes françaises et européennes. En s’appuyant sur une méthode statistique, il conclut que c’est dans la capitale béarnaise que la durée de vie est la plus longue. Il attribue ces vertus au calme de l’atmosphère, à l’absence de vent et à une configuration géographique particulière qui protège la région de phénomènes atmosphériques ou épidémiques. Un climat sain et apaisant, où le froid n’est jamais excessif, recommandé aux personnes à la santé délicate.
De plus, il ne se limite pas aux aspects strictement médicaux : il propose des conseils pratiques aux résidents et aux touristes, et préconise entre autres pour Pau des travaux urbanistiques destinés à rendre la ville plus harmonieuse.
Dès la parution du traité en Angleterre, de larges extraits en sont diffusés dans des publications locales, traduits par l’avocat palois Patrick O’Quin, futur maire de Pau. En 1843, grâce à une souscription, une traduction in extenso est publiée à Pau. Le Dr Taylor fait même l’hommage d’un exemplaire de son ouvrage au roi des Français Louis-Philippe, qui lui répond par une lettre très flatteuse. Dès 1844, une réimpression en est faite au Royaume-Uni. L’ouvrage est également traduit dans la plupart des grandes langues européennes, puis maintes fois réimprimé ou réédité, ce qui lui confère une large audience au-delà d’un public exclusivement anglo-saxon.
Devant ce succès important, l’impact est immédiat en Grande-Bretagne : de nombreux sujets britanniques viennent profiter des bienfaits de cette station méconnue du piémont pyrénéen. La réputation de Pau est assurée. La tranquille cité béarnaise, bourgeoise et provinciale, se transforme en station de villégiature animée. La présence de cette société mondaine donne un coup de fouet à l’économie de la cité : le marché du travail se développe, les commerces se multiplient, le secteur du bâtiment déborde d’activité. La colonie d’outre-Manche, forte de 300 membres, va presque tripler en près de dix ans.
Les retombées
Les nouveaux arrivants conservent leurs traditions. Fondé en 1824 par une poignée de gentlemen écossais, le Cercle anglais, qui servait à l’origine de lieu de lecture, concentre désormais les codes de l’aristocratie britannique. Les habitués se réunissent pour s’échanger les derniers potins de la ville, ou deviser golf et équitation tout en buvant du whisky ou en jouant au bridge.
La palette des loisirs anglais trouve dans la région un terrain d’expression particulièrement propice à son développement. Le Pau Hunt Drags, fondé en 1840, héritier de la tradition anglaise de la vènerie, perpétue la chasse à courre au renard. La colonie britannique se passionne pour les courses d’obstacles qui voient le jour sur l’hippodrome du Pont-Long à compter de 1842 : le meeting de Pau, organisé chaque année en février, attire nombre d’écuries et de parieurs venus d’outre-Manche, et constitue le point culminant de la saison hivernale. En 1856 naît le Pau Golf Club, le premier golf sur le continent européen, fondé sur le modèle de celui de St Andrews, en Écosse. Des compétitions internationales prestigieuses y voient le jour. Si bien que Pau mérite alors pleinement ses galons de « Reine des sports », décernés par l’International Herald Tribune. Désormais, la notoriété de la station béarnaise est durablement assurée par une implantation britannique qui atteindra son apogée entre 1860 et 1880.
Cette impulsion apportée grâce aux travaux du Dr Taylor est à l’origine d’un âge d’or que connaît la ville au cours de la deuxième partie du XIXe siècle. Pau subit alors un réaménagement urbain de grande envergure, avec la construction de luxueuses villas, la création du parc Beaumont, un vaste parc à l’anglaise d’allure romantique, l’inauguration du palais d’Hiver — aujourd’hui palais Beaumont — aménagé pour accueillir la riche clientèle en villégiature, et, point d’orgue, la construction en 1899 de l’emblématique boulevard des Pyrénées, avec son panorama unique sur la chaîne pyrénéenne[4].
Le temps des hommages
Alexander Taylor est anobli par la reine Victoria en 1865, à 63 ans. À titre anecdotique, la municipalité de Pau lui décerne le titre honorifique de parrain de la nouvelle plantation de tilleuls effectuée sur la place Royale en , en lui permettant à cette occasion de remplacer un ancien sycomore, célèbre parmi la colonie anglaise, dont il s’était toujours plu à vanter la précocité du feuillage comme indice indiscutable de la douceur du climat de Pau[5].
Quelques mois plus tard, après le décès de sa femme Julia, il se retire dans une pension de famille de la rue Montpensier. C’est à Londres qu’il s’éteint au cours de son ultime voyage en Grande-Bretagne, le .
Après plus de quarante années de pratique à Pau, le Dr Taylor choisit de reposer dans sa cité d’adoption, au pied des Pyrénées. Il est inhumé au cimetière municipal, au milieu des tombes de ceux de ses compatriotes qui avaient reçu ses soins.
À la fin de sa vie, Alexander Taylor a pu mesurer l’ampleur des transformations dont il fut directement ou indirectement à l’origine. En cette fin du XIXe siècle, Pau est devenue une cité élégante, où se pressent pensions de famille, maisons d’habitation et hôtels de luxe prêts à accueillir une clientèle exigeante.
Le souvenir du passé
Grâce à l’action du Dr Taylor, l’empreinte anglaise s’est enracinée et a marqué durablement la ville : elle en porte encore les traces dans son patrimoine[6].
Mais au-delà du développement marquant que connut la ville au XIXe siècle et dont il fut l’un des principaux artisans, il ne reste aujourd’hui que peu de choses du nom de Taylor à Pau : une rue à son nom en centre ville, inaugurée en 1881, et un hommage à sa mémoire et à celle de sa femme sur un vitrail du Temple Protestant, rue Serviez.
Sans oublier sa sobre pierre tombale au cimetière municipal. Lors d’une extension du cimetière au cours des années 1980, le carré anglais a été déplacé, mais une vingtaine de monuments funéraires britanniques a pu être conservée et restaurée, en attendant une prochaine réhabilitation.
Toutefois, la modeste tombe du docteur Taylor est restée en place. Elle accueille tous les visiteurs intéressés par le patrimoine historique de la ville, et soucieux de rendre hommage à l’un de ses principaux bienfaiteurs.
Principales publications
- On the curative influence of the climate of Pau and mineral waters of the Pyrénées on disease, with descriptive notices of the geology, botany, natural history, mountain sports, local antiquities and topography of the Pyrénées, and their principal watering places
Distinctions
- Member of the Royal Irish Academy
- Corresponding Member of the Historic Institute of France
- Anobli par la Reine Victoria en 1865
- Parrain de la plantation des tilleuls de la Place Royale à Pau (Pyrénées-Atlantiques) en 1878
Monuments
- Rue portant son nom à Pau (Pyrénées-Atlantiques)
- Hommage à sa mémoire sur un vitrail du Temple Protestant, rue Serviez à Pau (Pyrénées-Atlantiques)
Bibliographie
- TUCOO-CHALA, Pierre. Pau, ville anglaise. Société nouvelle d’éditions régionales et de diffusion, 1979.
- DULOUM, Joseph. Aux origines de la colonie britannique de Pau. Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, volume no 77, 1965.
- CUBÉRO, José. L’invention des Pyrénées. Éditions Cairn, 2009.
- PINCAS, Éric. « Pau : l’héritière des lords anglais », Historia, , no 765.
- BRIAND, David. « Et Taylor créa le climat qui guérit les Anglais », Sud Ouest, .
- LACAZE, Louis. Notice sur la Place Royale de Pau,1688-1878, Léon Ribaut, Libraire de la Société, 1879.
Notes et références
- comme le rappelle Éric Pincas : « Dans les années 1820, la beauté du paysage et la douceur du climat constituent les principaux atouts de l’illustre cité royale, ancien fief des souverains de Navarre. [...] Depuis l’actuel balcon prolongeant la place Royale où se dresse la statue d’Henri IV face à l’hôtel de ville, le panorama est magique, fidèle à celui que décrivait en 1820 Sir George William Lefevre, un jeune médecin britannique : « Tout ce que j’avais jusqu’alors contemplé me parut insignifiant à côté de ce qui se présentait à moi. Immédiatement devant nous, et sous nos pieds, s’étendait une longue plaine, toute en prairies, où le gave serpentait en un courant rapide et bouillonnant. Le premier plan était borné par une longue crête de collines que recouvraient des vignes s’étalant en festons du sommet à la base. Celles-ci s’adossaient à des bois où prédominait le hêtre. Et pour cerner le tout, les Pyrénées, déployées sur l’horizon, évoquaient de tous leurs pics hérissés, la colonne vertébrale du globe. »
- comme le relève Joseph Duloum : « Le 18 octobre 1838, on pouvait lire dans Le Mémorial des Pyrénées l’annonce suivante : « Monsieur le Docteur Taylor (sic), médecin anglais, vient d’arriver à Pau ; il est logé maison Zacharie, rue Préfecture, no 7 ». Le docteur Taylor était né en 1802 dans le comté d’Aberdeen, et gradué de l’université d’Édimbourg. Il ne fut pas le premier médecin traitant britannique à Pau. Avant lui, un Dr Kelly et un Dr Hassel donnaient des soins à leurs compatriotes. Il ne fut pas non plus le premier observateur du climat palois ; il faut citer avant lui le Dr George William Lefevre, le Dr Playfair et le Dr James Clark ; mais il est incontestablement son premier apologiste. ».
- comme l’indique Joseph Duloum, en précisant le contenu de cette publication : « Cet ouvrage se présente sous une forme qui est tout le contraire d’une monographie. Le traité de climatologie et les considérations hydrologiques se trouvent développées dans un cadre de guide touristique. En fait, l’ensemble représente une véritable apologétique. Réfutant point par point les assertions de James Clark — qu’il estime hâtives et mal fondées —, il fait du climat de Pau la panacée de la plupart des misères physiques, n’excluant de celui-ci que les malades auxquels un climat trop sédatif ne convient pas et qui relèvent, au contraire, d’un climat plus tonifiant. Et s’il arrive que des phtisiques meurent à Pau, c’est qu’ils y sont venus trop tard. Toute sa démonstration, du reste, tend à prouver qu’il en meurt moins dans la capitale béarnaise qu’à Montpellier, Hyères, Nice, Rome, Florence, Pise, Naples, les climats chauds et irritants étant, selon lui, les plus fatals à cette catégorie de malades. Plus généralement, il note : « Tout Anglais qui, malade ou bien portant, aura demeuré quelque temps à Pau, reconnaîtra qu’il s’est opéré en lui un changement profond ; il se laisse aller à une douce rêverie, il éprouve un grand désir de repos pour le présent et ne s’occupe nullement de l’avenir ; ces sentiments sont développés dans son esprit à un tel point, qu’il n’aurait jamais cru que son état pouvait comporter des modifications aussi étranges. » Il explique ainsi certains accidents : « Lorsqu’il y a eu des cas de fièvres parmi les Anglais, on a toujours pu en trouver la cause dans un coup de soleil. Les étrangers récemment arrivés d’Angleterre aiment tant l’éclat réjouissant du soleil, qu’ils ne sont pas contents avant de s’être brûlé le sang, ce qui leur occasionne souvent un accès de fièvre plus ou moins prolongé. » Un point de l’ouvrage qui devait frapper particulièrement les esprits est celui où le Dr Taylor publie des tables de mortalité et de longévité. Toutes tendent à prouver que, de toutes les villes du monde, Pau est celle où l’on vit le plus longtemps. Les épidémies contournent la ville sans la toucher — on le vit lors du choléra morbus de 1832-1833 et de l’influenza de 1837. ».
- comme le note Éric Pincas : « À cela s’ajoutent d’importants travaux de voirie dont le maître mot est « salubrité » : captage et adduction d’eau, couverture du Hédas, ce petit ruisseau jouxtant le château transformé en décharge à ciel ouvert, réseau d’égouts, pavage et éclairage des rues, construction de trottoirs. Pau entre dans l’ère de la modernité poussée par ce souffle venu de l’étranger. Au cours de la saison 1878-1879, on comptera jusqu’à 6 000 hivernants pour une population de 30 000 habitants. Cette période faste s’achèvera avec l’effet conjugué de la crise économique de 1929 et la concurrence du tourisme balnéaire, Biarritz en tête, signant l’arrêt de mort du tourisme climatique. ».
- comme le relate Louis Lacaze dans la Notice sur la Place Royale de Pau, 1688-1878 : « Vendredi, une cérémonie touchante a eu lieu à 4 heures sur la Place Royale. Le vénérable doyen de notre corps médical, Sir Alexander Taylor, avait rendu célèbre parmi la colonie Anglaise un sycomore qu’il avait planté il y a une trentaine d’années. Cet arbre était toujours le premier à donner des feuilles, et, chaque année, se trouvait plusieurs jours en avance sur son fameux rival, le marronnier du 20 mars. Un accident l’avait fait disparaître ; mais, à l’occasion de la nouvelle plantation de tilleuls que l’on fait en ce moment, Sir Alexander Taylor demanda l’autorisation de planter un arbre en remplacement du sycomore. L’autorisation fut naturellement accordée, et M. Larmanou fit choix, pour déférer à ce désir, du plus beau de ses tilleuls. S. A. S. la princesse de Schleswig-Holstein avait accepté les fonctions de marraine. M. le premier adjoint a témoigné à Sir Taylor tout le plaisir qu’avait la municipalité à lui être agréable, ajoutant qu’elle ne croyait pas avoir payé, par cette légère attention, la dette de reconnaissance que la ville avait contractée envers lui. ».
- comme le remarque Éric Pincas : « Que reste-t-il de cet âge d’or ? « Un patrimoine méconnu, presque immatériel, imperceptible au premier coup d’œil du grand public. », citant Caroline Cousin, chargée de mission pour le label Ville et Pays d’art et d’Histoire. Pourtant, l’empreinte cosmopolite ne s’est pas effacée, loin de là. Elle souffre peut-être simplement de l’ombre portée par le château et de la tyrannie exercée par le mythe Henri IV. La « ville anglaise » ne s’est pas tout à fait éteinte, bien au contraire. Il suffit, pour s’en rendre compte, de sortir des sentiers touristiques balisés et d’identifier les lieux témoignant du quotidien de cette gentry du XIXe siècle : les matinées dédiées à la prière, au golf ou à la chasse au renard, les après-midi consacrées aux visites mondaines, aux courses hippiques, aux promenades sur les coteaux, dans les parcs ou sur le boulevard des Pyrénées, les fins de journées passées à jouer au bridge ou au billard au Cercle anglais, les soirées rythmées par les concerts et les bals organisés dans les palaces et les somptueuses villas. La plupart de ces infrastructures sportives, de villégiature et de sociabilité ont survécu au cataclysme des deux guerres mondiales. C’est là un particularisme palois que d’avoir toujours échappé aux grandes tourmentes de l’Histoire. ».
Articles connexes
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