Accident ferroviaire d'Eschede

Le , le bandage d'une roue d'un ICE 1 reliant Munich à Hambourg se brise à Eschede[1]. Le train se disloque sur une pile de pont, faisant 101 morts et 88 blessés (sur un total de 287 personnes présentes dans le train) : c'est le pire accident de train de l'histoire allemande depuis 1971, et le pire accident d'un train à grande vitesse au monde.

Accident ferroviaire d'Eschede

Photographie de voitures disloquées prise après l'accident, alors que les secours sont encore présents.
Caractéristiques de l'accident
Date3 juin 1998
TypeDéraillement
Site Eschede
Coordonnées 52° 44′ 04″ nord, 10° 13′ 13″ est
Caractéristiques de l'appareil
Type d'appareilICE 1 (rame 151)
Compagnie DB
No  d'identification884 Wilhelm Conrad Röntgen
Passagers287
Morts101
Blessés88
Survivants106

Géolocalisation sur la carte : Allemagne

Quatre ans plus tard, 25 millions d'euros sont versés en compensation aux familles ainsi qu'aux rescapés.

Déroulement

Le train à grande vitesse ICE « Wilhelm Conrad Röntgen », assuré par la rame 151, roule de Munich vers Hambourg.

Déraillement

Après un arrêt à Hanovre à 10 h 30, le train poursuit son trajet vers le nord à 200 km/h. À six kilomètres au sud d'Eschede, à 10 h 59, près de la ville de Celle, la bande de roulement d'une roue sur le troisième essieu de la première voiture, casse et part en morceaux. Certains de ces morceaux viennent percuter la caisse de la voiture voyageurs, où ils restent encastrés. La chaine d'événements qui se succèdent alors en moins d'une minute prendra des mois aux enquêteurs pour être reconstituée.

Après l'accident, une entaille d'environ 20 cm de long et 4 cm de profondeur sur une traverse a été découverte à environ six kilomètres du lieu de l'accident au kilomètre 55,1[2],[3].

Alors que le train passe sur le premier d'une série de deux aiguillages, la bande de roulement de la roue avariée heurte le rail guide (contre-rail) de l'appareil de voie, arrachant ce dernier. Celui-ci vient également transpercer le plancher de la voiture, et y reste encastré, soulevant l'essieu en dehors des rails. Le train continue son trajet jusqu'au prochain aiguillage avec l'essieu arrière du premier wagon déraillé.

Une des roues maintenant déraillée frappe le système de commande du second aiguillage, changeant sa direction. La deuxième voiture déraille, ainsi que l'essieu avant de la troisième voiture. Mais l'essieu arrière de la troisième voiture est dirigé vers la voie parallèle. Avec la vitesse et l'angle de l'aiguillage, la voiture se désolidarise de la 4e voiture, et l'arrière est ainsi projeté dans les piles du pont routier de 300 tonnes, les détruisant.

La motrice, qui n'a pas déraillé, se désolidarise de la première voiture. La rupture du convoi provoque l'arrêt automatique de la partie avant du train, de sorte que la motrice s'arrête en gare d'Eschede, presque trois kilomètres plus loin. Le chef de gare remarquant la motrice arrêtée à 600 m de la gare, il ferme l'ensemble des feux de signalisations[4]. Les deux premières voitures, ainsi qu'une partie de la troisième, s'arrêtent à quelques centaines de mètres après le pont.

La quatrième voiture déraille également, à la suite de la déviation de la troisième, et se déplaçant toujours à 200 km/h, passe intacte sous le pont et roule sur le bas-côté, immédiatement après le pont. Deux agents d'entretien de la Deutsche Bahn qui travaillaient près du pont sont écrasés par cette voiture et tués sur le coup.

La motrice arrière après l'accident.

Comme la deuxième partie de la cinquième voiture passe sous le pont, celui-ci s'effondre, détruisant complètement les véhicules qui se trouvaient dessous à ce moment-là. Les voitures restantes s'encastrent les unes dans les autres, en accordéon, le pont effondré ayant totalement obstrué la voie. Les voitures 6 et 7, la voiture de service, la voiture-restaurant, les trois voitures de première classe numérotées 10 à 12 et la motrice de queue déraillent toutes et viennent s'empiler violemment. Le chaos résultant a l'apparence d'une règle cassée en zigzag.

Une automobile a également été trouvée parmi les débris. Elle appartenait aux deux agents de la Deutsche Bahn et se trouvait certainement sur le pont avant l'accident. L'hypothèse selon laquelle c'est une collision avec cette voiture qui aurait causé l'accident se révèlera contredite par l'enquête[5].

Secours

Le choc fait un bruit que les témoins décrivent plus tard comme « terrifiant », « horriblement fort », et « semblable à un crash aérien ». Les plus proches résidents, alertés par le bruit, arrivent les premiers sur les lieux du drame. À 11 h 2, la police locale déclare une situation d'urgence ; à 11 h 7, comme l'importance du drame apparaît évidente, le niveau d'urgence est porté à celui « d'urgence majeure ». Plus de mille sauveteurs des services d'urgence régionaux, pompiers, services de secours, police et armée sont mobilisés ; trente-sept spécialistes des situations d'urgence, qui participaient à une conférence près de Hanovre, portent également assistance dans les toutes premières heures du secours.

Bien que de nombreux passagers et le conducteur aient survécu dans la partie avant du train, il n'y a eu quasiment aucune chance de survie dans la partie arrière[6]. Y compris les deux agents travaillant sur les voies, 101 personnes sont mortes dans l'accident.

Causes

Le type de roues

La première génération de train ICE (ICE1) est initialement équipée de roues faites d'une pièce, connues sous le nom de roues « monobloc ». Une fois en service, il apparaît rapidement que la fatigue et la déformation du métal provoquent des vibrations et une résonance importante à la vitesse de croisière. Des passagers notent ceci particulièrement dans la voiture-restaurant, où d'importantes vibrations sont constatées : on peut même voir des verres se déplacer seuls sur les tables.

En tentant de résoudre le problème, les ingénieurs décident que la suspension des voitures de l'ICE peut être améliorée en utilisant un anneau de caoutchouc intégré entre le bloc de la roue et le bandage métallique. Un dispositif similaire est utilisé sur des tramways, mais pour des vitesses bien inférieures. Ce nouveau bandage, en forme de pneu plat, consiste en un bloc de roue métallique, entouré d'un anneau de caoutchouc de 20 mm d'épaisseur, puis d'un anneau métallique relativement fin jouant le rôle de bandage. Le nouveau dispositif n'est pas testé à grande vitesse avant d'être validé et mis en service, mais il résout la gêne due aux vibrations à la vitesse de croisière.

À cette époque, aucun système n'existait en Allemagne pour tester physiquement les limites de rupture d'une roue. La forme et les spécifications reposent sur la connaissance en résistance des matériaux et sur la théorie. Malgré tout, sur une période de plusieurs années, la nouvelle roue semble fiable et, jusqu'au moment de l'accident, elle n'a provoqué aucun souci majeur.

L'Institut IIS de la Fraunhofer-Gesellschaft est chargé d'une étude sur les causes de l'accident. Il est révélé plus tard que l'Institut a averti la Deutsche Bahn, dès 1992, sur les risques de rupture de bandage. En , près d'un an avant l'accident, Üstra, l'autorité de transport de Hanovre, rapporte que les bandages métalliques employés sur ses trams roulant à environ 24 km/h s'usent plus vite que prévu par les estimations ; elle décide de remplacer les roues plus tôt que ce qui est prescrit par les spécifications légales. Elle transmet son rapport aux autres utilisateurs de roues fabriquées sur le même modèle, y compris la Deutsche Bahn.

Il apparaît rapidement que les forces dynamiques répétitives n'ont pas été prises en compte dans le modèle statistique utilisé lors de la conception : le résultat est une marge de sécurité insuffisante. Les facteurs suivants, non pris en compte lors de la conception, sont notés :

  • le bandage métallique se déforme insidieusement et devient un peu plus elliptique à chaque tour de roue (approximativement 500 000 tours pour une journée normale d'exploitation), avec les effets de fatigue que cela induit ;
  • contrairement à la roue monobloc, des fissures peuvent apparaître sur la face intérieure du bandage ;
  • comme le bandage devient de plus en plus fin à cause de la lente usure, les effets des forces dynamiques et des micro-fissures s'aggravent ;
  • les méplats et défauts de surface du bandage augmentent considérablement l'effet des forces dynamiques et accélèrent grandement l'usure.

La technique de ces « bandages » de roue a une longue histoire de problèmes et d'accidents qui remonte aux origines du chemin de fer. Ils ne sont plus utilisés en Allemagne.

Défaut d'arrêt du train

Malgré les vibrations et le bruit engendré par les prémices de la catastrophe, personne, personnel et passagers, n'a tiré le signal d'alarme. Conventionnellement, les chemins de fer appliquent la politique « arrêter et examiner », en cas de comportement anormal ou de bruit suspect à bord. Cependant, cela n'a pas été le cas à bord de l'ICE. Un temps important a été perdu lorsqu'un passager a essayé d'avertir le contrôleur à propos d'une grosse pièce de métal traversant le plancher, au lieu de tirer le signal d'alarme lui-même. Le contrôleur a refusé d'arrêter le train avant d'avoir étudié le problème lui-même, prétextant que c'était la politique de la compagnie. Cette décision a été confirmée par la justice et le contrôleur a été exonéré de sa responsabilité. On[Qui ?] peut donc affirmer que, juste avant cette catastrophe, au moins deux personnes (un passager et le contrôleur) avaient constaté qu'un morceau de métal de près d'un mètre avait perforé la caisse de la voiture. Cependant, craignant les conséquences d'un arrêt en pleine voie[réf. nécessaire], ni l'un ni l'autre ne prirent la décision de tirer le signal d'alarme. Pourtant, ce dispositif n'a été créé (vers 1860) que dans le seul but de permettre aux passagers des trains de stopper le convoi en cas de danger.

Autres facteurs

La forme du pont au dessus de la voie ferrée a aussi contribué à aggraver l'accident car il n'était soutenu que par deux piliers fins à chaque extrémité, au lieu d'un tablier courant. Le désastre de Granville (Australie) en 1977 présentait une faiblesse similaire. Le pont reconstruit fut de type porte-à-faux et ne souffre plus de ce genre de faiblesse.

Un autre facteur aggravant dans la rupture de la roue fut l'utilisation de soudures dans le corps du bogie qui se sont ouvertes pendant l'accident[7].

Conséquences

Dans un premier temps, les soixante ICE de première génération semblables à celui mis en cause dans l'accident sont retirés de la circulation pour inspection. Les ICE de deuxième génération toujours en circulation sont limités à une vitesse commerciale de 160 km/h au lieu de 280 km/h habituellement[8]. Quelques jours plus tard, lorsque les premières éléments de l'enquête mettent en cause la bande de roulement des roues, les soixante ICE de première génération sont de nouveau autorisés à circuler et la limitation de vitesse levée[3].

Le , la Deutsche Bahn décide d'équiper l'ensemble de ses ICE de roues monoblocs, ne disposant plus d'une bande de roulement séparée.

Légales

En , deux responsables de la Deutsche Bahn et un ingénieur sont poursuivis pour homicide. Le procès dure 53 jours et voit défiler des experts du monde entier, critiquant mutuellement leurs approches et leurs conclusions. L'affaire est close en par la prononciation d'une peine d'amende.

Techniques

En quelques semaines, toutes les roues de type similaires sont remplacées par des roues monobloc tout acier. Le parc allemand est vérifié dans son intégralité et les endroits où des appareils de voie jouxtaient des ouvrages d'art ou d'autres obstacles potentiels sont recensés et vérifiés.

Les sauveteurs, sur le site de l'accident, rencontrent des difficultés considérables pour accéder aux victimes. La forme et l'épaisseur du chaudron des caisses faites en aluminium et les vitres prévues pour résister à la pression de l'air opposent une résistance inattendue aux équipements de secours lourds. Tous les trains sont modifiés et munis de fenêtres prévues pour être cassées en cas de besoin.

Notes et références

Notes

    Références

    1. Dans le district de Celle, en Basse-Saxe (coordonnées : 52° 44′ 04″ N, 10° 13′ 13″ E ).
    2. « Heimsuchung im High-Tech-Land - DER SPIEGEL 24/1998 », sur www.spiegel.de (consulté le ).
    3. « Drame d'Eschede: l'hypothèse d'une rupture de roue se vérifie », Le Temps, (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le ).
    4. (de) Jan-Erik Hegemann, Die ICE-Katastrophe von Eschede: Der Einsatz, (ISSN 0943-027X), P. 32-41.
    5. « Allemegne : le train de l'enfer », sur ladepeche.fr (consulté le ).
    6. « Le déraillement du Munich-Hambourg est la pire catastrophe ferroviaire de l'Allemagne de l'après-guerre », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
    7. Modern Railways, décembre 2004, p. 16.
    8. « La catastrophe du TGV allemand aurait une origine mécanique », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).

    Voir aussi

    Documentaires télévisés

    Articles connexes

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