Abû Bakr Ibn At Tayyib Al Bâqillânî

Abû Bakr Muḥammad Ibn At Ṭayyib Al Bâqillânî (arabe : أبو بكر محمد بن الطيب الباقلاني), parfois appelé al-Bakilani, est un théologien ash'arite, un juriste malikite, un spécialiste des Usūl al-Dīn et des hadiths.

Il naquit à Bassora en 950 (338 H.) mais vécut la majeure partie de sa vie à Baghdad. Il étudia auprès des plus grands disciples de l'imâm Abul Hasan Al Ash'arî, dont l'imâm Abû Bakr Ibn Mujâhid At Ta'î[1]. Il fut également qadi du Califat de l'époque dans la ville de Karkh.

Il fut célèbre pour sa participation à des débats théologiques : c'est lui qui fut chargé, en 982, de défendre la théologie sunnite face aux théologiens chrétiens auprès de l'empereur de Byzance Basile II[2]. Sa notoriété est due aussi à ses assemblées de science extrêmement suivies, aussi bien par des savants que des étudiants. Il y forma notamment les célèbres imâms Abul Qâsim Al Qushayrî et Abû Bakr Al Bayhaqî. Certains l'ont désigné comme le mujaddid du IVe siècle de l'Hégire.

Il mourut le (403 H.) dans la ville de Baghdad où il fut enterré auprès de l'imâm Ahmad Ibn Hanbal.

Croyance

L'Imâm Al-Bâqillâni a laissé beaucoup d’œuvres précieuses traitant de la croyance des musulmans sunnites, comme son livre Al-Insâf dans lequel il prend position contre la lecture littérale des versets anthropomorphiques du Coran. Dans l'Al-Insâf, il dit : « Il est un devoir de savoir que le Seigneur ta’âlâ est exempt de tout ce qui indique l’entrée en existence ou un quelconque défaut. Ainsi, Il est exempt, ta’âlâ, de la caractérisation par les directions, d’être qualifié par les caractéristiques de ce qui entre en existence, Il n’est pas caractérisé non plus par le changement et le déplacement, ni la position debout, ni la position assise en raison de Sa parole ta’âlâ : {لَيْسَ كَمِثْلِهِ شَيْءٌ} (layça kamithlihî chay) [soûrat Ach-Choûrâ / 11] qui signifie : « Rien n’est tel que Lui » et en raison de Sa parole : {وَلَمْ يَكُن لَّهُ كُفُواً أَحَدٌ} (wa lam yakoun lahou koufouwan ‘ahad) [sourat Al-Ikhlâs/4] qui signifie : « Il n’a point d’équivalent ». Car les attributs précédemment cités indiquent l’entrée en existence et Allâh ta’âlâ est exempt de tout cela »[3].

Il y dit également : « Nous ne disons pas que le Trône est un lieu d’établissement ou un endroit pour Allâh car Allâh ta’âlâ existe de toute éternité alors qu’il n’y a pas d’endroit de toute éternité. Lorsque les endroits ont été créés par Lui, Il n’a pas changé par rapport à ce qu’Il est de toute éternité »[4]. Al-Bâqillânî fait référence au verset XX, 4 du Coran, qui parle du « Miséricordieux qui siège sur le trône » (trad. Kasimirski). Une lecture de ce verset à la lettre conduit à attribuer à Dieu un corps, et à le limiter à une localisation, ce qui semble en contradiction avec l'idée de sa toute-puissance. Le texte doit plutôt être interprété comme une métaphore de la puissance de Dieu.

Il a dit également : « Allâh ta’âlâ n’est pas attribué par les directions, et certes Il n’est pas dans une direction »[5]. En effet, les attributs de Dieu, du point de vue acharite, sont réels et éternels. Par conséquent, le mouvement et la direction, qui impliquent un commencement et une limitation, ne peuvent être des attributs de Dieu.

Influence et originalité

La pensée d'al-Bâqillâni a eu une influence sur celle d'un autre maître du kalâm ash'arite : l'imâm al-Juwaynî. On retrouve chez ce dernier une condamnation semblable de la lecture littéraliste des versets sur les attributs anthropomorphiques de Dieu. Comme Al-Bâqillânî, il admet une lecture allégorique de ces versets.

Apports

L'un de ces attributs divins, la parole, a conduit al-Juwaynî à une position originale, différente de celle de son maître al-Ash'ari. Cette thèse est cependant préfigurée dans l'œuvre d'Al-Bâqillânî, qui proposait déjà une distinction entre la Parole intérieure ou l'essence de la Parole, et la parole inscrite matériellement dans des signes sonores ou écrits[6]. Il adopte aussi, à la suite du mu'tazilite al-Jubba'ī, la théorie du ḥal (état ou mode) qui sera reprise par Al-Juwaynī[7].

Reprises

En revanche, les autres aspects de la pensée d'al-Bâqillânî présentent peu d'originalité par rapport à celle du fondateur de l'école ash'arite. Cependant, cette fidélité présente l'avantage de nous permettre de mieux nous familiariser avec la théologie d'al-Ash'ari, dont nous avons une connaissance surtout indirecte. Par exemple, la démonstration de l'existence de Dieu est empruntée à al-Ash'ari. Également la démonstration de l'unicité de Dieu, par l'argument de l'empêchement mutuel : s'il y avait eu plusieurs dieux, ils se seraient empêchés mutuellement de créer ; or le monde existe, c'est donc qu'il y a un seul Dieu[8]. De même sa typologie des connaissances. Il distingue les connaissances "nécessaires" (empiriques ; nécessaires en ce sens qu'elles sont indéniables) des connaissances acquises (par le raisonnement). Al-Bâqillânî reprend aussi, pour l'essentiel, la problématique des attributs divins exposée par le fondateur de l'école. De même, il conserve la théorie atomiste, en particulier sur le plan temporel : la durée est constituée d'une succession d'instants ; c'est Dieu, cause de tout, qui assure la continuité d'un instant à l'autre[2]. Ce qui suppose une intervention constante de la Providence.

Méthode

Quant aux types de raisonnements employés, ils rattachent al-Bâqillânî à la période classique de l'ash'arisme, celle où la logique d'Aristote n'a pas encore, sous l'impulsion d'al-Juwaynî, fait son entrée dans le kalâm. C'est pourquoi Ibn Khaldūn le tient pour le « chef de file » de l'ancienne école[9]. En effet, Al-Bâqillânî s'en tient au raisonnement à deux termes, caractéristique des méthodes des juristes musulmans de l'époque. En voici un exemple : al-Bâqillânî entend prouver que Dieu ne peut pas être semblable à ses créatures. Il raisonne ainsi. De deux choses l'une : soit Dieu serait semblable aux êtres créés quant à leur nature ; mais alors les créatures seraient éternelles, ou Dieu serait contingent, ce qui ne peut être accepté. Soit ils sont semblables quant à leur forme ; mais il faut admettre alors que Dieu lui-même a été "formé", c'est-à-dire supposer l'existence d'un Formateur, ce qui ne peut être accepté non plus. Le raisonnement d'al-Bâqillânî constitue un exemple de dilemme, typique de la logique classique, qui sera renouvelée par al-Juwaynî puis al-Ghazâlî[6].

Œuvres

Manuscrit sur parchemin du Kitab al-tamhîd

Il écrivit de nombreux ouvrages très appréciés des sunnites. Hélas, tous n'ont pas été conservés.

  • I'jâz Ul Qur°ân (explique en quoi le Coran constitue un miracle)
  • Al Intiṣâr lil Qur°ân ( Justice to the Qur'an )
  • At Taqrîb wa Al Irshâd
  • Tamhīd fī l-radd ʿalā l-molḥida al-moʿaṭṭila wa l-rāfiḍa wa l-h̲awārij wa l-moʿtazila (ou Kitab al-Tamhīd : Traité écrit pour réfuter les hérétiques qui nient l'existence des attributs d'Allah, les Rafidhites, les Kharidjis et les Mutazalites)
  • Al Inṣâf fîmâ yajibu i'tiqâduhu wa lā yajûz ul jahl bihi fî 'ilm il kalâm
  • Manaqîb Ul °immah Al Arba'ah
  • Al Hidâyah (en grande partie perdu[10])
  • Miracle and magic : a treatise on the nature of the apologetic miracle and its differentiation from charisms trickery, divination, magic and spells. Édité par Richard J. McCarthy. 1958.

Références

  1. « Abû 'Abdi Llâh Ibn Mujâhid At Tâ°î - أبو عبد الله بن مجاهد الطائي (d.370) », At-tawhid.net, (lire en ligne)
  2. Mohyddin Yahiya, « La pensée classique arabe. 5, L'ash'arisme après Al-Ash'ari. 1.1 », (consulté le )
  3. « L’Imâm Al-Bâqillâni parle de la croyance en Allâh », Islam Sunnite, (lire en ligne, consulté le )
  4. « L’Imâm Al-Bâqillâni dit que le Trône n’est pas un lieu d’établissement ni un endroit pour Allâh », Islam Sunnite, (lire en ligne, consulté le )
  5. « L’Imâm Al-Bâqillâni confirme que Allâh n’est pas dans une direction », Islam Sunnite, (lire en ligne, consulté le )
  6. Mohyddin Yahiya, La pensée classique arabe. Module 5 : L'ash'arisme après al-Ash'ari, Université ouverte de Catalogne, (lire en ligne)
  7. Jan Thiele, « Al-Juwaynī », Encyclopedia of Medieval Philosophy, (lire en ligne)
  8. Mokdad Arfa Mensia, « Regards d'Ibn Rushd sur al-Juwayni. 2, Méthodes pour démontrer l'unicité de Dieu », Arabic sciences and philosophy, vol. 22, , p. 199-216 (résumé : https://www.cambridge.org/core/journals/arabic-sciences-and-philosophy/article/abs/regards-dibn-rushd-sur-aljuwayni-questions-de-methode/B17E6D6DE6C03B5B10DC3DEA45FBF7FC#)
  9. Mokdad Arfa Mensia, « Regards d'Ibn Rushd sur Al-Juwaynī : questions de méthode », Arabic sciences and philosophy, vol. 22, , p. 199-216
  10. Daniel Gimaret, « Un extrait de la Hidaya d’Abū Bakr al-Bāqillānī »,

Voir aussi

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