Épithète spécifique
L’épithète spécifique[note 1], parfois appelée nom spécifique, est le second terme du nom binominal ou binôme linnéen, qui correspond au nom scientifique d'une espèce biologique, le premier terme étant le nom générique ou nom du genre.
Nomenclature binominale
Le nom scientifique d'une espèce est composé de deux termes : le premier est le nom du genre ou nom générique, le second est l'épithète spécifique.
Le nom générique seul désigne l'ensemble des espèces appartenant à ce genre, par contre utilisée seule l'épithète spécifique ne désigne pas un taxon. En effet, la même épithète spécifique peut être attribuée à plusieurs espèces distinctes appartenant des genres différents, dans des familles différentes, voire des règnes différents. Ainsi par exemple, l'épithète pubescens (mot latin qui signifie « pubescent, poilu ») est attribuée, entre autres, à des arbres comme Betula pubescens et Quercus pubescens et des plantes herbacées comme Lavandula pubescens et Sinapis pubescens, mais aussi à un oiseau Picoides pubescens, un serpent Bothrops pubescens et un insecte Ophonus pubescens.
L'épithète attribuée à une espèce ne peut pas être modifiée au motif qu'elle indique un caractère erroné, exemples :
- Carex diandra (du grec δι, di-, « deux » et ἀνδρός, andros, « homme ») a trois étamines et non deux,
- Petasites hybridus n'est pas un hybride,
- Sibthorpia africana n'est présent qu'aux Baléares[1],
- Posidonia oceanica est une espèce endémique de Méditerranée, totalement absente de l'Océan Atlantique pourtant très proche ;
- Arvicola amphibius désigne le Campagnol terrestre et non pas le Campagnol amphibie (Arvicola sapidus).
Quand une espèce est transférée dans un autre genre, son épithète spécifique est toujours conservée, même si elle repose sur un caractère équivoque ou sur une erreur[2]. Si une autre espèce de ce genre possède déjà cette épithète, une nouvelle épithète doit être attribuée à l'espèce transférée[3].
Étymologie
L'épithète est formée le plus souvent à partir :
- d'une localisation géographique (ex. l'espèce Phyllomys brasiliensis ainsi qualifiée par référence à son endémisme du Brésil),
- d'une caractéristique morphologique (ex. Phyllomys nigrispinus qui fait allusion aux épines de couleur noire de ce rat épineux),
- ou d'un nom propre en hommage à une personnalité (ex. Phyllomys thomasi nommé ainsi comme de nombreuses autres espèces en hommage à Michael Rogers Oldfield Thomas).
Dans le dernier cas, le nom propre adjectivé peut être décliné sous différentes formes (lawalreana, lawalreanum, lawalreanus, lawalreeana, lawalreeanum, lawalreeanus et lawalrei sont toutes des épithètes qui évoquent André Lawalrée[4]) ou latinisé (Coffea leonimontana est nommé en hommage au botaniste néerlandais A.J.M. Leeuwenberg[5]).
Mais certaines épithètes sont parfois plus fantaisistes comme vini vidivici qui fait allusion à l'expression latine « Veni, vidi, vici » ou l'espèce Nessiteras rhombopteryx, nom scientifique donné au Monstre du Loch Ness, qui signifie « merveille du Ness à la nageoire en forme de diamant » tout en étant en anglais l'anagramme de « Monster hoax by Sir Peter S », ou encore Dicoma anmadochrissa, une astéracée dont André Lawalrée (en) a créé l'épithète spécifique en combinant les premières syllabes des prénoms de son épouse et de ses enfants (Anne, Marie, Dominique, Christian et Sabine)[6]. Aha ha, une espèce de guêpe australienne, a été nommée par l'entomologiste américain Arnold Menke en 1977 comme une plaisanterie, évoquant son exclamation à la réception des spécimens[7].
En botanique
Conformément au CINB, l'épithète spécifique peut être un adjectif s'accordant avec le genre grammatical (masculin, féminin ou neutre) du nom générique, un nom au génitif (notamment dans le cas d'espèces parasites, par exemple Orobanche teucrii[8]) ou un attribut (un mot en apposition), ou plusieurs mots[9].
D'après la traduction française du code de nomenclature botanique, les termes « nom spécifique » ou « nom d'espèce », parfois utilisés pour « épithète spécifique », désignent le binôme linnéen[9].
Tautonymes
En zoologie, l'épithète de l'espèce type peut répéter le terme choisi pour le genre (ex. Pica pica, Alces alces ou Sphyraena sphyraena) — on parle dans ce cas de tautonyme.
En botanique ce n'est théoriquement pas admis, mais sont acceptés des noms binominaux dont les deux termes représentent des variantes orthographiques Ziziphus zizyphus, Cuminum cyminum. Quand la tomate, décrite à l'origine sous le basionyme Solanum lycopersicum, a été momentanément transférée par Gustav Hermann Karsten dans le genre Lycopersicon, Philip Miller a remplacé l'épithète lycopersicum par esculentum en reprenant la première combinaison valide dans le genre Solanum[10].
Typographie
L'épithète spécifique ne prend pas de majuscule et s'écrit donc entièrement en minuscules, contrairement au nom de genre qui s'écrit avec une majuscule initiale. Les deux termes s'écrivent en italique, sans accents car ils sont considérés comme appartenant au latin, même quand ils sont formés à partir d'un mot tiré d'une autre langue. Dans le cas d'une espèce hybride entre deux espèces d'un même genre, l'épithète spécifique est précédée du symbole multiplié « × », accolé à l'épithète ou séparé par une espace, au choix du rédacteur. Ce symbole peut être remplacé par la lettre « x », qui ne se met pas en italique et est toujours séparée de l'épithète par une espace[11]. Quand l'épithète spécifique n'est pas connue ou n'a pas besoin d'être mentionnée, elle est remplacée par l'abréviation « sp. » (pour le mot latin species, « espèce »), écrite en caractères droits[12].
Exemples :
- une espèce précise : Olea europaea
- un hybride : Fragaria ×ananassa ou Fragaria x ananassa
- une espèce quelconque d'un genre connu : Rosa sp.
Notes et références
Notes
- Le substantif épithète est un nom féminin.
Références
- Baillaud 2012, p. 25.
- Baillaud 2012, p. 4.
- Peter Hamilton Raven, Ray Franklin Evert, Susan E. Eichhorn, Jules Bouharmont (traduction) et Charles-Marie Evrard (collaboration scientifique) (trad. de l'anglais), Biologie végétale, Paris/Bruxelles, De Boeck Supérieur, , 944 p. (ISBN 2-7445-0102-6 et 9782744501029, lire en ligne), p. 262
- Régine Fabri, « André Lawalrée (1921-2005) : L'homme au travers de son œuvre », Systematics and Geography of Plants, vol. 78, no 1, , p. 2-26.
- (en) Piet Stoffelen, Elmar Robbrecht et Erik Smets, « Coffea (Rubiaceae) in Cameroon: a new species and a nomen recognized as species », Belgian journal of botany, vol. 129, no 1, , p. 71-76 (lire en ligne)
- André Lawalrée, « Dicoma anmadochrissa, Astéracée nouvelle du Zaïre », Bulletin du jardin botanique national de Belgique, vol. 48, nos 3/4,
- « Information crossfile », Park science, vol. 2, no 4, , p. 17 (lire en ligne).
- Baillaud 2012, p. 6.
- « Nomenclature des taxons d'après leur rang (Traduction française du code de nomenclature) », sur TelaBotanica
- Baillaud 2012, p. 26.
- Valéry Malécot, « Conseils et fiches pratiques : Recommandations et règles de rédaction des noms scientifiques de plantes (Agrocampus Ouest centre d'Angers, 2010) », sur Horti'doc (consulté le )
- « Les noms scientifiques des plantes », sur Gouvernement de la Polynésie française : Biosécurité
Voir aussi
Botanique
- Lucien Baillaud, « Nomenclature botanique : Noms des plantes en duo », Journal de Botanique, vol. 57, , p. 3-36.
- Lorraine Harrison, Le latin du jardinier. Editions Marabout, 2012.
Zoologie
- (en) B.Beolens, M.Watkins et M.Grayson, The eponym dictionary of mammals Éditions JHU Press, 2009. 574 pages. (ISBN 0801893046), 9780801893049. Consulter en ligne
- (en) James A. Jobling, The helm dictionary of scientific bird names, from Aalge to Zusii, Published by Christopher Helm, an imprint of A&C Black Publishers Ltd, 2010. (ISBN 978-1-4081-2501-4) (ISBN 978-1-4081-3326-2). Consulter en ligne.
- Antoine Jacques Louis Jourdan Dictionnaire raisonné, etymologique, synonymique et polyglotte, des termes usités dans les sciences naturelles, Volume 1. Éditeur J.-B. Baillière, 1834. 628 pages. Consulter en ligne.
- (en) Arnold S. Menke et Neal L. Evenhuis (with additions by), « Funny or Curious Zoological Names », Bogus, Riverside (Californie), Université de Californie, vol. Volumino Negatori Doso, , p. 24-27 (lire en ligne, consulté le ).
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