Épidermodysplasie verruciforme
L'épidermodysplasie verruciforme, également appelée syndrome de Lutz-Lewandowsky, est une affection cutanée rare d'origine génétique[1].
Spécialité | Dermatologie |
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CIM-10 | B07 |
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OMIM | 226400 305350 |
DiseasesDB | 31394 |
eMedicine | 1131981 |
eMedicine | derm/123 |
MeSH | D004819 |
Causes | Infection à papillomavirus humain |
Mise en garde médicale
Elle se manifeste par une poussée anarchique de cornes cutanées du fait d'une sensibilité anormale aux papillomavirus[2].
Description
L'affection commence habituellement entre 4 et 8 ans, le plus souvent avant l'âge de 20 ans[3] mais peut exceptionnellement apparaitre plus tardivement, et dure tout le reste de la vie[4].
Elle se traduit par l'apparition de macules squameuses et de papules[5] d'évolution parfois exubérante, pseudo-tumorale, essentiellement au niveau des mains et des pieds.
Dans ces lésions, on retrouve des papillomavirus de type 5 et 8[6],[7], virus que l'on retrouve chez 80 % des sujets d'une population normale asymptomatique[8]. D'autres types de papillomavirus peuvent être parfois identifiés.
Felix Lewandowsky et Wilhelm Lutz[9] ont fait la première description clinique de cette affection.
On dénombre environ 200 personnes atteintes de cette affection cutanée, également appelée « maladie de l'homme-arbre »[10].
Génétique
Les gènes impliqués sont les gènes EVER1 et EVER2 situés sur le locus EV1 du chromosome 17[11]. Si le rôle de ces gènes est encore imparfaitement connu, ils jouent un rôle au niveau du zinc présent dans les noyaux cellulaires ; le zinc est un cofacteur indispensable à certaines protéines virales, et les gènes EVER1 et EVER2 semblent capables de perturber la croissance virale en limitant l'accès de ces protéines virales au stock de zinc nucléaire.
Cette affection se rapproche des verrues persistantes (et des carcinomes cutanés) des greffés d'organes par immunodépression induite.
En 2021, l’équipe de Vivien Béziat a étudié le cas d’un patient iranien atteint de ce syndrome, et de deux membres de sa famille qui présentent un nombre important de verrues sur les mains et les pieds sans être touchés par le syndrome. L'étude a révélé une mutation du gène CD28 (en), normalement impliqué dans l’activation des lymphocytes T. Cet affaiblissement potentiel des défenses immunitaires n'a eu comme effet décelé que le développement de réactions sévères au HPV2 pour le patient atteint d'épidermodysplasie verruciforme ou au HPV4 pour les deux membres de sa famille[12].
Clinique
La lésion cutanée la plus fréquemment observée est une éruption maculaire proche de celle connue dans le pityriasis versicolor ; s'y associent des papules d'allure verruqueuses squameuses. On retrouve souvent des carcinomes cutanés.
Ces lésions sont réparties au niveau du visage et du cou, sur l'ensemble du corps, mais surtout au niveau des extrémités des membres[13].
Le plus souvent, il existe des lésions carcinomateuses (90 % des patients présentent des carcinomes cutanés[14]). Dans 20 % des cas, ces carcinomes sont de type spinocellulaire. Les métastases sont rares.
Ils se développent le plus souvent en zones photo-exposées et sont précédés par des lésions dysplasiques (kératoses actiniques ou maladie de Bowen).
Généralement, toutes ces lésions sont retrouvées sur l'ensemble du revêtement cutané, mais il existe quelques cas d'atteinte d'une seule extrémité[15],[16].
Traitement
Plusieurs traitements ont été essayés (rétinoïdes, interféron, cimétidine) avec des succès peu ou pas reproductibles.
Le plus important est la protection solaire, la surveillance clinique assidue et l'exérèse rapide de toute lésion en voie de dégénérescence carcinomateuse.
Cas médiatisés
Il existe des cas spectaculaires de développement exubérant de ces lésions cutanées. Le plus connu car le plus médiatisé est celui de Déde Koswara, un villageois indonésien, décédé à l'hôpital Hasan Sadikin de Bandung, le (à l'âge de 45 ans) des suites de sa maladie (défaillance multiviscérale)[17] Il était surnommé « l'homme-arbre », du fait de la ressemblance de ses lésions à des racines d'arbre[18],[19].
Le , Abul Bajandar, un Bangladais de 26 ans également surnommé « l'homme-arbre », a été opéré avec succès à Dacca[20]. Les excroissances géantes de sa main droite ont pu être retirées[10]. Son opération a mobilisé 9 médecins et duré plus de trois heures et demie. Toutefois, un an après, le patient semblait avoir rechuté et sa guérison restait hypothétique[21],[22]. En , le patient demande l'amputation de ses mains [23]
Un cas plus récent, celui de Sahana Khatun, une petite fille bangladaise de dix ans, présente les excroissances géantes caractéristiques de l'épidermodysplasie verruciforme[24],[25]. Il s'agirait de la première femme connue touchée par cette maladie.
Notes et références
- (en) N Ramoz, « Mutations in two adjacent novel genes are associated with epidermodysplasia verruciformis », Nature Genetics, vol. 32, no 4, , p. 579-81 (PMID 12426567)
- (en) M Lazarczyk, « Regulation of cellular zinc balance as a potential mechanism of EVER-mediated protection against pathogenesis by cutaneous oncogenic human papillomaviruses », The Journal of Experimental Medicine, vol. 205, no 1, , p. 35-42 (PMID 18158319)
- (en)Clinical aspects of epidermodysplasia verruciformis and review of the literature, Ülker Gül, MD, Arzu Kılıç, MD, Müzeyyen Gönül, MD, Seray Külcü Çakmak, MD, and Seçil Soylu Bayis. International Journal of Dermatology Vol. 46, Issue 10, Page 1069–1072. Octobre 2007.
- H. Bosquet et M. Bagot, « Lésions tumorales bénignes associées aux papillomavirus humains », Encyclopédie Médico-Chirurgicale, fascicule 98-300-A-10, Éditions scientifiques et médicales Elsevier, Paris 2004
- Aspect le plus classique
- (en) G Orth, « Epidermodysplasia verruciformis: a model for understanding the oncogenicity of human papillomaviruses », Ciba Found Symp, vol. 120, , p. 157-74 (PMID 3013521)
- Descriptif de la maladie sur Orphanet
- (en) Antonsson A, Forslund O, Ekberg H, Sterner G, Hansson BG., « The ubiquity and impressive skin papillomaviruses suggest a commensalic nature of these viruses », The Journal of Virology, vol. 74, no 24, , p. 11636–11641 (PMID 11090162)
- Lewandowsky-Lutz dysplasia: Who Named It?
- « Opération réussie pour " l'homme-arbre " du Bangladesh », sur sante.lefigaro.fr (consulté le )
- Découverte des gènes EVER1 et EVER2
- https://presse.inserm.fr/decouverte-dune-premiere-cause-genetique-pour-le-syndrome-de-lhomme-arbre-papillomavirus-cutane/43368/
- Mahé E., « Épidermodysplasie verruciforme », sur www.therapeutique-dermatologique.org, (consulté le )
- Iconographie
- (en) Lowy DR, Androphy EJ. Warts. In: Freedberg IM, Eisen AZ, Wolff Ket al. 6th edn. New York: Mc Graw-Hill, 2003: 2119–2131.
- (en) Pereira de Oliveira WR, Carrasco S, Neto CFet al. « Nonspecific cell-mediated immunity in patients with epidermodysplasia verruciformis. » J Dermatol 2003; 30: 203–209.
- " RSHS: Dede Manusia Akar Meninggal karena Kegagalan Multiorgan ", en ligne sur https://news.detik.com (en langue indonésienne), 30 janvier 2016 (consulté le 31 janvier 2017).
- Nouvelle chirurgie pour l'homme-arbre.
- (en) Bachti Alisjahbana, Rachmat Dinata, Endang Sutedja, Irene Suryahudaya, Hardisiswo Soedjana, Nucki N Hidajat, Rista D Soetikno, Ezra Oktaliansah, April Deng, Peter Rady, Stephen Tyring, Anthony A Gaspari, « Disfiguring generalized verrucosis in an Indonesian man with idiopathic CD4 lymphopenia », Archives of dermatology, vol. 146, no 1, , p. 69-73 (ISSN 1538-3652, PMID 20083696, DOI 10.1001/archdermatol.2009.330)
- « Bangladesh - Abul l"homme arbre" a été opéré », sur ParisMatch.com (consulté le )
- AFP / L'Express, 2 février 2018 : « Au Bangladesh, cruelle rechute pour Abul, "l'homme-arbre". »
- Le Figaro avec AFP, « Bangladesh: «l'homme-arbre» demande à être amputé », sur Le Figaro.fr, (consulté le )
- « Bangladesh: «l'homme-arbre» demande à être amputé », sur FIGARO, (consulté le )
- " Bangladesh : Un possible premier cas mondial de « femme-arbre » ", en ligne sur https://www.20minutes.fr, 31 janvier 2017 (consulté le 31 janvier 2017).
- " Bangladesh treats first case of ‘tree girl’ syndrome ", en ligne sur http://www.heraldlive.co.za, en langue anglaise, 31 janvier 2017 (consulté le 31 janvier 2017).
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