Comme on l'a vu dans le chapitre précédent, le noyau atomique est composé de particules plus élémentaires : des protons et des neutrons. Protons et neutrons sont souvent appelés des nucléons (terme indiquant qu'ils proviennent du noyau - nucleus). Les nucléons possèdent diverses propriétés, comme toutes les autres particules : ils ont une masse, une charge électrique (positive pour les protons, nulle pour les neutrons), une taille, une durée de vie (certaines particules peuvent se désintégrer au bout d'un certain temps), et quelques autres. Les nucléons sont les particules qui composent les noyaux atomiques et se résument aux protons et aux neutrons. Les protons et neutrons ne sont pas des particules élémentaires, ce qui veut dire qu'ils sont eux-mêmes composés de particules plus petites : les quarks.

Les quarks et les bosons

Les nucléons sont eux-mêmes composés de particules plus élémentaires : les quarks et les gluons. Les quarks et gluons ne sont pas eux-mêmes composés de particules plus petites, du moins dans l'état actuel de nos connaissances : on dit que ce sont de particules élémentaires.

Les quarks

Il existe six sortes de quarks, appelées quarks up, down, strange, charm, bottom et top. Chaque type de quark est appelé une saveur, terme que nous réutiliserons quand nous parlerons de la désintégration bêta. Ils se différencient par leur charge électrique, ainsi que par d'autres propriétés physiques liées à la physique quantique (saveur, charge de couleur, ...). À noter que chaque quark est associé à un anti-quark (Pour rappel, les anti-particule sont à opposer aux particules normales : chaque particule est associée à une anti-particule dont les propriétés sont strictement inverses, à l'exception de la masse et du spin). La charge électrique des quarks et anti-quarks est une fraction de la charge électrique élémentaire (qui est, pour rappel, la charge de l'électron) : elle vaut soit le tiers, soit les deux tiers de e.

Particule de charge fractionnaire −1/3 Particule de charge fractionnaire +2/3
Down (Bas) Up (Haut)
Strange (Étrange) Charm (Charme)
Bottom (dessous) Top (dessus)
Tableau qui donne la masse, la charge électrique et le spin de chaque quark
Quark Up.
Quark Charm.
Quark Top.
Quark Down.
Quark Strange.
Quark Bottom.

Les quarks sont sensibles à une interaction appelée interaction forte, qui fait que les quarks s'attirent ou se repoussent. Il ne s'agit pas d'une interaction électrique, magnétique ou gravitaire, mais d'une interaction séparée, spécifique aux quarks et à quelques autres particules composées de quarks. Elle est liée à une propriété qu'ont les quarks, qui agit comme un équivalent de ce qu'est la masse pour la gravité ou la charge électrique pour l'électromagnétisme. Par analogie avec l’électromagnétisme, cette propriété s'appelle la charge de couleur. Mais les ressemblances s’arrêtent là et il existe de nombreuses différences entre charge électrique et charge de couleur. Par exemple, la charge de couleur ne peut prendre que trois valeurs, là où masse et charge électrique sont moins limitées. Les trois valeurs de la charge de couleur sont appelées respectivement : rouge, vert et bleu. Les anti-quarks ont quant à eux une anti-couleur, qui peut prendre les trois valeurs anti-rouge, anti-vert et anti-bleu. Les couleurs et anti-couleurs peuvent se mélanger, donnant les résultats illustrés ci-dessous. On voit que les mélanges obtenus sont analogues aux mélanges des couleurs primaires.

Couleurs des quarks.
Anti-couleurs des anti-quarks.
Mélanges possibles de couleurs.

Les gluons

Il faut noter que les quarks et anti-quarks peuvent s'échanger leur couleur au cours du temps. Il est ainsi parfaitement possible qu'un quark passe de la couleur rouge à la couleur verte, tant que le hadron reste de couleur blanche. Un quark peut ainsi prendre toutes les couleurs et anti-couleurs possibles, tant qu'il échange sa couleur avec celle d'un autre quark/anti-quark. Cet échange est ce qui caractérise l'interaction forte, c'est lui qui attire les quarks ensemble et les force à s'assembler en hadrons. L'échange des couleurs se fait par des particules transporteurs appelées gluons. Les gluons sont des particules non-chargées électriquement, qui possèdent une masse.

Pour simplifier, les gluons portent à la fois une couleur et une anti-couleur (on verra dans quelques paragraphes que c'est plus compliqué, mais passons). Les gluons interagissent avec les quarks et leur donnant la paire couleur/anti-couleur qu'ils portent : un gluon bleu/anti-rouge absorbé par un quark rouge va le transformer en quark bleu ; ou encore un quark vert pourra émettre un gluon vert/anti-rouge en devenant rouge. De même, les gluons naissent quand un quark perd sa couleur : il émet alors un gluon qui contient la couleur perdue, sous la forme d'une paire couleur/anti-couleur.

Échange de couleurs entre quarks, par l'intermédiaire de gluons.
Échange de couleurs entre un quark bleu et un quark vert, par l'intermédiaire d'un gluon vert/anti-bleu.

Fait important, les gluons observés dans la nature peuvent être vus comme un mélange de plusieurs gluons purs, simples. C'est une propriété de la mécanique quantique assez étrange et difficile à comprendre, appelée le principe de superposition, qui fait qu'une particule peut être décrit comme une moyenne pondérée de deux particules pures. Dans le cas des gluons, les gluons dits purs portent à la fois une couleur et une anti-couleur. Si on compte les combinaisons couleur/anti-couleur possibles, cela fait neufs possibilités théoriques différentes, qui sont les suivantes :

, avec la couleur rouge, le vert et le bleu, l'anti-rouge, l'anti-vert et l'anti-bleu.
Couleur/anti-couleur Anti-rouge Anti-vert Anti-bleu
Rouge
Vert
Bleu

Ces gluons purs peuvent former des combinaisons, qui sont elles-mêmes des gluons. Par exemple, la combinaison est la moyenne d'un gluon et d'un gluon . Et il existe bien d'autres combinaisons, du type , , et j'en passe. Chaque combinaison forme un gluon impur, formé par le mélange de deux gluons purs.

Là où les choses deviennent plus intéressantes, c'est quand on analyse la combinaison suivante :

Cela devrait vous rappelez le mélange des couleurs primaire : du rouge, mélangé à du vert du bleu donne du blanc (la couleur neutre, qui vaut ici zéro). On peut reformuler l'équation précédente de trois manières différentes, qui donnent les trois équations suivantes :

La conséquence, c'est qu'une des combinaisons pures ne l'est pas vraiment. Mais difficile de dire laquelle, si tant est qu'on puisse dire avec certitude qu'il y en a une qui soit vraiment impure. Disons pour simplifier que si on prend deux combinaisons et qu'on décide qu'elles sont pures, alors la troisième est impure. Et ce peu importe le choix des deux combinaisons pures. Ce qui fait que l'on peut dire qu'une des combinaisons est redondante, impure. Mais le choix de celle à éliminer est arbitraire !

Pour résumer, parmi les neufs gluons purs théoriques, il y a une redondance cachée qui fait qu'il n'y a en réalité que huit gluons purs. Seuls les six gluons suivants ne sont pas concernés par cette redondance :

, , , , ,

Par contre, les trois gluons suivants sont concernés et on peut éliminer arbitrairement l'un d'entre eux :

, ou

C'est ce qui explique pourquoi les physiciens ont coutume de dire qu'il n'existe que huit gluons, en raison de cette redondance, et non neuf.

Les hadrons : mésons et baryons

Les quarks ont naturellement tendance à s'assembler pour former des particules plus grosses, qui sont appelées des hadrons. Il en existe plusieurs types, les deux principaux étant les mésons et les baryons :

  • les mésons, formés d'un quark et de son anti-quark ;
  • les baryons, formés par l'association de trois quarks.
Illustration de la structure interne de quelques hadrons. Les baryons sont sur la ligne du haut, les mésons sur celle du bas.

Si on a utilisé des noms de couleur pour la charge de couleur, c'est en raison d'une de ses propriétés. Les particules formées de quarks et d'anti-quarks ont elles aussi une couleur, qui est la "somme" des couleurs de chaque quark/anti-quark. Et les règles de cette somme ressemblent à l'addition des couleurs rouge, vert et bleu. Quand des quarks s'assemblent pour former des particules, la couleur de la particule obtenue est toujours blanche. Par exemple, un méson sera de couleur blanche : le quark aura une couleur et l'anti-quark l'anti-couleur associée. Une couleur est annulée par l'addition de son anti-couleur. Un hadron contient toujours un quark rouge, un autre vert et un autre bleu : sa couleur finale est donc le blanc. Et ainsi de suite. Il est impossible de trouver des particules colorées dans la nature, sans qu'elles fassent partie de particules composites de couleur blanche. En clair, on ne peut pas trouver de quark isolé, raison pour laquelle cette propriété s'appelle la propriété de confinement.

Cette propriété de confinement se traduit par la conservation d'un nombre : le nombre baryonique. Celui-ci est simplement la différence entre nombre de quarks et d'anti-quarks, divisée par trois. Les mésons, qui ont autant de quarks que d'anti-quarks, ont un nombre baryonique nul. Les baryons ont obligatoirement un nombre de quarks/anti-quarks multiple de trois, vu que les trois couleurs doivent s'annihiler pour donner du blanc. Ainsi, les particules avec un nombre baryonique non-entier ne peuvent pas exister.

, où est le nombre de quarks et est le nombre d'antiquarks.

Le proton et le neutron

Les protons et neutrons sont des baryons, formés à partir de quarks Up et Down. Le proton est formé de deux quarks Up et d'un quark Down, alors que c'est l'inverse pour le neutron.

Nucléons
Structure interne d'un proton
Structure interne d'un neutron
Anti-nucléons
Structure interne d'un anti-proton
Structure interne d'un anti-neutron

Les propriétés des nucléons sont grossièrement celles des quarks qui les composent. Par exemple, la charge électrique d'un nucléon est la somme des charges de ses quarks. Pour la masse d'un nucléon, on peut dire qu'elle est approximativement égale à la somme de celle de ses quarks. En réalité, l'interaction forte modifie la masse du nucléon, en raison de la masse des gluons et de diverses propriétés quantiques, mais il m'est impossible d'expliquer cela facilement. Dans ce qui suit, je vais détailler quelques propriétés des nucléons.

Rayon : Le rayon du proton est encore inconnu : certaines mesures donnent la valeur de 0,84184 femtomètres alors que les mesures basées sur des collisions avec des électrons donnent une valeur comprise entre 0,875 et 0,88 fm. La raison de cette différence n'est pas encore connue à ce jour. Le rayon du neutron est approximativement le même que celui du proton.

Masse : Protons et neutrons sont des particules dont la masse est très faible, de l'ordre du milliardième de milliardième de milliardième de grammes ! Autant dire que travailler avec les unités usuelles (le gramme, le kilogramme) n'est pas aisé quand on parle des nucléons. Aussi les physiciens utilisent une autre unité : l'électron-volt. Cette unité se base sur l'équivalence entre masse et énergie découverte par Einstein, à savoir la fameuse équation . L'électron-volt correspond à l'énergie que possède un électron quand il est soumis à une tension de 1 volt, normalisée en unité de masse (à savoir, cette énergie divisée par c².

Les nucléons ont une masse proche d'environ 940 MeV/c2. La masse du neutron et du proton ne sont pas exactement égales : 938,272 millions d'électron-volt pour le proton et 939,5654 millions pour le neutron. En kilogrammes, cela fait kg pour le proton et kg pour le neutron. Un proton a une masse approximativement égale à 1 836,15 fois celle de l’électron.

Le neutron est donc légèrement plus massif que le proton, mais cette différence est anecdotique : un neutron est aussi massif que 1,0014 protons. Pour beaucoup d'applications, on peut supposer que proton et neutron ont la même masse.

Charge électrique : Proton et neutron n'ont pas la même charge électrique : là où le neutron est neutre (d'où son nom), le proton a la même charge que l'électron. On peut s'en rendre compte en faisant la somme des charges électriques des quarks.

Polarisabilité électrique : Protons et neutrons peuvent se polariser électriquement, à savoir qu'on observe l'apparition d'un pôle positif et d'un pôle négatif quand on les soumet à un champ électrique. Ce comportement est lié au fait que les quarks sont chargés. Quand on les soumet à un champ électrique, la répartition des charges est modifiée : les quarks positifs sont attirés de la source du champ, alors que les quarks négatifs sont repoussés (ou l'inverse selon la polarité du champ). Les quarks positifs s'accumulent d'un côté alors que les négatifs s'empilent de l'autre, ce qui donne naissance à un pôle positif et un pôle négatif.

Spin : Les nucléons possèdent une propriété particulière, qui s'appelle le spin. Le spin est représenté par un vecteur qui ne peut prendre que deux directions différentes (vers le haut ou vers le bas). Pour les protons et les neutrons, ce vecteur a une norme qui vaut . Cela fait donc deux possibilités pour le spin d'un nucléon : (nucléon orienté vers le haut) et (nucléon orienté vers le bas). Expliquer ce qu'est le spin est toujours compliqué, sachant que c'est une propriété sans équivalent en physique classique. Pour simplifier fortement et quitte à dire des choses fausses, le spin est lié au fait que les nucléons tournent sur eux-mêmes. Avec cette interprétation, le vecteur du spin n'est autre que l'axe de rotation de la particule sur elle-même et sa norme est la vitesse de rotation. En clair, le spin est le moment cinétique d'une particule. Le spin des nucléons vient du fait que les quarks en ont un : ils tournent sur eux-mêmes, ce qui leur donne un moment magnétique dipolaire. Le spin d'un nucléon est la somme des spins des quarks qui le composent.

Illustration simplifiée du Spin d'un nucléon.
Spin d'un nucléon en fonction du spin de ses quarks.

Moment magnétique : Les nucléons se comportent comme de minuscules aimants et ont un pôle nord et un pôle sud : on dit qu'ils ont un moment magnétique dipolaire. Pour le proton, on peut l'expliquer par un fait simple : le proton est chargé. Or, toute charge électrique qui tourne sur elle-même forme une boucle de courant, et les lois de l'électromagnétisme nous disent que cette boucle génère un champ magnétique. La logique est différente pour le neutron, qui est électriquement neutre. En réalité, cela vient du fait que les nucléons sont composés de particules chargées qui ont un spin. Le champ magnétique des nucléons est en réalité la somme des champs créés par chaque particule dans le proton ou le neutron. Le champ magnétique produit par les nucléons est très petit, mais il est exploité dans certaines techniques d'imagerie médicale (l'IRM). La valeur du moment magnétique se calcule à partir du spin avec la formule qui suit :

, avec m la masse de la particule, q sa charge et g un coefficient appelé facteur de Landé, qui vaut pour le proton, et pour le neutron. Au passage, le facteur est appelé le facteur gyromagnétique.
Moment magnétique du proton et relation avec le Spin.

Durée de vie : Les protons ont une durée de vie qui est supposée infinie, personne n'ayant observé de désintégration de protons. Le modèle standard (la théorie qui résume le mieux la physique des particules) dit que le proton est parfaitement stable et qu'il ne peut pas se désintégrer. Mais des théories physiques très élaborées prédisent que le proton se désintégrerait en plusieurs millions de milliards de milliards de milliards d'années ( années environ). Pour le neutron, la situation est encore plus intrigante : les neutrons sont stables dans les noyaux atomiques, mais se désintègrent spontanément en dehors en moins de 15 minutes. Cette désintégration donne un proton et un électron, secondés par d'autres particules. Nous reparlerons de cette désintégration dans quelques chapitres.

Proton Neutron
Charge électrique + e 0
Masse 938,272 MeV (méga électron-volt). 939,5654 MeV (méga électron-volt).
Durée de vie Infinie 880,3 secondes (environ 15 minutes)
Spin
Moment magnétique 2,792847351 μN −1,9130427 μN
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