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Le modèle vu précédemment, basé sur trois équations, fonctionne très bien pour décrire l'économie sur le moyen-long-terme. En effet, celui-ci suppose que les prix peuvent évoluer dans le temps, même si pas parfaitement. En clair, le modèle suppose que les prix ne sont pas totalement rigides, mais ont une marge d'évolution. Cette hypothèse est ce qui permet d'existence de la courbe de Phillips. Une flexibilité des prix totale traduit un horizon temporel de long-terme, où l'économie est au PIB potentiel. Les taux ne sont alors plus contrôlés par la banque centrale, mais par l'inflation et le taux réel. Il est intéressant de regarder ce que donne le modèle quand les prix sont totalement rigides. Il suffit pour cela de retirer la courbe de Phillips du modèle à trois équations, ce qui donne le modèle IS-MP.

Avec ce modèle, l'économie est modélisée par deux marchés : un marché des biens et services et un marché interbancaire. Sur le premier, des biens et services sont échangés, la quantité échangée étant le PIB réel, et le prix moyen étant égal au niveau général des prix. Il est modélisé par une courbe IS, comme dans le modèle néo-kéynésien. Le second marché est modélisé par la fonction de réaction de Taylor, vue dans le chapitre précédent. Ces deux modèles se basent sur plusieurs hypothèses.

  • Premièrement, le taux directeur est fortement corrélé aux autres taux dans l'économie, ce qui fait qu'une baisse des taux directeurs signifie une baisse des taux pour les crédits, et autres taux de l'économie réelle.
  • Deuxièmement, l'offre n'est pas limitée, dans le sens où les entreprises peuvent répondre à toute augmentation de la demande en utilisant des capacités laissées inexploitées (heures supplémentaires, embauches, remise en marche de machines, et ainsi de suite).
  • Troisièmement, l'hypothèse de rigidité des prix est respectée. En conséquence, toute modification des taux directeurs par la banque centrale entrainera une variation similaire des taux réels dans l'économie, tout du moins à court-terme. La conséquence est que le recours au crédit est favorisé, ce qui booste l'investissement des entreprises, les crédits à la consommation ou les crédits immobiliers. En conséquence de cette augmentation de l'investissement, le PIB augmente.

Présentation du modèle IS/MP

Le modèle IS/MP fait intervenir deux relations qui lient le taux réel avec le PIB (ou l'écart de production, ce qui revient au même). La première relation donne l'état du marché des biens et services, alors que la seconde décrit la politique monétaire. La première relation est la courbe IS, alors que la seconde relation décrit la réaction de la politique monétaire à l'écart de production. On peut illustrer cette relation sur un graphique, ce qui donne la courbe MP. Pour résumer, le modèle peut s'illustrer sur un graphique qui représente deux courbes : la courbe IS, ainsi qu'une courbe MP qui décrit la politique monétaire. Le point d'intersection entre les deux courbes donne l'équilibre entre le marché monétaire et le marché des biens et services. Il donne à la fois le taux réel et le PIB de l'économie, sur le court-terme. Dans cette partie, nous allons étudier le modèle en économie fermée. Les conclusions obtenues seront identiques à celles valables pour l'économie ouverte, si l'on omet les exportations nettes : la courbe IS sera tout simplement plus plate en économie ouverte.

Modèle IS-MP

La courbe MP

On peut dériver la courbe MP à partir de l'équation de Taylor vue dans le chapitre précédent, en ne gardant que le taux naturel et l'écart de production (ce qui revient à postuler l'hypothèse de rigidité totale des prix à court-terme). Il existe aussi une autre manière de dériver la courbe MP, plus générale. Nous avons vu dans le chapitre précédent que la banque centrale fixait ses taux à partir de l'équation suivante :

On omet l'influence de la cible d'inflation, pour simplifier les calculs :

Remplaçons maintenant l'inflation par sa valeur déduite de l'équation de Phillips. Si on omet les anticipations d'inflation (supposées rigides), l'inflation ne dépend que de l'écart de production

On se retrouve bien avec une relation croissante entre taux directeurs et écart de production, ce qui correspond à la courbe MP.

Les conséquences de la politique monétaire et budgétaire

Le modèle IS/MP est simple à comprendre, mais il permet d'expliquer le fonctionnement de l'économie sur le court-terme. Il permet notamment de voir comment la politique monétaire et la politique budgétaire peuvent influencer l'économie, notamment pour contrer récessions et booms économiques. Dans les grandes lignes, la politique monétaire va influencer la position de la courbe MP : une politique expansionniste la déplace vers la droite, alors qu'une politique restrictive la déplace vers la gauche. La politique budgétaire fait la même chose, mais pour la courbe IS : une politique expansionniste la déplace vers la droite, alors qu'une politique restrictive la déplace vers la gauche. Ce qui est intéressant, c'est de voir ce qui se passe quand on déplace une des deux courbes, ou les deux, ce qui traduit l'effet des politiques économiques sur l'économie.

L'effet de la politique budgétaire

Pour commencer, étudions l'effet de la politique budgétaire dans ce modèle. Pour rappel, celle-ci déplace la courbe IS vers la gauche ou la droite. Prenons l'exemple d'une politique budgétaire accommodante (augmentation des dépenses de l'état et/ou baisse des impôts), qui fait se déplacer la courbe IS vers la droite. Cependant, la courbe MP étant croissante, le point d'intersection va remonter, ce qui fait qu'il se déplacera vers la droite d'une longueur inférieure à celle attendue si les taux ne variaient pas. Dit autrement, la politique monétaire va quelque peu contrecarrer la relance budgétaire. La banque centrale va ainsi tenter de limiter, d’adoucir les variations de l'écart de production sur l'inflation. Du fait de la hausse des taux, l'investissement privé va diminuer. Pour résumer, une partie de l'investissement public remplacera l'investissement privé : c'est ce que l'on appelle l'effet d'éviction. Le cas d'une politique restrictive est strictement inverse, aussi il ne sera pas étudié.

Effet d'une politique de relance dans le modèle IS-MP.

L'effet de la politique monétaire

La courbe MP monte ou descend en fonction de l'inflation, ce qui explique le passage du court-terme au moyen-long-terme. Lorsque l'inflation augmente, la courbe MP monte. Ce faisant, le point d'intersection des deux courbes va naturellement monter : le taux réel va augmenter. Mais le point d'intersection va aussi se déporter vers la gauche, du fait que la courbe IS est décroissante : le PIB va diminuer. Lorsque l'inflation aura atteint sa valeur cible, le taux d'intérêt sera égal au taux naturel, et le PIB sera égal au PIB potentiel. La situation inverse, à savoir une baisse de l'inflation, se traduit par la dynamique exactement inverse.

Effet d'une augmentation de l'inflation ou d'un resserrement de la politique monétaire dans le modèle IS-MP.

Policy mix

Il faut noter qu'il est possible de coupler les deux politiques, histoire de stabiliser le PIB à une valeur bien précise. Par exemple, imaginons que le gouvernement souhaite réduire les dépenses gouvernementales ou augmenter les impôts, pour diminuer la charge de la dette. Une telle action déplacera la courbe IS vers la gauche, entrainant une baisse du PIB et des taux. Mais la politique monétaire peut réagir à cette politique d'austérité, pour compenser son effet récessif. Pour cela, elle a juste à rendre sa politique monétaire plus accommodante. La baisse des taux induite entrainera une augmentation du PIB, qui compensera la politique budgétaire.

Couplage des politiques budgétaires et monétaires (policy mix) dans le cadre du modèle IS/MP.
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