< Fonctionnement d'un ordinateur

Dans les chapitres précédents, nous avons vu comment fabriquer des circuits relativement généraux. Il est maintenant temps de voir quelques circuits relativement simples, très utilisés. Ces circuits simples sont utilisés pour construire des circuits plus complexes, comme des processeurs, des mémoires, et bien d'autres. Les prochains chapitres vont se concentrer exclusivement sur ces circuits simples, mais courants. Nous allons donner quelques exemples de circuits assez fréquents dans un ordinateur et voir comment construire ceux-ci avec des portes logiques. Dans ce chapitre, nous allons nous concentrer sur quelques circuits, que j'ai décidé de regrouper sous le nom de circuits de sélection. Les circuits que nous allons présenter sont utilisés dans les mémoires, ainsi que dans certains circuits de calcul. Il est important de bien mémoriser ces circuits, ainsi que la procédure pour les concevoir : nous en aurons besoin dans la suite du cours. Ils sont au nombre de quatre : le décodeur, l'encodeur, le multiplexeur et le démultiplexeur.

Le décodeur

Le premier circuit que nous allons voir est le décodeur, un composant qui contient un grand nombre d'entrées et de sorties. Il possède une entrée sur laquelle on envoie un nombre codé bits et sorties de 1 bit. Par exemple, un décodeur avec une entrée de 2 bits aura 4 sorties, un décodeur avec une entrée de 3 bits aura 8 sorties, un décodeur avec une entrée de 8 bits aura 256 sorties, etc. Généralement, on précise le nombre de bits d'entrée et de sortie comme suit : on parle d'un décodeur X vers Y pour X bits d'entrée et Y de sortie. Ce qui fait qu'on peut parler de décodeur 3 vers 8 pour un décodeur à 3 bits d'entrée et 8 de sortie, de décodeur 4 vers 16, etc.

L'interface d'un décodeur

Décodeur à 3 entrées et 8 sorties.

Pour résumer, un décodeur est un circuit :

  • qui contient une entrée de n de bits ;
  • qui contient 2^n sorties de 1 bit ;
  • où les sorties sont numérotées en partant de zéro ;
  • où on ne peut sélectionner qu'une seule sortie à la fois : une seule sortie devra être placée à 1, et toutes les autres à zéro ;
  • et où deux nombres d'entrée différents devront sélectionner des sorties différentes : la sortie de notre contrôleur qui sera mise à 1 sera différente pour deux nombres différents placés sur son entrée.

Le fonctionnement d'un décodeur est très simple :

  • il prend sur son entrée un nombre entier x codé en binaire ;
  • positionne à 1 la sortie numérotée x ;
  • et positionne à zéro toutes les autres sorties.

La table de vérité d'un décodeur

Au vu de ce qui vient d'être dit, on peut facilement écrire la table de vérité d'un décodeur. Pour l'exemple, prenons un décodeur 2 vers 4, pour simplifier la table de vérité. Voici sa table de vérité complète, c'est à dire qui contient toutes les sorties regroupées :

E0E1S0S1S2S3
001000
010100
100010
110001

Vous remarquerez que la table de vérité est assez spéciale. Les seuls bits à 1 sont sur la diagonale. Et cela ne vaut pas que dans l'exemple choisit, mais cela se généralise pour tous les décodeurs. Cela se voit aussi quand on prend le tableau de Karnaugh d'un décodeur : il n'y a qu'un seul bit à 1 dans le tableau correspondant à une sortie.

Tableau de Karnaugh d'un décodeur 2 vers 4.

Sur chaque ligne, il n'y a qu'un seul bit à 1, ce qui traduit le fait qu'une entrée ne met qu'une seule sortie est à 1 et met les autres à 0. Si on traduit la table de vérité sous la forme d'équations logiques et de circuit, on obtient ceci :

Equations logiques et circuit d'un décodeur 2 vers 4.

Il y a des choses intéressantes à remarquer sur les équations logiques. Pour rappel, l'équation logique d'une sortie est composée, dans le cas général, soit d'un minterm unique, soit d'un OU entre plusieurs minterms. Chaque minterm est l'équation d'un circuit qui compare l'entrée à un nombre bien précis et dépendant du minterm. Si on regarde bien, l'équation de chaque sortie correspond à un minterm et à rien d'autre, il n'y a pas de OU entre plusieurs minterms. Les minterms sont de plus différents pour chaque sortie et on ne trouve pas deux sorties avec le même minterm. Enfin, chaque minterm possible est présent : X bits d'entrée nous donnent 2^X entrées différentes possibles, donc 2^X minterms possibles. Et il se trouve que tous ces minterms possibles sont représentés dans un décodeur, ils ont tous leur sortie associée. C'est une autre manière de définir un décodeur : toutes ses sorties codent un minterm, deux sorties différentes ont des minterms différents et tous les minterms possibles sur n bits sont représentés.

Ces informations vont nous être utiles pour la suite. En effet, grâce à elles, nous allons en déduire une méthode générale pour fabriquer un décodeur, peu importe son nombre de bits d'entrée et de sortie. Mais elles permettent aussi de montrer que l'on peut créer n'importe quel circuit combinatoire quelconque à partir d'un décodeur et de quelques portes logiques. Dans ce qui suit, on suppose que le circuit combinatoire en question a une entrée de n bits et une seule sortie de 1 bit. Pour rappel, ce genre de circuit se conçoit en utilisant une table de vérité qu'on traduit en équations logiques, puis en circuits. Le circuit obtenu est alors soit un simple minterm, soit un OU entre plusieurs minterms. Or, le décodeur contient tous les minterms possibles pour une entrée de n bits, avec un minterm par sortie. Il suffit donc de prendre une porte OU et de la connecter aux minterms/sorties adéquats.

Conception d'un circuit combinatoire quelconque à partir d'un décodeur.

Ceci étant dit, passons à la conception d'un décodeur avec des portes logiques.

L'intérieur d'un décodeur

On vient de voir que chaque sortie d'un décodeur correspond à son propre minterm, et que tous les minterms possibles sont représentés. Rappelons que chaque minterm est associé à un circuit qui compare l'entrée à une constante X, X dépendant du minterm. En combinant ces deux informations, on devine qu'un décodeur est simplement composé de comparateurs avec une constante que de minterms/sorties. Par exemple, si je prends un décodeur 7 vers 128, cela veut dire qu'on peut envoyer en entrée un nombre codé entre 0 et 127 et que chaque nombre aura son propre minterm associé : il y aura un minterm qui vérifie si l'entrée vaut 0, un autre vérifie si elle vaut 1, un autre qui vérifie si elle vaut 2, ... , un minterm qui vérifie si l'entrée vaut 126, et enfin un minterm qui vérifie si l'entrée vaut 127.

Pour reformuler d'une manière bien plus simple, on peut voir les choses comme suit. Si l'entrée du décodeur vaut N, la sortie mise à 1 est la sortie N. Bref, déduire quand mettre à 1 la sortie N est facile : il suffit de comparer l'entrée avec N. Si l'adresse vaut N, on envoie un 1 sur la sortie, et on envoie un zéro sinon. Pour cela, j'ai donc besoin d'un comparateur pour chaque sortie, et le tour est joué. Précisons cependant que cette méthode gaspille beaucoup de circuits et qu'il y a une certaine redondance. En effet, les comparateurs ont souvent des portions de circuits qui sont identiques et ne différent parfois que ce quelques portes logiques. En utilisant des comparateurs séparés, ces portions de circuits sont dupliquées, alors qu'il serait judicieux de partager.

Exemple d'un décodeur à 8 sorties.

Comme autre méthode, plus économe en circuits, on peut créer un décodeur en assemblant plusieurs décodeurs plus simples, nommés sous-décodeurs. Ces sous-décodeurs sont des décodeurs normaux, auxquels on a ajouté une entrée RAZ, qui permet de mettre à zéro toutes les sorties : si on met un 0 sur cette entrée, toutes les sorties passent à 0, alors que le décodeur fonctionne normalement sinon. Construire un décodeur demande suffisamment de sous-décodeurs pour combler toutes les sorties. Si on utilise des sous-décodeurs à n entrées, ceux-ci prendront en entrée les n bits de poids faible de l'entrée du décodeur que l'on souhaite construire (le décodeur final). Dans ces conditions, les n décodeurs auront une de leur sortie à 1. Pour que le décodeur final se comporte comme il faut, il faut désactiver tous les sous-décodeurs, sauf un avec l'entrée RAZ. Pour commander les n bits RAZ des sous-décodeurs, il suffit d'utiliser un décodeur qui est commandé par les bits de poids fort du décodeur final.

Décodeur 3 vers 8 conçu à partir de décodeurs 2 vers 4.

L'encodeur

Encodeur à 8 entrées (et 3 sorties).

Il existe un circuit qui fait exactement l'inverse du décodeur : c'est l'encodeur. Ce circuit possède des entrées qui sont numérotées de 0 à N. En sortie, l'encodeur donne le numéro de l'entrée qui est à 1. Voici l'exemple d'un encodeur à 4 entrées et 2 sorties.

Exemple d'encodeur à 4 entrées et 2 sorties.

L'encodeur à priorité

Si plusieurs entrées sont à 1, l'encodeur doit choisir une entrée. Dans la majorité des cas, l'encodeur est conçu pour choisir l'entrée qui a le numéro le plus petit : on parle alors d'encodeur à priorité. Le concevoir demande de partir de sa table de vérité et d'en déduire le circuit avec les méthodes des chapitres précédents. Mais il va de soit que ce n'est pas la meilleure des solutions pour des circuits avec un grand nombre d'entrée. Une autre solution part d'un encodeur normal, auquel on ajoute un circuit qui se charge de sélectionner un seul des bits passé sur son entrée.

Encodeur à priorité.

Le circuit de gestion des priorité est composé de petites briques de bases, reliées les unes à la suite des autres.

Circuit de gestion des priorités.
Brique de base du circuit de gestion des priorités d'un encodeur à priorité.

Chaque brique de base va fonctionner comme suit : elle va regarder le signal d'entrée RAZ et va en déduire si elle doit recopier le bit passé en entrée ou le mettre à zéro. Si le bit RAZ vaut 1, alors la sortie sera mise à zéro automatiquement. Dans le cas contraire, le bit passé en entrée sera recopié. Si jamais le bit d'entrée vaut 1 ou que le signal d'entrée RAZ est à 1, alors le signal RAZ de sortie sera mit à 1. Ce circuit est constitué d'un paquet de Portes OU et NOR. Si vous cherchez à la concevoir à partir d'un table de vérité, vous obtiendrez ceci :

Circuit de gestion des priorité - Circuit de la brique de base.

Le circuit complet d'un encodeur à priorité peut être déduit facilement à partir des raisonnements précédents. Après quelques simplifications, on peut obtenir le circuit suivant :

Encodeur à priorités

Le multiplexeur

Les décodeurs ont des cousins : les multiplexeurs. Ces multiplexeurs sont des composants qui possèdent un nombre variable d'entrées et une sortie. Le rôle d'un multiplexeur est de recopier le contenu d'une des entrées sur sa sortie. Bien sûr, il faut bien choisir l'entrée qu'on veut recopier sur la sortie : pour cela, notre multiplexeur contient une entrée de commande qui permet de spécifier quelle entrée doit être recopiée.

Multiplexeur à 4 entrées.

Le multiplexeur à deux entrées

Le multiplexeur le plus simple est le multiplexeur à deux entrées et une sortie. Il est facile de le construire avec des portes logiques, dans les implémentations les plus simples. Sachez toutefois que les multiplexeurs utilisés dans nos ordinateurs ne sont pas forcément fabriqués avec des portes logiques, mais qu'on peut aussi les fabriquer directement avec des transistors.

Multiplexeur à deux entrées - symbole.
Multiplexeur à deux entrées - circuit.

Les multiplexeurs à plus de deux entrées

On peut concevoir des multiplexeurs à plus de deux entrées en prenant deux multiplexeurs plus simples, et en ajoutant un multiplexeur 2 vers 1 sur leurs sorties respectives. Le multiplexeur final se contente de sélectionner une sortie parmi les deux sorties des multiplexeurs précédents, qui ont déjà effectué une sorte de présélection.

Multiplexeur conçu à partir de multiplexeurs plus simples.

Il existe toutefois une manière bien plus simple pour créer des multiplexeurs : il suffit d'utiliser un décodeur, quelques portes OU, et quelques portes ET. L'idée est de :

  • sélectionner l'entrée à recopier sur la sortie ;
  • mettre les autres entrées à zéro ;
  • faire un OU entre toutes les entrées : vu que toutes les entrées non-sélectionnées sont à zéro, la sortie de la porte OU aura la même valeur que l'entrée sélectionnée.

Pour sélectionner l'entrée adéquate du multiplexeur, on utilise un décodeur : si la sortie n du décodeur est à 1, alors l'entrée numéro n du multiplexeur sera recopiée sur sa sortie. Dans ces conditions, l'entrée de commande du multiplexeur correspond à l'entrée du décodeur. Pour mettre à zéro les entrées non-sélectionnées, on ajoute une porte ET par entrée : vu que a.0=0 et a.1=a, la porte ET :

  • recopie l'entrée du multiplexeur si le décodeur sort un 1 ;
  • met à zéro l'entrée si le décodeur sort un 0.
Multiplexeur 2 vers 4 conçu à partir d'un décodeur.

Le démultiplexeur

Après avoir vu le multiplexeur, il est temps de voir de démultiplexeur. Comme le nom l'indique, le démultiplexeur fait l'exact inverse du multiplexeur. Son rôle est de recopier, sur une des sorties, ce qu'il y a sur l'entrée. Évidemment, la sortie sur laquelle on recopie l'entrée est choisie parmi toutes les entrées possibles. Pour cela, le démultiplexeur possède une entrée de commande.

Démultiplexeur à 2 sorties.

Ce qui a été fait pour les multiplexeurs peut aussi s'adapter aux démultiplexeurs : il est possible de créer des démultiplexeurs en assemblant des démultiplexeurs 1 vers 2. Évidemment, le même principe s'applique à des démultiplexeurs plus complexes : il suffit de rajouter des couches.

Circuit d'un démultiplexeur à 4 sorties, conçu à partir de démultiplexeurs à 2 sorties.

Un démultiplexeur peut aussi se fabriquer en utilisant un décodeur et quelques portes ET. Pour résumer, un utilise un décodeur pour sélectionner la sortie sur laquelle recopier l'entrée. L'entrée doit alors : soit être recopiée si la sortie est sélectionnée, soit mise à zéro. Pour cela, on utilise une porte ET entre la sortie de sélection du décodeur et l'entrée.

Démultiplexeur conçu à partir d'un décodeur.
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